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Archiver le ciel

Archiver le ciel Le 14 octobre 2025, Valéry Lainey, astrophysicien à l'Observatoire de Paris-PSL annonce fièrement la numérisation de plaques photographiques détenues par l’Observatoire de Greenwich et datant de la fin du XIXe siècle. L’achèvement d’un travail mené dans le cadre du programme Naroo (centre de numérisation de plaques astro-photographiques et de réduction d'observations anciennes). L’objectif de ce programme lancé en 2021 : numériser avec une très grande précision des « photos » du ciel grâce à un scanner mis au point après une dizaine d’années de développement. « Il a fallu six mois pour numériser les 2 500 plaques envoyées par Greenwich, datées en majorité entre 1892 et 1926. » révèle Vincent Robert, astrophysicien de l'Observatoire de Paris-PSL. En effet, il faut 20 minutes pour traiter une plaque de 30 cm sur 30 cm avec une précision de l’ordre du nanomètre. « Nous ne pouvions pas tout numériser. Il a fallu faire une sélection et nous avons décidé de nous concentrer sur le projet de la Carte du Ciel » explique Louise Devoy, conservatrice de l'Observatoire royal de Greenwich. Débuté en 1887 déjà sous l'impulsion de l'Observatoire de Paris, ce projet de carte du ciel a rassemblé 18 observatoires du monde entier comme celui de Postdam, Le Vatican, Alger, Le Cap, Sydney ou Helsinki, chacun ayant une partie du ciel à photographier. « Les directeurs s’attendaient à terminer le projet en cinq ans. Ils se sont rapidement rendus compte que la tâche était beaucoup plus exigeante et laborieuse qu'imaginée. Une grande partie d’entre eux ont donc embauché des femmes comme main-d’œuvre bon marché » indique la conservatrice. Les dames de la Carte du Ciel Au printemps 1890, un petit groupe de mathématiciennes issues des facultés féminines de l'Université de Cambridge sont sollicitées pour ce travail. Bien qu'ayant suivi les mêmes cours et passé les mêmes examens que leurs homologues masculins, ces femmes ne pouvaient pas obtenir de diplôme (une situation qui ne changea qu'en 1948). Quatre candidates acceptèrent le poste : Isabella Clemes, Alice Everett, Harriet Furniss et Edith Rix, suivies d’Annie Scott Dill Russell un an plus tard. Elles étaient chargées de prendre les photos du ciel sur plaques de verre et de les développer. Puis pour chaque photographie elles mesuraient et annotaient les positions des étoiles et leurs découvertes sur un carnet. Ces « calculatrices » sont la première génération d’astronomes féminines rémunérées. « Grâce à une interview donnée dans The Sketch par Alice Everett en novembre 1893, nous avons un aperçu de la routine hebdomadaire de ces femmes » se réjouit Louise Devoy : travaillant en binôme, elles consacraient deux soirées par semaine aux observations photographiques et alternait les séances de calcul au bureau, le matin et l'après-midi. En octobre 1895, toutes les calculatrices avaient quitté l'Observatoire. Alice Everett continua de travailler sur le projet de la Carte du Ciel pendant trois ans à l'Observatoire de Potsdam. Peinant à poursuivre une carrière en astronomie elle développa plus tard son intérêt pour l'optique au Laboratoire National de Physique. Annie Scott Dill Russell épousa son collègue E. Walter Maunder en décembre 1895, ce qui l’empêcha de continuer à travailler, mais devint célèbre pour ses photographies d'éclipses solaires pionnières et ses ouvrages d'astronomie grand public. Numériser d’indispensables données anciennes Le projet de la Carte du Ciel n’arriva jamais à son terme et fut abandonné. Une partie du catalogue d’étoiles obtenu fut publié et les plaques archivées. Au total plusieurs dizaines de milliers de photographies issues de divers projets d'observation astronomique entrepris à l'Observatoire royal de Greenwich aux XIXe et XXe siècles sont archivées. Une réserve d’informations colossale. Mais, « sur les quelques 2 500 plaques envoyée par l’observatoire de Greenwich pour numérisation, 73 n’ont pas pu être numérisées. Même quand elles ont été conservées dans de bonnes conditions, il y a une dégradation du support pour les plaques les plus vieilles » alerte Vincent Robert. « Il y a donc peut-être une urgence pour certains fonds anciens de les numériser pour ne pas perdre les informations. » D’autant qu’au-delà de l’intérêt patrimonial, la numérisation de ces plaques anciennes ouvre de nouvelles perspectives de recherche. « Les observations anciennes sont indispensables pour la modélisation de certains phénomènes en astronomie » explique Vincent Robert. Mais, sur la somme des observations rassemblées dans des « catalogues d’étoiles » dont Gaïa – qui compte 504 milliards d’observations et qui est la source d’information la plus importante pour l’étude des astéroïdes –, très peu sont anciennes. De plus, la plupart sont imprécises. Or, comme l’expose Paolo Tonga, astronome à l’Observatoire de la Côte d'Azur : « Il est nécessaire d’avoir des données sur de longues échelles de temps pour les astéroïdes. Ces limites peuvent être surmontées seulement en ayant recours aux plaques astronomiques. » Grâce à la numérisation qui conserve la précision des plaques, on a accès à des données anciennes plus facilement utilisables et précises. Léna Hespel est journaliste scientifique. Image : numérisation d'une plaque / Crédit : LTE julia_bellot jeu 06/11/2025 - 11:00 A la fin du XIXe siècle, un projet astronomique international avait pour ambition de cartographier l'ensemble du ciel. Près de 2 500 plaques photographiques réalisées alors par l'Observatoire de Greenwich viennent d'être numérisée. Léna Hespel Jeudi 6 novembre 2025 - 12:15 C'est payant? Gratuit

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Laurent Mauvignier remporte le prix Goncourt

Laurent Mauvignier remporte le prix Goncourt « L'histoire n'est pas un décor » Laurent Mauvignier, L’Histoire n° 536, octobre 2025. Image : Laurent Mauvignier en 2025. MATHIEU ZAZZO/PASCO&CO julia_bellot mar 04/11/2025 - 15:32 L'écrivain est récompensé pour son roman La Maison vide (Minuit) dans lequel il tente de comprendre le suicide de son père en remontant le passé familial jusqu'à la fin du XIXe siècle. Une œuvre exigeante qui n'a pas peur des fantômes. A lire : l'entretien qu'il nous a accordé sur cet ouvrage. Prix Mardi 4 novembre 2025 - 15:00 C'est payant? Gratuit

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Portraits de bagn’arts

Portraits de bagn’arts julia_bellot mar 21/10/2025 - 16:28 Philippe Collin Christelle Rivalland En Guyane et en Nouvelle-Calédonie, pour se distraire ou pour gagner un peu d’argent, des forçats ont produit des œuvres d’art souvent anonymes. Comment identifier ces artistes ? Image : Signé des initiales L. K., ce dessin est l’oeuvre de Léon Kroëf, bagnard déporté à Cayenne. FONDS DU MUSÉE BALAGUIER, LA SEYNE-SUR-MER Philippe Collin est auteur, essayiste, spécialiste des bagnes coloniaux Christelle Rivalland est directrice du musée Ernest-Cognacq de Saint-Martin-de-Ré. Notes 1. Jusqu’à présent, aucune collection publique ou privée n’a fait état d’œuvres réalisées par des femmes bagnardes. 2. Cf. M. Moreau, « Peindre le bagne », musée Ernest Cognacq, 2024. 3. Découverte réalisée le 4 mars 2025. Cf. https://criminocorpus-lab.cnrs.fr/2025/03/05/bagne-identite-de-lk-enfin-levee-philippe-collin 4. Émile Voillard, dit « Papa ». Né le 12 février 1872 à Chaumont. Condamné le 3 octobre 1898 à quinze ans de travaux forcés pour vol qualifié et meurtre par recel, matricule 29808. Décédé à Cayenne le 9 juillet 1921, il ne rencontre donc pas Albert Londres. 26 Mardi 4 novembre 2025 - 06:00 Payant 1 Ajouter au flux RSS 1 Entre 1852 et 1938, environ 100 000 hommes et femmes ont été envoyés dans les bagnes de Guyane et de Nouvelle- Calédonie. Parmi eux, des artistes devenus bagnards et des bagnards devenus artistes, dont les œuvres ont été pendant très longtemps réduites à de simples illustrations d’un système pénitentiaire méconnu. Au total, ils sont quelques dizaines, uniquement des hommes1, à avoir laissé des œuvres picturales ou des objets, confectionnés avec des moyens de fortune. Cet art de la débrouille est élaboré essentiellement avec des matériaux de récupération, trouvés ou volés sur les lieux de détention, recyclés ou détournés de leur fonction initiale. Coquillages, noix de coco, bois précieux, vertèbres de requin, carapaces de tortue ou encore calebasses sont gravés, sculptés, décorés. Des restes de tôle ou la toile d’un sac de farine, d’un drap, d’une tenue de bagnard, servent de support aux œuvres picturales. Par la précarité même de leur conception, ces œuvres sont communément appelées « camelote » par l’administration pénitentiaire et les forçats. « Pour le condamné disposant de temps le soir dans la case, d’une place privilégiée au sein de l’organisation pénitentiaire et d’un peu de talent, la peinture, l’artisanat ou le dessin apparaissent comme un moyen commode de se procurer de l’argent en vendant ses productions2. » Le bagne est un monde inégalitaire où toutes les places ne sont pas bonnes à prendre – il vaut mieux être infirmier à l’hôpital qu’affecté à un chantier forestier… Grâce à ses talents, le bagnard peut alors significativement améliorer son quotidien : augmenter sa ration de nourriture, se procurer des cigarettes, de l’alcool, participer aux plaisirs clandestins du bagne (jeux de cartes, sexe...), voire parfois financer une évasion. Le forçat libéré, condamné à hanter la colonie sans espoir de retour, sans travail et la faim au ventre, trouve dans la production de cette camelote une ressource vitale. En effet, une fois sa peine accomplie, le forçat libéré doit rester sur la colonie pour un temps équivalent à celui de sa condamnation : c’est le « doublage ». Pour certains de ces artistes, l’identité est même réduite au silence, camouflée par un anonymat total ou un mystérieux monogramme en guise de signature. La collection du docteur Collin Rappelé en 1914 pour la Grande Guerre, le docteur Léon Collin, médecin des troupes coloniales détaché auprès de l’administration Nouvelle-Calédonie 32 statuettes en terre peinte. Ces figurines représentent des scènes de vie, dont un pilou, danse rituelle kanake. Longtemps restées sur des étagères, une série de hasards puis de découvertes ont conduit à en identifier l’auteur : Alexandre Gérard. Les recherches butèrent sur le fait que l’on cherchait un déporté de la Commune – ce qu’il était – alors qu’il avait été déclassé et n’avait pas pu bénéficier de la loi d’amnistie de 1880 permettant aux communards de rentrer du bagne de Nouvelle- Calédonie. Une bagarre ayant mal tourné, sans pour autant qu’il y ait eu mort d’homme, l’avait fait passer du statut de déporté politique à celui de transporté, c’est-à-dire un condamné de droit commun. Le malheureux, tailleur de pierre de profession, finit ses jours sur « le Caillou », nom familier donné à la Nouvelle-Calédonie. Il meurt le 4 mars 1926 au dépôt des indigents de Nouméa. Qu’aurait-on su de lui s’il n’avait pas fabriqué et vendu, à un médecin de passage, ces petits personnages en terre ? Le cas L. K. En août 1923, certains épisodes du reportage réalisé par le journaliste français Albert Londres sur les conditions de vie au bagne de Cayenne publié dans Le Petit Parisien sont illustrés par des dessins signés du simple monogramme L. K. Ils fournissent une source majeure d’informations sur le quotidien du bagne de Guyane pour cette période. Dans un style volontiers caricatural, ils représentent toutes les étapes de la vie du condamné, de sa détention à Saint-Martin-de-Ré jusqu’aux exécutions capitales. Sans doute l’un des plus productifs mais aussi l’un des plus mystérieux artistes du bagne, L. K. croque également ses contemporains anonymes ou illustres. Ses cibles préférées : les bagnards connus considérés comme « planqués », dont la tête surdimensionnée et le corps bien charnu, contrastent avec l’apparence malingre des détenus ordinaires, mais aussi les cadres de l’administration pénitentiaire ou certains notables de Cayenne. Aujourd’hui, plusieurs séries de ces caricatures sont conservées dans les collections publiques ou chez des particuliers. On estime à près de trois cents les dessins en circulation. Si l’identité de L. K. est longtemps restée une énigme, le voile vient d’être récemment levé3. Cet homme se nomme Léon Kroëf. Né à Paris le 6 décembre 1870, il effectue en 1892 son service militaire, lors duquel il est recensé comme « artiste peintre ». Il est condamné pour recel à six ans de travaux forcés en 1911 par la Cour d’assises de la Seine et effectue sa peine au pénitencier de Cayenne. Une fois libéré, il trouve un travail à l’usine électrique de la ville et peut donner des cours de piano et de violon aux enfants de notables tout en vendant ses caricatures sous le manteau. Il échappe ainsi à la misère inhérente au statut des libérés, qui meurent de faim dans la colonie, et peut économiser le prix d’un billet de retour pour la France après avoir obtenu sa réhabilitation. Afin de ne pas contrarier l’administration pénitentiaire, il s’anonymise en signant « L. K. » des caricatures ironiques et pleines d’humour, le plus souvent à charge contre le système. Enfin, après tant d’années de lutte, il parvient à retourner vivre à Paris en 1925, mais il ne jouit pas longtemps de sa liberté… il décède le 11 avril 1926. Un autre artiste, Émile Voillard4, avait déjà réalisé ce type de caricatures et sans nul doute Léon Kroëf s’est-il inspiré de son aîné au bagne pour se lancer dans cette production lucrative. D’ailleurs on a longtemps cru à tort qu’Émile Voillard et Léon Kroëf étaient le même homme. Pour tous ces individus punis, il ne s’agit pas de remettre en cause leur culpabilité mais bien de constater la démesure entre la faute et la sanction qui en découle. « Le bagne n’est pas une machine à châtiment bien définie, réglée, invariable. C’est une usine à malheur qui travaille sans plan ni matrice, écrit Albert Londres. Elle les broie, c’est tout, et les morceaux vont où ils peuvent. » Sortir les œuvres d’Alexandre Gérard et de Léon Kroëf de l’anonymat, c’est un peu les ramener à la vie et, par là même, leur redonner une part de dignité. Parution product Muhammad. Histoire d’un prophète

