Flotte fantôme: sur les pétroliers russes, des agents sous couverture espionnent l'Europe, selon les services de renseignement
Par Lorène Bienvenu Des agents russes se sont livrés à des activités d'espionnage dans les eaux européennes, d'après les sources des renseignements ukrainiens et occidentaux, interrogés par le média américain CNN. Sous leur couverture de simples techniciens à bord de pétroliers fantômes, des agents russes espionnent pour le compte de l’armée ou des renseignements. Des agents russes se sont livrés à des activités d'espionnage dans les eaux européennes, d'après les sources des renseignements ukrainiens et occidentaux, interrogés par le média américain CNN. Sous leur couverture de simples techniciens à bord de pétroliers fantômes, des agents russes espionnent pour le compte de l’armée ou des renseignements.Depuis l'invasion de l'Ukraine en 2022, la Russie a constitué et développé une flotte dite "fantôme", qui rapporte chaque année des centaines de millions de dollars au Kremlin. Ces navire transportent le combustible russe depuis les ports de la Baltique et de la mer Noire, malgré les sanctions occidentales. Mais cette flotte a aussi une toute autre visée: l'espionnage.Des agents russes liés à l'armée et aux services de sécurité se seraient livrés à des activités d'espionnage dans les eaux européennes, en travaillant secrètement depuis ces navires, ont déclaré à CNN des sources occidentales et ukrainiennes issues des services de renseignement. Ces sources ont expliqué qu'au cours des derniers mois, les navires, dont les membres sont à majorité non-russes, avaient embauché de nouveaux membres d'équipages de nationalité russe, peu de temps avant leur départ de Russie. Plusieurs de ces personnes auraient été recrutés par une société russe secrète appelée Moran Security, d'après plusieurs sources interrogées par CNN. Cette société, qui est liée à l'armée et aux services de renseignement russes, a été sanctionnée par le Trésor américain en 2024 pour avoir fourni des "services de sécurité armée" à des entreprises publiques russes. L'objectif: "Intensifier la pression sur la Russie pour sa guerre cruelle et non provoquée contre l'Ukraine", rapporte le média américain. Des mercenaires Wagner recrutés sur les pétroliersMoran Security aurait entretenu des liens étroits avec la société militaire privée Wagner. Comme elle, elle aurait joué un rôle en Syrie en soutenant le régime Assad, aujourd'hui renversé, pendant la guerre civile (2011-2024), d'après les services de renseignement ukrainiens. Your browser doesn't support HTML5 video. Certaines de ces nouvelles recrues seraient des mercenaires, ayant travaillé pour des sociétés militaires privées russes, comme Wagner. Les renseignements ukrainiens assurent avoir témoigné de leur embarquement au sein de la flotte fantôme, il y a environ six mois. Parmi les missions des agents de Moscou: surveiller les capitaines des navires, qui ne sont pas des citoyens russes pour la plupart, selon Oleksandr Stakhnevych, du Service de renseignement extérieur ukrainien."Plus de pouvoir que le capitaine lui-même"Un officier du service national danois de pilotage, Bjarne Caesar Skinnerup, indique aussi que la plupart des membres de ces navires sont non-russes mais que "soudain, vous verrez un ou deux Russes figurer dans la liste". L'officier aide souvent les pétroliers étrangers à naviguer dans les détroits. Il confie à CNN qu'à bord, les Russes laissent penser "qu'ils dirigent le navire, ils ont plus de pouvoir que le capitaine lui-même". Your browser doesn't support HTML5 video. Le service danois, auquel Bjarne Caesar Skinnerup appartient, a envoyé un message à l'autorité danoise chargée de la gestion des urgences, en juillet dernier, indiquant : "De plus en plus de rapports font état de navires transportant quelques membres d'équipage supplémentaires, probablement russes, qui portent des uniformes militaires et se montrent très actifs, notamment en photographiant les zones du pont."CNN a étudié l'équipage d'un navire qui appartient à la flotte fantôme. Ce pétrolier appelé le Boracaya changé de nom et d'immatriculation officielle à plusieurs reprises au cours des trois dernières années. Deux Russes auraient embarqué le 20 septembre dernier, dans un port près de Saint-Pétersbourg. Sur les documents de l'équipage, ils apparaissent comme de simples techniciens. CNN a appris que l'un des deux hommes est un ancien policier qui aurait travaillé au sein de Wagner.Des drônes envoyés depuis les pétroliersEn septembre dernier, le Boracay faisait la Une des journaux. Le pétrolier longeait la côte danoise, le 22 septembre, deux jours après avoir quitté la Russie, quand trois drones ont perturbé le traffic aérien en s'approchant trop près de l'aéroport de Copenhague. Tweet URL Les drones sont arrivés de plusieurs directions et sont repartis de la même manière, ce qui, selon la police danoise, suggère qu'ils étaient pilotés par un individu "compétent", qui savait comment piloter des drones de manière à maximiser les nuisances et à semer la panique.Pour en savoir plus Pétrolier russe: enquête sur le Pushpa intercepté au large de la FranceUne source occidentale des services de renseignement a déclaré à CNN que "la coïncidence entre l'incident et la présence du navire dans la région peut être considérée comme suspecte"."Notre hypothèse est que des navires russes ont été impliqués dans au moins certains des incidents inexpliqués impliquant des drones près des côtes européennes", a indiqué une seconde source des services de renseignement européens."Tout le monde sait pertinemment que ces types reçoivent leurs ordres de l'État russe, mais c'est difficile à prouver." Jacob Kaarsbo, ancien responsable des services de renseignement danoisLa présence de personnes avec une expérience dans le domaine de la sécurité au sein de l'équipage de la flotte fantôme inquiète de plus en plus les services de sécurité européens, qui y voient un risque d'espionnage. Ils affirment que la présence d'hommes armés de formation militaire, à bord de ces navires, constitue un nouvel outil du Kremlin pour semer le trouble en Europe."La présence de groupes armés privés à bord des navires de la flotte fantôme est un exemple classique de déni plausible", a déclaré Jacob Kaarsbo, ancien responsable des services de renseignement danois, à CNN. Il explique: "Tout le monde sait pertinemment que ces types reçoivent leurs ordres de l'État russe, mais c'est difficile à prouver". Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a quant à lui déclaré à CNN : "Nous n'avons absolument aucune information à ce sujet."