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Célébrer le Guy Fawkes' Day

Célébrer le Guy Fawkes' Day « Feu sur les catholiques anglais ! » François-Joseph Ruggiu, L’Histoire n°303, novembre 2005. Image : Modèle en cire de Guy Fawkes brûlant sur un feu de joie en 2010 lors d'un spectacle pyrotechnique au Lake Meadows Park, Billericay, Essex. William Warby, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons. Thomas mer 05/11/2025 - 06:00 Le 5 novembre, les Anglais célèbrent le Guy Fawkes' Day : l'échec d'une conjuration menée en 1605 par les catholiques contre le Parlement et le pouvoir protestant. François-Joseph Ruggiu revient sur l'origine de cet événement. Éphéméride Mercredi 5 novembre 2025 - 07:00 C'est payant? Gratuit

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26 novembre 1965 : le premier satellite français

26 novembre 1965 : le premier satellite français Le 26 novembre 1965, depuis Hammaguir dans le désert algérien, la fusée Diamant décolle avec succès et place sur orbite la capsule militaire Astérix ou A1. En envoyant ainsi sur orbite un satellite avec son propre lanceur depuis son propre territoire - les Français ne rendirent à l'Algérie les clés de ses champs de tir sahariens que début juillet 1967 -, la France se hisse au rang de troisième puissance spatiale du monde, après la Russie soviétique en 1957 et les États-Unis en 1958. A lire :  « 1965, la France, puissance spatiale » Philippe Varnoteaux, L'Histoire n°489, novembre 2021.  Image : Un ingénieur procède aux dernières vérifications sur le premier satellite français, avant sa mise sur orbite le 26 novembre 1965. © OFF-FILES/AFP. julia_bellot mer 26/11/2025 - 07:00 Il y a soixante ans, la France envoyait son premier satellite artificiel dans l'espace. Pour de Gaulle, c'est la consécration. Rien n'aurait cependant pu se faire sans la conviction d'une poignée de militaires, et surtout des scientifiques. Éphéméride Mercredi 26 novembre 2025 - 07:01 C'est payant? Gratuit

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Le MondeLe Monde
Le grand prix du roman de l’Académie française attribué à l’autrice haïtienne Yanick Lahens
L'HistoireL'Histoire
Yanick Lahens, Grand prix du roman de l'Académie française
EntrevueEntrevue
Yanick Lahens remporte le Grand Prix du roman de l’Académie française 2025
FranceinfoFranceinfo
L'autrice haïtienne Yanick Lahens lauréate du Grand Prix du roman de l'Académie française
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Les Quinze-Vingts aux Archives nationales

Les Quinze-Vingts aux Archives nationales Implanté depuis 1779 rue de Charenton à Paris, dans l’ancien Hôtel des Mousquetaires Noirs, l’hôpital ophtalmologique des Quinze-Vingts a été fondé par Saint Louis vers 1260. Il accueillait à l’origine 300 aveugles, donc quinze fois vingt patients, selon l’ancienne manière de compter par vingtaine. Témoin de presque huit siècles d’histoire, l’hôpital conserve un fonds archivistique d’une importante valeur patrimoniale, qui vient d’être transféré aux Archives nationales. S’y trouvent notamment des chartes et lettres signées par de nombreux rois de France, comme Saint Louis et Henri IV. On y rencontre aussi le testament de Nicolas Flamel, copiste et libraire du XIVe siècle qui a légué une partie de sa fortune à l’hôpital. Plus encore, une documentation riche détaille la vie quotidienne et les activités de l’hospice, de l’infirmerie et de la clinique. Deux raisons ont motivé la décision de déménager les archives. D’une part, bien qu’elles aient un réel intérêt historique, elles étaient jusqu’à présent presque inaccessibles aux chercheurs. D’autre part, l’hôpital ne pouvait garantir le respect des normes légales de conservation. Dès lors, le dépoussiérage, le reconditionnement et la restauration des pièces les plus fragiles, ainsi que leur numérisation progressive ont été entrepris, permettant la libre consultation des fonds. Parmi ces nombreux documents, l’historienne Zina Weygand, spécialiste de la cécité, revient sur un opuscule méconnu écrit par Thérèse-Adèle Husson, jeune aveugle de 22 ans venue tenter sa chance à Paris en tant qu’écrivain. Dans ses Réflexions sur l’état physique et moral des aveugles, manuscrit de 83 pages qu’elle a remis au directeur de l’hospice en 1825, elle s’adresse à ses « compagnons d’infortune », témoignant de son expérience et de sa perception du monde. Dans la société ultra-conservatrice de la Restauration, une femme aveugle écrit à la première personne, sur ses sens et ses sensations, sur sa sensibilité et ses sentiments. Elle rompt avec l’image de la jeune aveugle soumise et vulnérable, en prônant pour les femmes le célibat et pour les aveugles la vie en commun. Son ouvrage est également le premier en langue française à revêtir un caractère presque ethnographique sur la cécité. Texte révolutionnaire à bien des égards, il a ainsi choqué les dirigeants de l’hôpital, qui ont choisi de l’enfouir pour ne plus le ressortir des archives. Aujourd’hui, il constitue un trésor pour l’histoire des aveugles et de la cécité, abordant des thèmes audacieux pour le XIXe siècle : les femmes, le corps et le sentiment amoureux.   Image: Vue perspective de la principale Entrée de l'Hospice des 15-20 dessinée à la plume d'après nature par Jean-Baptiste Métoyen en 1807 / Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, Réserve FOL-VE-53 (F). Thomas mer 29/10/2025 - 12:13 Chartes et lettres signées par les rois de France, testament de Nicolas Flamel, documentation de la vie quotidienne de l’hôpital ophtalmologique sont désormais consultables. Violette Bluche Mercredi 29 octobre 2025 - 15:30 C'est payant? Gratuit

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1755, la terre tremble à Lisbonne

1755, la terre tremble à Lisbonne « Lisbonne, 1755 : le grand tournant » Grégory Quenet, Les Collections de L’Histoire n°86, janvier-mars 2020. Image : Lisbonne (Portugal) durant le grand tremblement de terre du 1er novembre 1755. Cette gravure sur cuivre, réalisée la même année, montre la ville en ruine et en flammes. Domaine public, via Wikimedia Commons. Thomas sam 01/11/2025 - 11:45 Le tremblement de terre de Lisbonne marque un tournant dans l'histoire des catastrophes naturelles. Grégory Quenet explique ce qui a changé ce 1er novembre 1755. Éphéméride Samedi 1 novembre 2025 - 11:45 C'est payant? Gratuit

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Histoire et Cité

Histoire et Cité La 11e édition du festival Histoire et Cité se tiendra du 20 au 28 mars 2026 à Genève, Lausanne, Neuchâtel et Fribourg sur le thème « Comme par magie ». Un sujet plus sérieux qu'il n'y paraît et qui, des incantations paysannes censées assurer les récoltes aux traités savants rédigés pour les souverains en passant par la sorcellerie, traverse les civilisations sur l'ensemble du globe. Conférences, expositions, projections, spectacles, balades urbaines, ateliers pour les scolaires ou les adultes, podcasts, inviteront à la réflexion, à la découverte et au dialogue. Plus d'informations sur histoire-cite.ch julia_bellot jeu 23/10/2025 - 14:41 Suisse 20 mars 2026 28 mars 2026 Genève, Lausanne, Neuchâtel, Fribourg Festival

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Retours de déportation 1945-1946

Retours de déportation 1945-1946 Le colloque « Retours de déportation 1945-1946 » se tient les 3 et 4 novembre à l'Hôtel de Ville de Paris. Il est coorganisé par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah et la Fondation de la Résistance, introduit par Claire Andrieu. Parmi les intervenants : Sarah Gensburger sur la question des logements, Annette Wieviorka et Ophir Levy, qui présentera le film d'Henri Cartier-Bresson et Richard Banks Le Retour, sorti en 1945. julia_bellot jeu 23/10/2025 - 13:12 Paris  03 novembre 2025 04 novembre 2025 Hôtel de Ville colloque

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Projection « Deux procureurs »

Projection « Deux procureurs » Le 4 novembre 2025 à 20h, projection de Deux procureurs de Sergueï Loznitsa au cinéma ABC.  Elle sera suivie d'une discussion avec Natacha Laurent (Université Toulouse-Jean-Jaurès) animée par l'historien Olivier Loubes. 25 places sont offertes aux abonnés de L'Histoire. Inscription : privilege-abonnes@histoire.presse.fr A lire : « Mr. Kornev goes to Moscow » Olivier Loubes, L’Histoire n°537, novembre 2025. julia_bellot jeu 23/10/2025 - 12:37 Haute-Garonne 04 novembre 2025 04 novembre 2025 20:00:00 Cinéma ABC 13, rue Saint-Bernard, Toulouse Cinéma

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Avant-première « Pile ou face »

Avant-première « Pile ou face » Le 13 novembre 2025, à 20h avant-première de Pile ou face d'Alessio Rigo de Righi et Matteo Zoppis au cinéma Saint-André-des-Arts.  Elle sera suivie d'une rencontre avec Thibault Bechini, historien, et Antoine de Baecque, critique et historien du cinéma. 25 places sont offertes aux abonnés de L'Histoire. Inscription : privilege-abonnes@histoire.presse.fr A lire : « Western en Italie » Antoine de Baecque, L’Histoire n°537, novembre 2025. julia_bellot jeu 23/10/2025 - 12:41 Paris  13 novembre 2025 13 novembre 2025 Cinéma Saint-André-des-Arts 30, rue Saint-André-des-Arts, 75005 Cinéma

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Projection « Berlinguer. La Grande Ambition »

Projection « Berlinguer. La Grande Ambition » Le 6 novembre 2025, à 20 h 15 projection de Berlinguer. La Grande Ambition d'Andrea Segre au ciné-club de L'Histoire au cinéma Le Champo.  Elle sera suivie d'une rencontre avec Marc Lazar, historien, et Antoine de Baecque, critique et historien du cinéma. 40 places sont offertes aux abonnés de L'Histoire. Inscription : privilege-abonnes@histoire.presse.fr A lire : « Berlinguer ou le fol espoir des communistes italiens » Antoine de Baecque, L’Histoire n°537, novembre 2025. julia_bellot jeu 23/10/2025 - 12:44 Paris  06 novembre 2025 06 novembre 2025 Cinéma Le Champo 51, rue des Écoles, 75005 Cinéma

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Festival du film d'histoire

Festival du film d'histoire Le 35e festival international du film d'histoire de Pessac a lieu du 18 au 23 novembre 2025. 80 films, 30 débats et cafés historiques et 25 avant-premières sur le thème « Secret et mensonge » en partenariat avec L’Histoire.   Mardi 18 novembre Conférence inaugurale « La guerre de l’information : secret et mensonge dans le monde contemporain » Par David Colon Mercredi 19 novembre « “Fake-news”, du Moyen Age aux réseaux sociaux » Avec Paul Bertrand, Pascal Froissart et Maya Kandel Jeudi 20 novembre « De l’URSS à la Russie, la règle du mensonge » Avec Nicolas Werth et Cécile Vaissié Vendredi 21 novembre Archives : « L’État peut-il être transparent ? » Avec Jean-Pierre Bat, Gérard Courtois, Vincent Duclert et Renaud Meltz Samedi 22 novembre « Secrets d’Église » Avec Guillaume Cuchet, Isabelle de Gaulmyn et Claire Sotinel Dimanche 23 novembre « Secrets de famille » Avec Ariane Chemin, Anne-Marie Cocula, Julie Doyon et Didier Lett Seront également présents Raphaëlle Branche, Anne Carol, Marie N’Diaye, Antoine Vitkine…   Programme complet sur le site du festival A lire : « Pessac, une école du cinéma ! » Nicolas Patin, L’Histoire n°537, novembre 2025. « Moyen Age : l'empire du faux » Paul Bertrand, L’Histoire n°537, novembre 2025. julia_bellot jeu 23/10/2025 - 12:49 Gironde 18 novembre 2025 23 novembre 2025 Cinéma Jean-Eustache Pl. de la 5ème République, Pessac Festival

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Nouvelles Rencontres d'Averroès

Nouvelles Rencontres d'Averroès Les Nouvelles Rencontres d'Averroès s'intitulent cette année « Prendre langue, se parler », du 20 au 23 novembre 2025 à Marseille. Parmi la riche programmation, signalons une table ronde autour de la diplomatie, reine de la négociation en ces temps particulièrement troublés, avec Stéphanie David, ancienne représentante à l'ONU pour la FIDH, l'historien Yves Saint-Geours, qui fut ambassadeur en Bulgarie, au Brésil et en Espagne, et Justin Vaïsse, spécialiste des États-Unis et des relations internationales, fondateur et directeur général du Forum de Paris sur la Paix. Le dimanche, on parlera des langues outils de communication, et donc de la traduction, avec Barbara Cassin, académicienne philologue et philosophe, qui vient de publier La Guerre des mots (Flammarion, 2025), Cécile Canut et Richard Jacquemond. Le « grand témoin » de ces Rencontres, Souleymane Bachir Diagne, professeur à Columbia, spécialiste de la philosophie islamique, de l'histoire des sciences et du pluralisme culturel, donnera un grand entretien le samedi. Pour se retrouver dans l'abondante moisson de livres, revues et autres publications consacrées à la Méditerranée, le vendredi 21, Chloë Cambreling, Julien Loiseau, Rémi Baille, Sobhi Bouderbala et Ariane Mathieu dévoileront la sélection de leurs ouvrages préférés et le vainqueur du prix. Les juniors ne sont pas oubliés, héros du premier jour, et ceux qui ne peuvent se libérer dans la journée profiteront des soirées poétiques et musicales - dont une consacrée au poète palestinien Mahmoud Darwich, sous l'égide de son traducteur Elias Sanbar et du compositeur Franck Tortiller. Programme complet : www.nouvellesrencontresaverroes.com julia_bellot jeu 23/10/2025 - 13:00 Bouches-du-Rhône 20 novembre 2025 23 novembre 2025 Marseille Festival

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Qu'est-ce qu'une nation ? La France ?

Qu'est-ce qu'une nation ? La France ? L'historien et académicien Pascal Ory donnera une conférence intitulée « Qu'est-ce qu'une nation ? La France ? », le lundi 17 novembre à 18 heures, au Centre national du livre. Un événement co-organisé par le CNL, l'APHG et L'Histoire dans le cadre du cycle de rencontres « Histoire et compréhension du monde contemporain ». Inscriptions obligatoires par mail à oui.jeviens@centrenationaldulivre.fr julia_bellot jeu 23/10/2025 - 13:03 Paris  17 novembre 2025 17 novembre 2025 Centre national du livre 53, rue de Verneuil, 75007 Conférence

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Karol Nawrocki, historien-président

Karol Nawrocki, historien-président julia_bellot mar 21/10/2025 - 16:40 Valentin Behr Paul Gradvohl Le 1er juin 2025, la Pologne a élu l’historien Karol Nawrocki président de la République. Un signe de reconnaissance pour cette discipline en un temps où les intellectuels sont décriés ? Valentin Behr est chargé de recherche au CNRS (Centre européen de sociologie et de science politique). Paul Gradvohl est professeur à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne. 30 Payant 1 Ajouter au flux RSS 1 Vainqueur, avec 50,89 % des suffrages exprimés au second tour de l’élection présidentielle du 1er juin 2025, Karol Nawrocki a bénéficié d’un contrat passé publiquement avec Slawomir Mentzen, candidat du parti d’extrême droite Nouvel Espoir (14,81 % au premier tour). Cet engagement bloque la participation de la Pologne dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine et l’entrée de cette dernière dans l’Union européenne. Ce succès du candidat soutenu par Droit et Justice (PiS) est clairement le symptôme du maintien d’une forte tendance illibérale, malgré la défaite de ce parti aux élections législatives de 2023 et la formation du gouvernement dirigé depuis par Donald Tusk. Il atteste aussi la lente bascule de la droite conservatrice polonaise vers une fascination pour le monde des « hommes forts ». Comment comprendre une telle trajectoire, et que nous dit-elle du métier d’historien en Pologne ? En fonction depuis le 6 août, Nawrocki était peu connu un an auparavant, même s’il dirigeait l’Institut de la mémoire nationale (IPN) depuis juillet 2021. Présenté comme candidat indépendant bien qu’appuyé par le PiS, il a tiré profit de la participation la plus élevée à une telle élection en Pologne (71,63 % au second tour). Né en 1983 à Gdansk (l’année suivant la dissolution de Solidarnosc par le général Jaruzelski), Nawrocki y poursuit ses études d’histoire dans la Pologne démocratique. Son doctorat sur l’opposition de la société au pouvoir communiste à l’échelle d’un département est, comme ses autres travaux, empreint d’un « positivisme » permettant peu de subtilité dans l’analyse des logiques sociales. Sa carrière se déroule à Gdansk, dans la branche locale de l’IPN, dont il dirige le Bureau d’éducation publique (2013-2017). Il y contribue au culte des « soldats maudits », combattants anticommunistes de l’après-1945, promus par l’extrême droite et ladite politique historique de l’État polonais, en particulier l’IPN, au détriment de la commémoration de la résistance antinazie. En 2017 Nawrocki est choisi pour le poste de directeur du musée de la Seconde Guerre mondiale à Gdansk, en remplacement de Pawel Machcewicz, qui l’avait créé dans un esprit proche de celui du mémorial de Caen. Ce changement s’inscrit dans un rapport de force entre la direction du musée et le ministère de la Culture, qui entend le reprendre en main à la suite de l’accession au pouvoir du PiS en 2015. Nawrocki se fait le bras armé du parti au pouvoir : l’exposition permanente est remaniée, minimisant l’implication de Polonais dans la Shoah et soulignant au contraire le sauvetage des Juifs de Pologne. La perspective initiale, visant à développer le temps long du conflit, dans une approche globale, est remplacée par le récit d’une Grande Guerre patriotique polonaise. Soutien de Donald Trump L’historien bureaucrate atteint le sommet de sa gloire avec son élection à la présidence de l’IPN en 2021, grâce aux parlementaires du PiS et de Konfederacja, parti d’extrême droite anti-ukrainien et, implicitement, prorusse. Son mandat se traduit par des licenciements d’historiens de l’IPN pour désaccords idéologiques, même lorsque la qualité scientifique de leurs travaux n’est pas remise en cause. Les interventions de Nawrocki dans le débat public résument l’histoire nationale à une lutte des Polonais pour la liberté, à laquelle les Juifs ne sont pas intégrés. Son comité de soutien, créé à l’initiative d’Andrzej Nowak, professeur d’histoire à l’Université Jagellon de Cracovie et intellectuel conservateur reconnu, le présente comme nationaliste catholique socialement conservateur, sceptique à l’égard de l’Union européenne et partisan d’une ligne dure vis-à-vis de l’immigration. Il jouit du soutien de Donald Trump, à qui il rend visite au cours de la campagne. Entre les deux tours, alors que l’élection s’annonce serrée, il gagne la caution de l’extrême droite en se ralliant aux conditions posées par le candidat Mentzen, mais aussi en envoyant des clins d’œil aux électeurs du candidat ouvertement antisémite Grzegorz Braun. Il dénonce les « attaques répugnantes » d’historiens comme Jan Gross, Jan Grabowski ou Barbara Engelking, tous coupables de rapporter des actes antisémites commis par des Polonais pendant la guerre. L’historien-candidat joue peu de son statut d’intellectuel, assume une posture d’homme du peuple, ancien boxeur proche du hooliganisme, et les polémiques liées à des affaires d’abus de biens sociaux qui émaillent sa campagne ne semblent pas l’atteindre. Devenu président de la République, l’historien ne s’est pas départi de sa radicalité brutale. Au cours du premier mois de son mandat, il a opposé son veto à autant de lois que son prédécesseur Andrzej Duda, en vingt mois de cohabitation avec le gouvernement Tusk. Son implication en matière de politique historique reste forte, comme en témoigne la composition de son équipe de conseillers. Le nouveau chef du Bureau de la sécurité nationale auprès du président de la République est Slawomir Cenckiewicz, lui-même passé par l’IPN, connu pour sa vision complotiste de l’histoire, et pour avoir mené une lutte acharnée contre Lech Walesa, accusé de collaboration avec les services de sécurité communistes. Depuis son élection, Nawrocki a repris, à l’occasion des commémorations du 1er septembre 2025, la revendication de réparations de guerre allemandes à la suite de la Seconde Guerre mondiale, déjà exprimée en octobre 2022 par le gouvernement (PiS). Le 11 juillet, date-anniversaire des massacres de civils polonais par des membres de l’armée insurrectionnelle ukrainienne de Volhynie en 1943, considérés comme un génocide par les conservateurs polonais, il a exigé du président ukrainien Volodymyr Zelensky l’exhumation complète des corps des victimes. L’historien-bureaucrate incarne une forme d’intellectuel bien éloignée de celle d’un Bronislaw Geremek (cf. L’Histoire n° 286, avril 2004). La courtoisie de ce dernier contraste avec les rudes manières d’un historien- -président qui a passé une partie de sa vie à entraver le travail de ses collègues. Avec son élection à la présidence, l’enjeu devient tout autre. La bonne conscience nationale, nourrie par une pratique réductrice de l’histoire, alimente des conflits qui peuvent peser sur l’histoire de l’Europe. Comment ne pas constater que le succès d’intellectuels anti-intellectuels, à l’image du vice-président américain J. D. Vance, caractérise une époque où la légitimation de la violence au nom de la culture apparaît comme une réactivation du mouvement anti-Lumières. Il faut sans doute des intellectuels pour mener à bien une telle destruction. Parution product Muhammad. Histoire d’un prophète

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Le désastre d'Azincourt

Le désastre d'Azincourt « Azincourt : la plus grande défaite française » Xavier Hélary, L’Histoire n°380, octobre 2012. Image : Bataille d'Azincourt, illustrant la chronique d'Enguerrand de Monstrelet, Chronique de Franc (vers 1495). Enguerrand de Monstrelet, CC BY 4.0, via Wikimedia Commons Thomas sam 25/10/2025 - 06:00 Le 25 octobre 1415, à Azincourt, les chevaliers français sont écrasés, en une heure, par les archers anglais, mettant ainsi la France à la merci du roi d'Angleterre. Xavier Hélary explique les raisons d'une telle défaite française. Éphéméride Samedi 25 octobre 2025 - 06:30 C'est payant? Gratuit

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Au chœur de la dictature du « vieux Nico » Ceausescu

Au chœur de la dictature du « vieux Nico » Ceausescu Le 12 octobre 2025, le Prix 2025 du film de fiction historique des Rendez-vous de l’histoire de Blois a été décerné à Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé, du réalisateur roumain Bogdan Muresanu par un jury de spectateurs volontaires, choisis, comme chaque année, sur lettre de motivation. La sélection 2025 fut de l’avis général un excellent cru, alors même que le formidable La plus précieuse des marchandises, diffusé aux Lobis en présence de Michel Hazanavicius, avait été placé hors compétition. Très international, l’ensemble des films réunissait, outre le lauréat roumain, un vaste tour d’horizons de points de vue sur la dictature, saisie en son temps et par sa mémoire, qu’il s’agisse de situations brésilienne (Je suis toujours là de Walter Salles), espagnole (Marco, l’énigme d’une vie de Aïtor Arregui et Jon Garano), ukrainienne (La chambre de Mariana d’Emmanuel Finkiel), tchèque (Radio Prague, les ondes de la révolte de Jiri Madl), ou française (La cache de Lionel Baier). Seul le film américain, Les damnés de Roberto Minervini, attaché à dépeindre les questionnements déroutés d’une compagnie de volontaires nordistes pendant la guerre de Sécession, échappait à cette thématique. Il est vrai que les jeux historiques et les rejeux mémoriels des sociétés touchées par la dictature occupent les imaginaires des générations durant, forgent la matrice sensible de nombre d’images filmées. Oui, mais que faire de l’événement dictature, comment le donner à voir par la caméra ? C’est parce qu’il apportait la réponse la plus inventive cinématographiquement et la plus originale dans sa narration que Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé l’emporta. Avec une mention pour Mélanie Thierry, remarquable dans La chambre de Mariana, et Eduard Fernandez si troublant dans Marco. Mais en composant un film choral Muresanu touche au cœur de la dictature, par le chœur de six destins roumains, bouleversés juste au bord de la chute des Ceausescu, dans ces quelques jours de décembre 1989 où le régime va basculer. On le voit d’ailleurs s’effondrer dans les dernières scènes, mais là n’est plus l’essentiel pour le spectateur. La grande histoire est déjà dite par les six petites qui s’entremêlent en un crescendo soutenu par le boléro de Ravel, sans que cela fasse cliché. Ce qui est un exploit. Et, même, une de ces petites histoires, celle d’un ouvrier rendu fou d’inquiétude par la lettre au père Noël de son fils, qui reproduit une de ses phrases de défoulement domestique « je veux la mort du vieux Nico », nous livre la clé drôlatique du soulèvement de Bucarest le 21 décembre. Car, ce film réussit aussi à être drôle, de cette drôlerie involontaire parfois, faite de soulagement des peurs le plus souvent, que les dictatures produisent. Et nous rions autant que nous tremblons en suivant les parcours de la mère qui ne veut pas quitter sa maison (un cinquième du Bucarest historique fut détruit par le régime), des deux adolescents qui tentent de franchir le Danube et ne sont pas égaux socialement face à la violence de la Securitate, de l’actrice qui ne veut pas participer au clip officiel du premier de l’an, mais qui est prise dans un conflit intime de loyauté… Au final, nous sommes plongés par ces sentiments mêlés et ces destins croisés dans la meilleure compréhension de ce que produit la dictature comme peurs, courages et asservissement dans une société d’individus qui, grâce au talent de Muresanu, deviennent nos proches, nous ressemblent tant. Voilà bien à quoi sert la fiction historique : face à la dictature, et à l’échelle humaine de nos parcours personnels, qu’aurions nous fait ? Que fer(i)ons-nous ? julia_bellot mer 22/10/2025 - 08:33 Le jury du Prix du film de fiction historique des Rendez-vous de l’histoire a plébiscité Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé de Bogdan Muresanu. Blois 2025 Prix Cinéma Olivier Loubes Vendredi 24 octobre 2025 - 07:00 C'est payant? Gratuit

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251023_ELH_537_parution_1

251023_ELH_537_parution_1 La Lettre H - Novembre 2025 julia_bellot lun 20/10/2025 - 14:51 En kiosque et sur www.lhistoire.fr Vous recevez cette lettre car vous avez montré votre intérêt pour [site:url-brief]. se désinscrire. Copyright © 2021 Les Éditions Croque Futur - [site:name]. Tous droits réservés Les Éditions Croque Futur – 41 bis, avenue Bosquet - 75007 Paris. Muhammad. Histoire d'un prophète S’il est difficile d’en faire sa biographie, il a bien existé, au VIIe siècle de notre ère, un prophète que la Tradition musulmane nomme Muhammad. C’était dans l’Arabie de l’Ouest, celle des villes, ouvertes au commerce caravanier et accueillantes aux monothéismes juif et chrétien. Le récit de la vie du fondateur de l’islam a été le sujet d’une dogmatisation par les diverses traditions musulmanes depuis le Moyen Age. Son image a aussi été dénaturée dans l’Europe chrétienne, soit caricaturée, soit érigée en modèle. Et, contrairement à une idée répandue, le Coran n’interdit pas la représentation figurée du Prophète, même si les portraits de Muhammad devinrent plus rares à partir du XVIe siècle. Des spécialistes nous proposent, sans polémique, de reprendre les sources, et, à l'aide des recherches les plus récentes, de redonner vie au Muhammad historique. ► Découvrir ce numéro   Il y a 80 ans : les 33 premières députées Le 21 octobre 1945, 33 femmes étaient élues pour la première fois à l’Assemblée nationale. Yaël Braun-Pivet, son actuelle présidente, répond à nos questions. ► Lire l'entretien   Palmarès des Rendez-vous de l'histoire De nombreux prix ont été remis au cours des rendez-vous de l'histoire qui se sont tenus à Blois du 8 au 12 octobre. Palmarès. Alain Blum et Emilia Koustova Grand Prix pour Déportés pour l'éternité. Survivre à l'exil stalinien, 1939-1991 (Éditions de l'EHESS-INED, 2024). ► Entretien Johann Chapoutot Prix Augustin-Thierry pour Les Irresponsables. Qui a porté Hitler au pouvoir ? (Gallimard, 2025). ► Entretien Sarah Gruszka Prix lycéen du livre d'histoire pour Le Siège de Leningrad. Septembre 1941-septembre 1944 (Tallandier, 2024) ► Entretien Faustine Régnier Prix Anthony-Rowley pour Distinctions alimentaires (Puf). ► Entretien Guy Delisle Prix Château de Cheverny de la bande dessinée historique pour Pour une fraction de seconde. La vie mouvementée d’Eadweard Muybridge (Delcourt). ► Entretien Farahnaz Sharifi Grand Prix du documentaire pour My Stolen Planet. ► Lire l'article Bogdan Muresanu Prix du film de fiction historique pour Ce nouvel an qui n’est jamais arrivé. ► Lire l'article La Veste et le Choléra Prix de la Game Jam. ► Lire l'article   Abonnez-vous pour avoir accès à toute L’Histoire en ligne et à toutes nos archives. ► En savoir plus Pour ne rien manquer, suivez-nous sur les réseaux sociaux : Magazine L'Histoire maglhistoire.bsky.social   maglhistoire   news@news.lhistoire.fr 1097 Muhammad. Histoire d'un prophète

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Subversif gothique

Subversif gothique Si les Goths sont un peuple germanique avéré – dans leur version occidentale, les Wisigoths, et orientale, les Ostrogoths –, ils ne sont pourtant en rien liés au gothique en tant que manifestation artistique. Celle-ci se développe en effet bien plus tard, à partir du XIIe siècle dans un contexte favorable de croissance économique et urbaine et, du point de vue politique pour la France, de centralisation et de renforcement du pouvoir royal. Des évolutions bien mises en valeur dans la première partie de l’exposition. C’est seulement à la Renaissance que l’adjectif « gothique » se répand, avec une connotation nettement négative. Il faudra attendre le XIXe siècle romantique – voir l’emblématique Notre-Dame de Paris de Victor Hugo –, pour que le gothique accède au rang qui est resté le sien : cathédrales élancées où la lumière « resplendit à l’intérieur » selon le mot de l’abbé Suger, retables colorés et soulignés d’or, livres enluminés fourmillant de personnages fantastiques et de caractères joliment calligraphiés, les fameuses lettres gothiques utilisées par Gutenberg lorsqu’il imprime sa première Bible. Des publicités et logos ou certains grands titres de presse, dont Le Monde, utilisent toujours ces caractères anguleux et plastiques, comme les fans du groupe AC/DC ou des Gothiques, l’équipe de hockey sur glace d’Amiens le savent. Car, en miroir de la luminosité et des couleurs vives, le gothique a toujours assumé un côté un peu sombre aussi, que l’on trouve dès le XVIIIe siècle avec les romans anglais et écossais : Le Château d’Otrante est publié par Horace Walpole en 1764 et lance un courant littéraire au succès inimaginable de nos jours (sauf pour Harry Potter qui en reprend des codes), les livres étant parfois traduits en français dès le lendemain de leur parution en anglais. Une veine mystérieuse, fantastique, inquiétante, nostalgique, fouillée depuis par le cinéma (du Nosferatu de Murnau en 1922 à la série Netflix Mercredi), un certain style musical (hard rock, heavy metal ou Mylène Farmer depuis son album Ainsi soit-je), une mode vestimentaire et bien sûr l’art contemporain : des œuvres récentes ponctuent le parcours, dont un étonnant Sac de Rome par les Goths d’Agathe Pitié (2025) qui mêle dans une foule bigarrée soldats barbares, empereurs romains et stars de la scène musicale. L’exposition du Louvre-Lens, avec le pluriel à son titre, revendique cette lecture sur la longue période, gothique et néo-gothique, en montrant aussi comment notre perception en a été forgée par les choix esthétiques du XIXe siècle, à commencer par ceux de Viollet-le-Duc à Notre-Dame : mais après tout, en donnant au saint Thomas de la flèche ses propres traits, l’architecte n’accomplissait-il pas un geste absolument gothique ? A voir « Gothiques », jusqu’au 26 janvier 2026 au Louvre-Lens (62). julia_bellot ven 17/10/2025 - 14:46 Quel rapport entre les cathédrales médiévales baignées de lumière et le heavy metal ? Le Louvre Lens, dans un parcours original, nous donne quelques clés. Exposition Huguette Meunier Samedi 18 octobre 2025 - 05:59 C'est payant? Gratuit

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« La Veste et le Choléra » grand prix de la Game Jam

« La Veste et le Choléra » grand prix de la Game Jam Organisée par l’association La Science entre en jeu sur une idée des Clionautes, la Game Jam a réuni du 26 au 28 septembre huit équipes via internet dans une Halle au grain virtuelle. Chacune était composée d’un enseignant, d’un ou deux développeurs, d’un game designer, d’un sound designer, d’un game artist, et d’un graphiste. Les jeux ont ensuite été présentés lors des Rendez-vous de l’histoire à Blois et les prix remis le dimanche 12 octobre. Le grand prix a été attribué à La Veste et le choléra, dans lequel les joueurs incarnent le préfet de Lyon au XIXe siècle. Sur une belle carte de la ville, les dilemmes se bousculent : allez-vous éloigner les usines du centre-ville pour améliorer la qualité de l’air, au risque de mécontenter les ouvriers dont les trajets seront plus longs ? Allez-vous négocier avec les canuts révoltés ou envoyer les forces de l’ordre ? Vaut-il mieux mettre en place un système de poubelles pour éviter les maladies, mais priver les âniers des déchets qu’ils utilisent comme engrais ? Chaque choix entraîne des conséquences sur la santé et le contentement de la population. Et attention, le temps presse : mettre en place ces aménagements prend des années, impossible de tout réaliser ! Il faut faire preuve de stratégie pour transformer Lyon en ville modèle avant la fin du siècle. Un moyen ludique d’aborder les bouleversements urbains induits par l’industrialisation et l’hygiénisme à travers des exemples concrets tirés de l’histoire lyonnaise. Utile pour les élèves de première, mais aussi pour tous les curieux ! Dans Consulat, qui a reçu le prix spécial pédagogie, les joueurs sont également à la tête d’une ville, mais au Moyen Age cette fois. Dans la salle d’audience, les conseillers, émissaires ou habitants se succèdent, il faut répondre à leurs demandes. Là aussi, les choix sont au centre du jeu : l’objectif est de réussir à émanciper la ville du pouvoir du seigneur local et de finir l’édification de la cathédrale. Immergé dans un temps cyclique représenté par les saisons défilant en haut de l’écran, les joueurs tentent de s’enrichir – notamment grâce au cens payé chaque année par la population – pour être en position de négocier progressivement de nouvelles prérogatives comme le droit de lever des taxes sur les foires ou de rendre la justice. Le jury a salué un jeu qui apporte de la nuance sur le pouvoir féodal notamment abordé en classe de cinquième. A l’autre bout du spectre, bien loin du pouvoir, le coup de cœur du public Paysans dur labeur ! adopte un ton satirique pour dépeindre la société d’ordre. Sur fond de musique médiévale-punk, il s’agit de cliquer sur du blé pour le récolter et ainsi payer des taxes au seigneur. Mais à chaque clic le joueur perd de la santé et ne récolte qu’une petite partie du blé : le reste s’envole vers le château et l’église joliment représentés en arrière-plan et qui ne cessent de croitre à mesure que le joueur dépérit… Difficile de gagner quand on est exploité ! Peu de marge de manœuvre également dans Le Maitre des Forges, récompensé par le prix spécial de l’immersion. Incarnant un ouvrier de l’usine Schneider du Creusot en 1838, les joueurs doivent appuyer sur les bonnes touches pour que le personnage au design de papier façonne à la chaine des pièces de métal, pressé par les ordres du contremaitre. Dans une ambiance sonore et visuelle très soignée, le jeu met en avant la répétitivité du travail à la chaine et la difficulté d’essayer de s’opposer au patronat. En tout, huit jeux sont à découvrir gratuitement sur itch.io. Il est ainsi possible d’apprendre à assiéger une forteresse dans La Chamade avec Vauban lui-même comme instructeur ; de changer le cours de la révolution de 1848 dans 1848, le making of ; de participer à un procès à la cour du souverain Foulque de Jérusalem dans Le Safir et le roi, ou encore de mener une enquête sonore pour découvrir les états ancestraux du français depuis le Ve siècle dans le très original Héritage. Julia Bellot, membre du jury de la Game Jam des Rendez-vous de l’histoire 2025. Tous les jeux de 2025 à découvrir sur itch.io : La Veste et le Choléra, Grand Prix du jury Consulat, Prix spécial pédagogie Le Maître des Forges, Prix spécial immersion Paysans, dur labeur !, Coup de Cœur du Public et Mention Satire Héritage, Mention Gameplay innovant La Chamade, Mention Direction artistique 1848, le making of, Mention dont vous êtes le héros Le Safir et le Roi, Mention Meilleur Réf'   Les jeux des précédentes éditions : Game Jam 2024 Game Jam 2023 Game Jam 2022   A lire : notre article sur la Game Jam des Rendez-vous de l’histoire de Blois 2023. julia_bellot ven 17/10/2025 - 15:38 La quatrième édition de la Game Jam des Rendez-vous de l’histoire de Blois avait pour objectif de créer en 48 heures des jeux vidéo sur des thèmes des programmes scolaires d’histoire. Un pari réussi ! Blois 2025 Prix Jeu vidéo Julia Bellot Vendredi 17 octobre 2025 - 18:00 C'est payant? Gratuit

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21 octobre 1805, Trafalgar !

21 octobre 1805, Trafalgar ! « Trafalgar, la mer sera anglaise ! » Jean-Marie Homet, L’Histoire n°298, mai 2005. Image : Combat glorieux du vaisseau le Bucentaure contre trois vaisseaux anglais, 21 octobre 1805, tableau d'Auguste Étienne François Mayer (1836) / Musée national de la Marine.  Thomas mar 21/10/2025 - 06:00 Grande victoire pour les Anglais et plus grave défaite navale de Napoléon, la bataille de Trafalgar condamna la France à demeurer une puissance continentale. « Trafalgar, la mer sera anglaise ! » par Jean-Marie Homet. Éphéméride Mardi 21 octobre 2025 - 06:00 C'est payant? Gratuit

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Eadweard Muybridge et la photo du cheval au galop

Eadweard Muybridge et la photo du cheval au galop L’Histoire : Comment avez-vous découvert Eadweard Muybridge ? Et pourquoi vous êtes-vous intéressé à lui ? Guy Delisle : Mon premier métier, c’était le dessin animé. Quand j’ai fait mes études à Toronto, tout le monde connaissait Eadweard Muybridge. Particulièrement ses deux livres : Human & Motion et Animal & Motion. Pendant longtemps, je l’ai considéré comme une sorte de scientifique qui avait pris beaucoup de photos et qui était la référence sur la décomposition photographique du mouvement. Je savais aussi qu’il avait vécu à l’époque victorienne et je trouvais amusant qu’on lise encore ses livres plusieurs décennies après sa mort en 1904. Plus tard, en écoutant une émission sur France Culture, j’ai découvert qu’Eadweard Muybridge avait d’abord été un grand photographe paysagiste et qu’il avait inventé l’obturateur [qui permet de faire varier le temps de pose et donc la durée d'exposition] ainsi que le projecteur. Et puis qu’il avait tué l'amant de sa femme ! Je me suis donc intéressé à lui et je me suis rendu compte qu’il n’existait pas de biographie en français et qu’il n’était pas très connu dans le monde francophone. Ça m’a donné envie de réaliser un roman graphique sur lui, sur sa vie et sur l’étude du mouvement. L’Histoire : Comment avez-vous travaillé sur une période plus ancienne que celles sur lesquelles vous travaillez habituellement ? Guy Delisle : C’est vrai que mes récits sont souvent autobiographiques : en Chine (Shenzen, L’Association, 2000), en Corée du Nord (Pyongyang, L’Association, 2003), à Jérusalem (Chroniques de Jérusalem, Delcourt, « Shampooing », 2011), avec mes enfants... Et je me disais que ça serait bien de changer un peu. Mais toujours en bande dessinée, car c’est un outil de narration que j’aime beaucoup, juste le texte et l’image. Je lis beaucoup de biographies, ce sont de grands moments de lecture. L’idée a fait son chemin. J’avais de plus en plus envie de me frotter à cet exercice. Et puis, j’ai toujours voulu dessiner une histoire qui se déroulerait au Far West avec les diligences, les chevaux… La vie d’Eadweard Muybridge est fantastique pour cela. Elle est mouvementée, il y a de l’action, des coups de fusil et même un meurtre… Ensuite, je souhaitais rattacher tout cela au contexte de l’époque et surtout à l’histoire de la photographie. Toutes ces recherches pour décomposer les mouvements et parvenir à les immortaliser à travers des images. Sans oublier, bien sûr, les débuts du cinéma. Ni les évolutions dans la peinture car avec les progrès de la photographie, j’ai un peu l’impression que les peintres ont été poussés dans leurs retranchements et qu’ils ont dû évoluer, se renouveler, créer. Ce côté pédagogique de la bande dessinée ne me fait pas peur. Au contraire, ça me plaît beaucoup. Tout cela en 200 pages ! L’Histoire : De quelle documentation vous êtes-vous servi ? Guy Delisle : Beaucoup de documents se trouvent sur Internet. Je suis allé à la médiathèque de Montpellier, où ils ont une connexion avec l’Institut national de l’audiovisuel (INA) ce qui m’a permis de regarder de vieux documentaires. J’ai lu tout ce qui existait sur Eadweard Muybridge. La plupart des ouvrages sont en anglais donc j’ai dû les faire venir des États-Unis. Concernant l’iconographie, l’invention et le développement de la photographie marquent une rupture importante. Avant, il faut s’appuyer sur des gravures, des peintures, des illustrations de journaux. Mais un dessin c’est une interprétation donc nous ne sommes pas du tout sûr que cela représente la réalité. Par exemple, pour dessiner San Francisco avant l’invention de la photographie, j’ai dû imaginer la ville à partir des éléments iconographiques que j’avais à ma disposition. A partir du moment où je dispose de photographies c’est plus facile de représenter les bâtiments, le port ou même la configuration de la ville elle-même. L’Histoire : En termes de narration, est-ce qu’une biographie historique est différente d’une autobiographie personnelle ? Guy Delisle : L’important c’est que la narration soit rythmée car le lecteur ne doit pas ne s’ennuyer. Lorsqu’un lecteur me dit qu’il a dévoré l’album en deux heures, je me dis que j’ai bien fait de passer deux ans à travailler dessus ! Quand je fais une autobiographie, c’est pareil, le rythme est essentiel. Par contre, les sujets sont beaucoup plus légers : je parle de mes enfants, des problèmes de voiture, parce que dans un contexte étranger (Corée du Nord, Jérusalem, Chine ou Birmanie), je trouve qu’ils sont intéressants. Pour cet ouvrage sur Eadweard Muybridge, les choses sont différentes. J’ai dû identifier les grandes lignes essentielles. Mais aussi trouver les petits moments de sa vie qui sont cocasses, drôles, surprenant. Je dresse une liste de tout ce que je souhaite intégrer dans le livre. Comme j’ai dû mal à tout préparer à l’avance, à organiser un grand plan, j’avance… j’avance… Et puis je relis, j’ajoute, je retire, je modifie parce que tel passage est trop lent… Bref, je refais du montage tout le temps. Il faudrait que je travaille avec un storyboard, c’est ce qu’on apprend dans les écoles de BD. J’ai déjà essayé mais je n’y arrive pas. L’Histoire : Qu’est-ce que cette histoire vous a appris ? Guy Delisle : Ce qui m’a impressionné c’est toutes les connexions qui existaient entre les scientifiques, les artistes, les inventeurs à travers le monde à la fin du XIXe siècle. Ils se rencontrent, échangent, collaborent, se copient… Malgré les distances, ça va à toute vitesse, grâce au développement de l’électricité, du télégraphe, des machines à vapeur… Je connaissais le médecin et inventeur français, Étienne-Jules Marey et ses travaux sur la décomposition du mouvement. Et son hypothèse que, au galop, les quatre pattes du cheval quittent ensemble le sol brièvement. Le gouverneur de Californie, Leland Stanford souhaitait démontrer par la photographie. C’est pour cette raison qu’il fait appel à Muybridge, photographe mais aussi inventeur de l’obturateur qu’il électrifie pour qu’il fonctionne plus vite. Mais cela n’en reste pas là. Muybridge entre en contact avec Marey. Ils échangent des lettres, se voient durant un mois, travaillent ensemble… Et finalement Muybridge parvient à capter un cheval au galop, les quatre pattes décollées du sol. Thomas Edison aussi est allé voir Muybridge et après leur rencontre il a commencé à travailler à son appareil cinématographique qui sera démonté à Paris, observé, analysé et finalement largement amélioré par les frères Lumière. Travailler sur cette biographie de Muybridge était aussi l’occasion de montrer toute cette vitalité intellectuelle de la seconde moitié du XIXe siècle. L’Histoire : Quels sont vos projets ? Allez-vous continuer à explorer le passé ? Guy Delisle : Je viens de terminer un livre assez différent qui doit être publié en mars 2026, une adaptation d’une petite nouvelle de Jean Echenoz, L’Occupation des sols. Je m’intéresse aussi à Ambroise Vollard, un marchand de tableaux réunionnais qui possédait des tableaux d’Auguste Renoir ou de Pablo Picasso et a révélé de nombreux artistes, notamment Paul Cézanne dont il a organisé la première exposition. Il avait une vision de ce qu’allait être la peinture avant tout le monde. Cela reste dans le domaine des images, de la peinture. Et puis, il y a l’ambiance du début du début XXe siècle à Paris… Il est mort en juillet 1939, juste avant la guerre. Le personnage m’intéresse mais à la différence de Muybridge, il n’a tué personne. C’est moins mouvementé. (propos recueillis par Olivier Thomas)   A lire La chronique de l'album par Sylvain Venayre : « Western californien » L’Histoire n°530, avril 2025. Thomas jeu 16/10/2025 - 06:50 Avec Pour une fraction de seconde. La vie mouvementée d’Eadweard Muybridge (Delcourt), Guy Delisle a reçu le prix Château-de-Cheverny de la bande-dessinée historique 2025. Entretien. Blois 2025 Prix Bande dessinée C'est payant? Gratuit

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Nouvelle-France : des castors en détresse

Nouvelle-France : des castors en détresse etreyz jeu 18/09/2025 - 00:00 Jan Synowiecki A l'Époque moderne, la mode des chapeaux en feutre, particulièrement à la cour de France, entraîne, dans l'Amérique du Nord en voie d'être colonisée, une chasse impitoyable des castors canadiens, qui menace les écosystèmes. Image : Chasse au castors figurée par le négociant James Isham en 1743. THE GRANGER COLLECTION NYC/AURIMAGES 74 Mardi 14 octobre 2025 - 06:00 Payant 2400 3 Ajouter au flux RSS 1 A la fin du Moyen Age, le castor européen (Castor fiber) avait pratiquement disparu du continent. L'engouement pour les fourrures et les vêtements qu'il permettait de confectionner ainsi que le goût pour sa chair avaient eu raison de l'animal. Or, loin de se tarir à l'Époque moderne, la mode des fourrures connut une embellie exceptionnelle en Europe, et plus particulièrement dans le royaume de France. Les chapeliers se tournèrent donc vers le castor canadien (Castor canadensis) présent en Amérique du Nord. Sa chasse fut rendue possible par l'établissement des Français dans cette partie du monde depuis les premiers voyages de Jacques Cartier (1534-1542). Toutefois, à l'instar de son cousin européen, Castor canadensis fut rapidement confronté aux maux de la surchasse, accentués par l'exploitation coloniale, ce qui occasionna une diminution drastique de l'espèce. La surchasse, c'est-à-dire le prélèvement excédentaire d'une ressource entraînant l'incapacité de renouvellement de l'espèce animale, fut un phénomène typiquement colonial, car, si le castor était déjà chassé et consommé par les populations autochtones, les prises demeuraient toujours limitées aux nécessités de la subsistance. Entre 1720 et 1740, 200 000 à 400 000 peaux - dont environ 110 000 à 120 000 de castor - traversaient chaque année l'Atlantique pour assouvir les besoins de la chapellerie métropolitaine : l'espèce se trouva alors au bord de l'effondrement. L'évolution des populations à l'échelle du sous-continent nord-américain semble symptomatique : à cette époque, on estime ainsi qu'entre 60 et 400 millions de castors peuplaient les cours d'eau d'Amérique du Nord, mais qu'il n'en restait plus que 100 000 à la fin du XIXe siècle. Face à cette situation, on peut raconter deux récits : l'un qui relaterait un inexorable déclin des castors, l'autre qui chercherait à comprendre les variations de ce phénomène dans l'espace et dans le temps, qui tiendrait compte de la réaction des acteurs engagés dans le commerce des fourrures et de l'ambivalence des mesures prises - ou non - pour endiguer cette régression. C'est cette deuxième voie que l'on se propose d'emprunter ici. Une mode européenne Pour saisir toutes les ramifications de cette intrigue, il faut remonter au milieu du XVIe siècle, lorsque la présence française en Amérique du Nord était, déjà, intimement liée au commerce des fourrures. C'est en effet à cette époque que la mode du chapeau de castor s'empara de Paris, du royaume de France et de l'Europe entière. Chiffre éloquent : pendant le dernier quart du XVIe siècle et le premier quart du XVIIe siècle, pas moins de deux tiers des chapeaux portés à Paris étaient fabriqués en peau de castor. Initialement, la traite des fourrures était un « commerce de pacotille », pratiqué à petite échelle par les pêcheurs de morue et de baleine, mais dont on retrouve la trace tangible dans les archives notariales à partir de la fin des années 1550, à Rouen, La Rochelle et Bordeaux. Toutefois, l'expansion des activités commerciales françaises en Amérique du Nord ainsi que l'essor du commerce basque et breton le long des côtes du Saint-Laurent dans les années 1580, modifièrent rapidement la donne. Avec l'installation pérenne des Français en Amérique du Nord au début du XVIIe siècle, il devint même l'une des principales raisons d'être de l'aventure coloniale française outre-Atlantique et la clé de voûte de l'empire. En 1629, sous le gouvernement du cardinal de Richelieu, la Compagnie de la Nouvelle-France - appelée aussi « Compagnie des Cent-Associés » - se retrouva à la tête d'un immense territoire, comprenant notamment la vallée du Saint-Laurent et l'Acadie, et obtint plusieurs monopoles de commerce, dont celui de la traite des fourrures à perpétuité. Jusqu'au milieu du XVIIe siècle, celle-ci se limitait donc au Saint-Laurent, et concernait surtout les Montagnais/Innus, chasseurs-cueilleurs algonquiens, et les Hurons/ Wendats, horticulteurs iroquoiens établis au bord du lac qui porte leur nom. La Compagnie rencontra rapidement d'importantes difficultés économiques et se vit contrainte d'affermer - c'est-à-dire déléguer - la traite à la Communauté des habitants, société théoriquement ouverte à tous les colons, mais en réalité restreinte à une petite élite locale. Dans la mesure où les Autochtones se montraient encore peu gourmands en marchandises européennes, la chasse des castors, qu'ils échangeaient contre des biens européens, n'avait pas de raison de s'emballer même si la demande en fourrure restait élevée de la part des Européens. La situation changea lorsque le Canada fut repris en main directement par le pouvoir royal en 1663. Comme cela se faisait beaucoup en métropole sous l'Ancien Régime, la levée de certains impôts indirects et taxes y fut aussi affermée. A ce titre, la ferme du Domaine d'Occident s'était vu concéder le monopole de commerce du castor en 1675. Le principe était le suivant : les financiers tenant le bail à ferme étaient censés acheter les fourrures apportées aux commis situés à Québec à des prix encadrés par le pouvoir royal et négociés avec les marchands de la colonie. Alors que la concurrence britannique autour de la baie James avait été évincée à la fin des années 1680, l'assurance de vendre des peaux - même de qualité médiocre - dans toutes les circonstances provoqua d'abord l'intensification de la chasse, puis l'engorgement du marché. En effet, côté européen, le ralentissement de la consommation, pendant les guerres de la ligue d'Augsbourg (1688-1697) et de la Succession d'Espagne (1701-1714), avait participé à la diminution de la demande. Les marchands devenaient incapables d'écouler leurs stocks, condamnés à pourrir dans les entrepôts de Québec. Durant cette période, le principal souci des autorités consistait à savoir comment maintenir le commerce des fourrures à un niveau suffisamment raisonnable pour ne pas abandonner ce secteur vital de l'économie coloniale et ne pas provoquer des troubles dans l'alliance autochtone, nécessaire à la consolidation de l'architecture impériale en Nouvelle-France. Mais les enjeux n'étaient pas seulement économiques : ils étaient aussi, et surtout, écologiques. Encadrer la traite Avant les laboratoires environnementaux que furent les îles tropicales au XVIIIe siècle, confrontées aux risques de déforestation, de disette et de raréfaction du gibier et des tortues, l'Amérique du Nord de la fin du XVIIe et du début du XVIIIe siècle constitue un observatoire intéressant de gestion des ressources, car la conscience historique de la finitude des fruits de la Terre ne s'était pas encore pleinement déployée. Pourtant, la crise de surproduction intervenue à partir des années 1680-1690 commença à semer le désordre et à remettre en question les visions « illimitistes » du vivant. Comment résoudre le problème de la surchasse ? Selon certains administrateurs coloniaux, il convenait d'abord de réorienter la production, en mettant un terme à l'achat de castor gras d'été et de castor sec d'été comme de pelleteries du pays des Illinois et des Miamis, réputés être de mauvaise qualité. En effet, la course au castor avait abouti à une double conséquence écologique : d'une part, la perturbation des temporalités cynégétiques (de chasse), puisque l'activité des Autochtones, qui chassaient traditionnellement de novembre à mai, ne semblait plus vraiment connaître de limite temporelle ; d'autre part, l'extension toujours plus méridionale et occidentale de la traite des fourrures, acculant certaines populations n'ayant jamais chassé le castor à le faire. Le castor se retrouvait désormais pris dans un découplage de temporalités incompatibles entre elles : celle de la consommation en métropole, atone, celle de la production en Amérique du Nord, qui s'emballait à une cadence effrénée, mais aussi celle de la chasse et celle des rythmes de reproduction de l'animal. La déstructuration des temps de la chasse fut accompagnée d'une perturbation du cycle biologique du castor, au point de voir apparaître sur le marché le castor « babougy », dont les sources mentionnent qu'il s'agit d'un castor bien trop jeune pour être d'une quelconque utilité aux chapeliers, sa « laine n'ayant pas assez de longueur ni de corps pour souffrir l'apprêt ». Dès la fin du XVIIe siècle, la tension croissante entre le fait que le castor était considéré comme une marchandise et la prise de conscience progressive des dommages environnementaux engendrés par son exploitation intensive provoqua des débats au sein de l'administration coloniale. Bien qu'ils aient pu s'opposer sur certains points, les partisans de l'encadrement étatique de la traite et ceux de la liberté du commerce des fourrures pouvaient se rejoindre sur la nécessité de réguler la chasse en limitant, voire en supprimant, les congés de traite - ce qui fut chose faite en 1696, lorsque Louis XIV prohiba la traite des fourrures dans la région des Grands Lacs. En 1698, un « mémoire historique sur le Domaine d'Occident », contenant une proposition pour « rendre libre le commerce des castors », exhortait à proportionner la production à la consommation réelle et à détourner les habitants de la Nouvelle-France de la traite au profit de l'agriculture, des pêcheries, des mines ou de l'exploitation du bois. La crise ne fut, finalement, pas vraiment réglée par une quelconque politique environnementale, mais par les solutions données à la relance de la consommation en métropole après la mort de Louis XIV. Le retour du castor fut parfois une occasion de justifier la politique impériale de la France. Le sieur Pachot, chargé de prospecter chez les Sioux de 1718 à 1722 pour trouver de nouveaux débouchés commerciaux, fit un rapport enthousiaste quant à la quantité de castors disponible dans ces territoires et recourut à un raisonnement implacable. Le castor fait le commerce du Canada, or, écrit-il, il « commence à être tout à fait détruit », donc il faut étendre les postes français et notamment remettre la main sur quelques forts britanniques. Cependant, l'une des rares solutions apportées à la préservation du castor relevait moins d'une mesure conservationniste à proprement parler que du report des pratiques de chasse vers d'autres animaux. Par exemple, le baron de Lahontan encourageait à s'intéresser davantage aux cerfs, aux chevreuils ou aux renards. Il s'agissait avant tout d'une forme de pragmatisme économique, et il semble que l'histoire lui a donné raison puisque le commerce des autres fourrures prit en importance au cours du XVIIIe siècle. En effet, hormis les peaux d'orignal, les autres pelleteries n'étaient pas soumises à des taxes ou à des monopoles, contrairement au monopole sur le castor exercé par la Compagnie des Indes à partir de 1719. En conséquence, la part du castor dans les exportations pelletières des colonies avait même pu chuter à 30 % certaines années après 1720. Les marchands, les coureurs de bois, ces colons indépendants qui pratiquaient la traite des fourrures, et les administrateurs européens ne furent cependant pas les seuls protagonistes de cette affaire : les Amérindiens ont, eux aussi, été des acteurs de la surchasse coloniale. La question de leur responsabilité est toutefois difficile à trancher. La traite des fourrures supposait la production croissante de pelleteries par les Autochtones pour qu'ils puissent acquérir du cuivre, des étoffes, de la poudre ou de l'eau-de-vie, des marchandises de plus en plus indispensables à leur survie sur le continent. Or la thèse de la dépendance économique des Amérindiens aux marchandises européennes a été beaucoup discutée par les historiens, Richard White et Gilles Havard par exemple, qui ont montré que la chasse commerciale n'avait jamais remplacé la chasse de subsistance pratiquée par les populations autochtones. On pourrait y ajouter que ces dernières ont également su réguler leurs prises et garantir une saine gestion de leurs territoires de chasse, entre autres raisons parce qu'elles avaient conscience du rôle du castor dans les écosystèmes régionaux. La réticence des Autochtones La région des Plaines constitue un cas emblématique, témoignant de l'inégale disposition des populations à jouer le jeu de la traite des pelleteries pour des raisons environnementales. En effet, grâce aux barrages qu'ils érigent, les castors remplissent un rôle majeur dans le maintien des ressources en eaux de surface : ils garantissent le stockage de l'eau dans les étangs pendant les périodes sèches et participent à la régulation du débit des cours d'eau. Les travaux ethnohistoriques ont bien enseigné que les habitants des Plaines, en particulier les Cheyennes et les Sioux, étaient conscients de la relation de cause à effet entre l'implantation des castors et la régulation des eaux de surface. La baie James offre un autre exemple intéressant d'une limitation volontaire de la chasse au castor chez les Cris. Leurs préférences alimentaires et leur propension à valoriser la pêche ainsi que la chasse au caribou et à la perdrix les conduisaient à limiter les prises de castors, y compris dans des situations où ils auraient pu en piéger davantage pour engranger les profits de leur vente. En effet, dans certaines régions caractérisées par la migration annuelle du caribou, des sous-groupes cris pouvaient sciemment privilégier la chasse à cet animal et abandonner le commerce, pourtant juteux, du castor. Là où un ensemble de déterminations environnementales et de traits culturels spécifiques pouvait mener des Autochtones à laisser le castor prospérer, les Européens ne comprenaient pas un tel comportement économique et y voyaient le signe de la paresse des Amérindiens, peu enclins à adopter l'esprit industrieux que supposait la traite des fourrures. La surchasse n'a peut-être pas représenté un problème moral ou éthique pour les Autochtones, mais, à certains égards, ceux-ci ont manifesté leur préoccupation quant aux altérations des milieux provoquées par l'intensification de la traite des fourrures. Comment comprendre autrement les mots d'Outoutagan, chef outaouais, qui expliqua, en 1701, lors des négociations ayant abouti à la Grande Paix de Montréal, que les siens avaient « détruit et mangé toute la terre » ? Loin d'opposer de façon manichéenne Européens et Autochtones, l'histoire de la raréfaction du castor en Amérique du Nord donne à voir des responsabilités plus mesurées, mais aussi des convergences qui n'ont pas toujours débouché sur une politique de conservation homogène. Bien qu'ils aient une vision du monde très différente, les colons et les Amérindiens considéraient que les choses de la nature étaient inépuisables. En septembre 1749, le naturaliste suédois Pehr Kalm remarquait que, malgré les capacités de reproduction du castor, l'animal se raréfiait considérablement autour du Saint-Laurent et qu'il fallait désormais « pénétrer à plusieurs milles dans l'intérieur pour en trouver un seul, tant ils [avaient] été détruits », et tant les Autochtones avaient mené au castor « une guerre d'extermination ». Après le traité de Paris en 1763 et la disparition des Français de la carte de l'Amérique du Nord, le castor continua à être exploité par les Britanniques - puis par les Canadiens et les États-Uniens. Le nombre de peaux exportées ne cessa d'augmenter : en 1825, les castors avaient disparu du sud du Wisconsin et, dans les années 1840, les populations de castors se retrouvèrent au bord de l'effondrement à l'extrême ouest de l'Oregon et de la région subarctique du bassin hydrographique du Mackenzie. La prédation commerciale intensive du castor suivait ainsi, inexorablement, celle de la progression de la Frontière. Parution product La naissance du Saint Empire L'AUTEUR Spécialiste de l'histoire environnementale et maître de conférences à l'université de Caen Normandie, Jan Synowiecki a notamment publié Paris en ses jardins. Nature et culture urbaines à Paris, au XVIIIe siècle (Champ Vallon, 2021). CHIFFRE 110 000 à 120 000 C'est le nombre moyen de peaux de castor envoyées en métropole chaque année au début du XVIIIe siècle. FOCUS - Du poil au feutre Les chapeaux de castor, très prisés aux XIIIe et XIVe siècles, régressèrent peu à peu au profit des bonnets, casquettes et chaperons. Mais, au milieu du XIVe siècle, la fourrure de castor canadien gagna la cour de France. Elle apparut d'abord chez les officiers de robe et militaires, puis chez le roi en personne, avant de se répandre rapidement dans la noblesse et la bourgeoisie : magistrats, comptables, financiers, marchands, médecins, merciers et même fermiers d'Ile-de-France. Pour assouvir cette consommation, les chapeliers avaient besoin de peaux riches en duvet afin de les transformer en feutre, que l'on obtenait en étalant les poils en nappe fine, puis en chauffant et en agitant celle-ci avant de la presser et de la rouler, à la main ou au moyen d'outils. Avec ce mélange de poils, les chapeliers constituaient ensuite un chapeau à l'aide d'un moule en forme de cloche, avant de comprimer à chaud les parois, en utilisant un fer spécial pour solidifier le chapeau, et d'appliquer un apprêt chimique ou naturel de sorte à le durcir encore plus, à le lisser et à l'imperméabiliser. Le poil du castor gras était le plus plébiscité, en raison de ses qualités feutrantes, isolantes et étanches. A partir de 1612, les chapeliers devinrent passibles de sanctions s'ils mélangeaient le castor avec d'autres fourrures, comme celles de vigogne ou de chameau. À SAVOIR - La traite en Nouvelle-France La surchasse du castor provoque à la fin du XVIIe siècle une extension de la zone de traite des fourrures, en direction de l'ouest et du sud de la Nouvelle-France. De nouvelles populations, amérindiennes et européennes, se mettent à le chasser, menaçant davantage l'espèce. DATES-CLÉS 1534-1542 : Voyages de Jacques Cartier en Amérique du Nord. 1600 : Premier comptoir de Nouvelle-France à Tadoussac. 1603-1609 : Alliances entre Français et Amérindiens. En 1608, Samuel de Champlain fonde Québec. 1629 : Fondation de la Compagnie des Cent-Associés. 1713 : Traité d'Utrecht : la France perd l'Acadie et Terre-Neuve. 1719 : Fondation de la Compagnie française des Indes. 1763 : Traité de Paris soldant la guerre de Sept Ans. La France perd l'essentiel de ses possessions nord-américaines. CONTROVERSE - Les Indiens, des écologistes avant l'heure ? Le phénomène de la surchasse a servi d'argument à l'historien Shepard Krech III pour affirmer que les Autochtones n'avaient pas été des écologistes avant l'heure, car, en plus d'avoir décimé des troupeaux de bisons, allumé des feux de forêt, ils avaient exploité le castor dans des proportions bien supérieures à la chasse de subsistance. Cette thèse a fait l'objet de vives discussions. Dans son livre The Ecological Indian (1999), il avançait ainsi que l'idée d'une finitude de la nature était étrangère aux Autochtones, sous-estimant leurs savoirs sur l'environnement. Or, par le respect d'un certain nombre de prescriptions rituelles, les Amérindiens se considéraient comme les garants du renouvellement du gibier - et, ce faisant, de l'abondance. Il importait de demander l'autorisation à l'animal d'être tué, mais également de réserver aux dépouilles un traitement respectueux. Le père Le Jeune rapporte ainsi que les Montagnais/ Innus se gardaient de jeter aux chiens les os des castors et des porcs-épics femelles. Ils croyaient qu'après sa mort, l'âme du castor venait faire le tour de la cabane de celui qui l'avait tué et remarquait « fort bien ce qu'on fai[sai]t de ses os ; que si on les donnait aux chiens, les autres castors en seraient avertis, c'est pourquoi ils se rendraient difficiles à prendre »... DANS LE TEXTE - Outoutagan La supplique d'un chef outaouais "Voici quatre paquets de castors, et un des peaux passées que nous te donnons. Nous te prions de nous ouvrir la traite, que rien ne nous soit caché dans les magasins des marchands. Il est inutile de te demander bon marché [...]. Je te parle au nom des Nations Outaouakes, et te prie en même temps d'excuser si nous te faisons un présent si peu considérable, nos Anciens en faisaient autrefois de plus beaux, nous avons détruit et mangé toute la terre. Il y a peu de Castors présentement, et nous ne pouvons plus chasser qu'aux Ours, aux Chats, et à d'autres menues Pelleteries." Au gouverneur de la Nouvelle-France, 1701, cité dans Bacqueville de La Potherie, Histoire de l'Amérique septentrionale, Rouen-Paris, J.-L. Nion et F. Didot, 1722, t. IV, pp. 202-203 (en médaillon : un chef outaouais anonyme, Codex Canadensis, XVIIe siècle). POUR EN SAVOIR PLUS P. Hämäläinen, L'Amérique des Sioux. Nouvelle histoire d'une puissance indigène, Albin Michel, 2022. G. Havard, Empire et métissages. Indiens et Français dans le Pays-d'en-Haut, 1660-1715, Québec, Septentrion, 2003, rééd., 2017 ; avec E. Désveaux, « Fourrure », P. Serna et al. (dir.), Dictionnaire historique et critique des animaux, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2024. K. Jacoby, Crimes contre la nature. Voleurs, squatters et braconniers : l'histoire cachée de la conservation de la nature aux États-Unis, Toulouse, Anacharsis, 2021. S. Krech III, The Ecological Indian. Myth and History, W.W. Norton, 1999. R. White, Le Middle Ground. Indiens, empires et républiques dans la région des Grands Lacs, 1650-1815, Toulouse, Anacharsis, rééd., 2009.

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Réparer l’esclavage ?

Réparer l’esclavage ? julia_bellot mer 15/10/2025 - 15:13 Réparations. Combats pour la mémoire de l’esclavage, XVIIIe-XXIe siècle, Ana Lucia Araujo, trad. par Souad, Degachi et Maxime Shelledy, Seuil, 2025, 416 p., 25 €. 83 Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 L’année du bicentenaire du scandale de la dette imposée par la France à Haïti, cette traduction du livre d’Ana Lucia Araujo nous rappelle que l’enjeu des réparations plonge dans une histoire longue de plusieurs siècles. Les demandes de réparation n’ont pas attendu, en effet, la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité en 2001 pour émerger. Dès le XVIIIe siècle, esclaves et affranchis adressent des demandes de compensations financières et matérielles à leurs anciens maîtres ou à l’État, à l’instar de Belinda Sutton, premier cas connu d’esclave affranchie ayant demandé (et obtenu !) une pension d’indemnisation en 1783 dans l’État du Massachusetts. L’ouvrage retrace, dès lors, les évolutions et mutations de ce combat, de la fin du XVIIIe siècle jusqu’à nos jours, comme l’institution d’une fondation par l’université jésuite de Georgetown aux États-Unis en 2017 pour soutenir l’éducation des descendants des 272 esclaves vendus par l’établissement en 1838. En combinant une grande fresque chronologique et une approche micro-historique, l’historienne livre la première étude transnationale et comparative des demandes de réparation pour l’esclavage, à l’échelle de l’ensemble du continent américain. Cette démarche ambitieuse lui permet de montrer que, partout dans le monde atlantique, le degré de citoyenneté accordé aux anciens esclaves ainsi que leur niveau d’intégration au sein des sociétés post-esclavagistes ont influé sur la (non-)formulation de demandes de réparation.

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Le Vietnam dans tous ses États

Le Vietnam dans tous ses États julia_bellot mer 15/10/2025 - 15:15 Histoire du Viêt Nam contemporain. De 1858 à nos jours, François Guillemot, La Découverte, 2025, 320 p., 22 €. Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 On le sait, les vainqueurs écrivent l’histoire. Le Vietnam ne fait pas exception à cette règle. En 1975, un seul État vietnamien est sorti victorieux d’une guerre de trente ans, celui du Parti communiste de Hô Chi Minh, dont les disciples dirigent le pays jusqu’à nos jours. Depuis, les communistes ont imposé au Vietnam une histoire qui a évacué bien des ruptures et des voix discordantes, afin de promouvoir un roman national héroïque et unificateur – le leur. Il n’est pas facile d’écrire l’histoire du Vietnam contemporain sans déconstruire ce récit. Remercions donc d’emblée François Guillemot d’avoir relevé le défi avec brio et avec une impartialité exemplaire. Chercheur et spécialiste de l’Asie du Sud-Est à l’Institut d’Asie orientale de Lyon, il nous livre ici un récit qui dépasse les mythes, évite les simplifications et avance de nouvelles analyses. L’auteur présente l’histoire des vainqueurs mais ressuscite aussi les voix des vaincus, celles des républicains non communistes, et l’histoire de cette guerre civile entre Vietnamiens que le pouvoir actuel peine toujours à reconnaître. Du choc colonial français en 1858 jusqu’à l’entrée du Vietnam dans le marché global au début du XXIe siècle, voici le portrait nuancé d’un pays pluriel et complexe. Les trois guerres d’Indochine sont présentées comme les États qu’elles ont façonnés, mais on voit aussi paraître cette mosaïque culturelle, ethnique et religieuse qui est le Vietnam d’aujourd’hui. Une synthèse à lire absolument.

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Pas au couvent !

Pas au couvent ! julia_bellot mer 15/10/2025 - 15:18 Filles en conflits. Consentement et vocations religieuses, Inès Anrich, CNRS Éditions, 2025, 336 p., 25 €. 83 Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 Alors que la littérature du XIXe siècle, en France comme en Espagne, regorge de personnages féminins envoyés au couvent sans leur consentement, Inès Anrich montre que c’est largement l’inverse qui prévaut : l’essentiel des cas qu’elle étudie (99 sur 107) concerne des oppositions familiales à l’entrée en religion des filles. Certes, les vœux sont parfois prononcés sous l’effet des contraintes familiales et l’auteure cherche à comprendre ce que signifie « devenir et être sœur malgré soi ». Les conflits créés par le refus des parents d’accepter la vocation de leur fille sont cependant au cœur de l’ouvrage. Comment cette opposition des filles à la puissance paternelle, reconnue des deux côtés des Pyrénées, est-elle envisagée par les droits civils et le droit canonique ? Comment les interventions de la famille, des pouvoirs civils et des pouvoirs religieux s’articulent-elles ? Pourquoi refuser le départ d’une fille au couvent ? Comment se fait concrètement la rupture avec la famille et comment les liens familiaux se recomposent- ils (ou pas) après le départ parfois vivement contesté, souvent avorté quand il s’agit de mineures ? Répondre à ces questions montre la manière dont le religieux peut être une porte d’entrée sur l’histoire sociale d’un XIXe siècle marqué par de profondes évolutions politiques, donc religieuses, et un moyen précieux pour documenter des domaines difficiles d’accès comme le fonctionnement et l’intimité des familles.

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Retour au Panama

Retour au Panama julia_bellot mer 15/10/2025 - 15:20 Panama. Un canal pour mémoire, Jean-Yves Mollier, Flammarion, 2025, 300 p., 22 €. 84 Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 « Nous l’avons construit, nous l’avons payé, il est à nous et nous le garderons. » Comment ne pas penser à Donald Trump en relisant ce que disait Ronald Reagan, en 1978, du canal, ouvert en août 1914, et restitué à l’État panaméen en 1999 ? L’ouvrage de Jean-Yves Mollier, c’est là tout son intérêt, fait bien plus que l’histoire linéaire du canal, en convoquant, en plus de la mémoire des États-Unis – qui avaient fait de la région leur « arrière- cour » –, six autres « mémoires » pour mieux comprendre la diversité des imaginaires autour de ce lieu. Est, entre autres, évoqué le souvenir du scandale de Panama, en 1892, traumatique pour la République française, qui voit son projet entrepris par Ferdinand de Lesseps partir entre les mains des Américains en 1904. S’ajoute l’expérience douloureuse de la Colombie qui, en 1903 et dans un contexte de guerre civile, perd son territoire le plus septentrional quand se crée la république du Panama à la suite d’une « révolution » fomentée par les États-Unis. Il en découle une solide animosité, durant tout le XXe siècle, contre les yankis (yankees) ou les gringos. Est surtout décrite la mémoire proprement panaméenne, État artificiel au départ mais qui, peu à peu, construit sa nation autour de son canal et de ceux qui l’ont construit. Car le fil rouge du livre est bien là : l’évocation des constructeurs du canal qui, pour permettre cet exploit technique, sont venus de toute la Caraïbe (anglophones, hispanophones, francophones) et parfois de plus loin (8 000 Galiciens) pour vivre et mourir par milliers sur le chantier, soumis à de durs traitements, au racisme, à la maladie.

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Allemands des Sudètes

Allemands des Sudètes julia_bellot mer 15/10/2025 - 15:22 Les Zones grises. Enquête familiale à la lisière du Troisième Reich, Alexandra Saemmer, Bayard, « Récits », 2025, 304 p., 20,90 €. 84 Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 Dans son livre, Alexandra Saemmer a dressé l’autobiographie de sa famille et un récit choral, celui d’un « peuple fictif », les Allemands des Sudètes. Tout commence par l’exil de la grand-mère de l’auteure, Sofie Birk, et de ses enfants, expulsés le 13 septembre 1946 d’Auspitz, une « ville qui ne figure plus sur aucune carte ». La suite mêle alors deux récits, deux enquêtes. Il s’agit tout d’abord d’une quête intime sur l’histoire de sa famille, sur l’adhésion de son grand-père au nazisme, les violences de la fin de la guerre, les conditions de l’expulsion de sa famille au milieu de deux autres millions de personnes entre 1945 et 1946 puis l’exil douloureux dans la RFA d’après-guerre. Ce fil se nourrit de lectures historiques, de témoignages, mais aussi des discussions nouées sur les réseaux sociaux, qui mettent en contact les anciens expulsés et leurs descendants. Ce livre est, en effet, aussi l’histoire de tout un groupe social : les Flüchtlinge (« réfugiés ») de Tchécoslovaquie, suivant la terminologie officielle, qui se vivent comme des Heimatvertriebene, des expulsés de leur « patrie » et de leur difficile rapport au passé. Dans ces récits entremêlés, les « zones grises » de l’histoire familiale de l’auteure, chargées de honte et de culpabilité, se précisent et se nuancent, nos connaissances sur le sujet aussi. Alexandra Saemmer a réussi un livre riche et sensible sur un sujet peu traité, qui ne manquera pas de faire réfléchir sur les mémoires allemandes du « Troisième Reich » et les multiples manières de les interroger.

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Empire et despotisme

Empire et despotisme julia_bellot mer 15/10/2025 - 15:24 Réflexions sur le despotisme impérial de la Russie, Sabine Dullin, Payot, 2025, 272 p., 19 €. 84 Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 « Le messianisme russe est une idée impériale, et la Russie en est toujours prisonnière. Elle n’a pas d’autre idée nationale, d’autre visée que d’être une rassembleuse des terres et des peuples. » Cette réflexion récente du grand écrivain Léonid Guirchovitch fait écho au stimulant essai de Sabine Dullin qui, partant de la Moscovie du XVIe siècle, pose cette question-clé : comment despotisme et Empire ont-ils pu « former dans leur association un nœud coulant enserrant l’identité russe et bloquant son épanouissement, aussi bien comme nation que comme démocratie » ? Ou, en d’autres termes, comment l’autocratie et l’Empire se sont-ils nourris l’un de l’autre depuis le XVIe siècle ? L’Empire russe, puis l’Empire soviétique se sont effondrés, mais ils se sont presque instantanément (en quelques années, un instant à l’échelle du temps historique) reconstitués, recomposés. La Russie n’a jamais pu se penser, en tant que nation, en dehors de l’Empire. Et tant que les Russes ne rejetteront pas ce « despotisme impérial » dont Sabine Dullin retrace la permanence sur cinq siècles, aucun régime démocratique ne pourra s’implanter durablement en Russie. La professeure d’histoire contemporaine à Sciences Po complète et enrichit sa démonstration en nous proposant, en seconde partie de son essai, une sélection, fort judicieuse, de textes qui, au fil des siècles, de 1549 (pour le premier) à 2022 (pour le dernier), ont interrogé le despotisme impérial de la Russie.

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Résistance indienne ?

Résistance indienne ? julia_bellot mer 15/10/2025 - 15:26 Amérique, continent indigène, Pekka Hämäläinen, trad. de l’anglais par Bruno Boudard, Albin Michel, 2025, 576 p., 26,90 €. 85 Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 Pekka Hämäläinen, spécialiste des Amérindiens, a contribué à l’essor de l’histoire dite « continentale », qui permet de ne plus considérer les zones situées à l’intérieur de l’Amérique du Nord comme des périphéries promises à une conquête inéluctable. Dans ce livre, dont le récit s’étire du peuplement du sous-continent, il y a près de vingt mille ans, à la fin des guerres indiennes, en 1890, le même argument est martelé : parler trop rapidement d’Amérique coloniale, c’est céder à la téléologie. La démarche est nécessaire. L’auteur s’attache avec fougue à l’histoire conquérante des Powhatans, des Iroquois, des Comanches et des Sioux, ces deux derniers peuples construisant leur domination grâce à leur conversion spectaculaire au mode de vie équestre. En insistant sur l’hégémonie durable de ces formations politiques, le risque est, toutefois, de minorer la capacité des puissances euro-américaines à établir à leurs dépens des dispositifs de mise en dépendance. Les formes les plus objectives de la domination coloniale sont parfois lues ici comme la marque du succès de la résistance autochtone. Par ailleurs, l’usage du terme « empire » pour caractériser les ensembles politiques comanche, iroquois et sioux peine à traduire leur fluidité comme leur caractère acéphale. Le livre pose ainsi deux questions importantes : comment comprendre le maintien sur le long terme de l’autonomie des Amérindiens et de leur capacité d’agir sans négliger les effets concrets de la colonisation ? Comment, ensuite, rendre compte de leur spécificité culturelle à partir de sources surtout coloniales ?

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La France ailleurs

La France ailleurs julia_bellot mer 15/10/2025 - 15:29 Les Lieux mondiaux de l’histoire de France, Olivier Wieviorka et Michel Winock (dir.), Perrin, 2025, 384 p., 22 €. 85 Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 Que serait Victor Hugo sans Guernesey ou Napoléon sans Sainte-Hélène ? Voilà deux lieux intimement liés à l’histoire de France, bien que lointains. La trentaine d’auteurs réunis par Olivier Wieviorka et Michel Winock nous font voyager de Hastings à Marignan, de Panama à Suez, de l’Institut Pasteur ouvert au cœur de Nha Trang à la cuvette de Dien Bien Phu, de l’église Saint-Louis-des-Français à Rome à la statue de la Liberté – sans oublier, via le général de Gaulle, le balcon de Montréal où il prôna un Québec libre. Complémentaire des Lieux de l’histoire de France (Perrin, 2017), ce volume de lecture agréable rappelle que l’histoire de la France ne s’est pas bâtie que dans l’Hexagone.

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« Dofuku »

« Dofuku » julia_bellot mer 15/10/2025 - 15:30 L’Affaire Oden. Une diabolique dans le Japon de Meiji, Hosoi Ayame et Pierre-François Souyri, Flammarion, 2025, 336 p., 23,90 €. 85 Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 En 1879 Takahashi Oden, jeune et jolie femme issue d’un milieu modeste, est accusée d’avoir tué un commerçant dans la chambre d’une auberge. A partir de ce fait divers relativement banal, toute une « affaire » se développe, amplifiée par les journaux avides de sensationnel, les romans populaires, qui enjolivent la réalité, et même le théâtre de kabuki. Considérée comme une dokufu, une femme vénéneuse, fatale, cette « diabolique » fait vendre… Hosoi Ayame et Pierre-François Souyri, exploitant des sources variées et souvent difficiles d’accès, montrent en quoi l’histoire d’Oden, de son arrestation à son exécution – elle fut la dernière femme décapitée au Japon – permet de comprendre les contradictions de la société japonaise de ce temps : à la fois ancrée dans ses traditions et bousculée par la modernisation de l’ère Meiji.

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Le phénomène Bardot

Le phénomène Bardot julia_bellot mer 15/10/2025 - 15:33 Bardot, Antoine de Baecque, Les Pérégrines, « Icônes », 2025, 176 p., 16 €. 85 Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 Un joli livre, bien documenté et bien écrit. En quinze chapitres, l’auteur analyse le phénomène Bardot et montre, avec beaucoup de finesse, comment s’est créé le mythe. A partir de trois films, trois temps forts : 1956, Et Dieu créa la femme ou la naissance d’une star ; 1960, La Vérité ou la naissance d’une actrice ; 1963 ; Le Mépris ou la naissance d’un mythe. Comment un destin individuel s’inscrit dans une histoire collective, celle de la France des années 1950-1970, qui voit tout le déroulement de la guerre d’Algérie et le début de la Ve République. L’Amérique déferle sur les écrans, les femmes se parfument au n° 5 de Chanel, Marilyn est dans tous les cœurs et Brigitte, qui l’a croisée en 1956, impose un nouvel érotisme, plus troublant car plus juvénile, plus joyeux car moins tragique. La star qu’elle est devenue collectionne les amants, se cache dans des retraites de plus en plus lointaines, dédaigne presque toutes les propositions internationales, préfère les bêtes aux hommes et, en pleine gloire, prend sa retraite en 1973. Elle a 39 ans. Cet excellent livre plaira à tous les cinéphiles et aux autres aussi.

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Les avatars du populisme

Les avatars du populisme julia_bellot mer 15/10/2025 - 14:46 Michel Winock Du boulangisme aux Gilets jaunes, Marc Lazar scrute les flambées populistes en France. Nés des déficiences de la démocratie représentative, ces courants, de droite comme de gauche, en appellent au peuple contre les élites. Mais de quel peuple parle-t-on ? Michel Winock est conseiller de la direction de L’Histoire. Pour l’amour du peuple. Histoire du populisme en France, XIXe-XXIe siècle, Marc Lazar, Gallimard, 2025, 320 p., 22,50 €. 78 Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 Le populisme nous vient-il de Russie ? d’Amérique latine ? des États-Unis ? Marc Lazar nous avertit qu’il existe bien un populisme français original, qu’il analyse dans cet essai de synthèse et qu’il fait remonter au boulangisme des années 1880. Loin d’être un phénomène occasionnel, le populisme, selon lui, a habité la vie politique française, de manière latente ou flagrante, depuis l’instauration de la démocratie représentative avec la IIIe République. Le populisme est difficile à définir, en raison de son caractère protéiforme. Son invariant est de remplacer la dualité gauche/ droite par l’affrontement du peuple, d’un peuple uni, contre les élites. Contrairement aux autres mouvements politiques, conservatisme, libéralisme, fascisme, socialisme ou communisme, le populisme n’est pas fondé en doctrine, il n’a « ni écrits servant de tables de la Loi, ni généralement de véritables maîtres à penser auxquels se référer ». Il agit avant tout sur les émotions, excite les colères, exacerbe les anxiétés et désigne les boucs émissaires. Dans cette entreprise, le rôle du chef est capital (à l’exception des Gilets jaunes, que Marc Lazar examine par ailleurs) : leader charismatique, il incarne la souveraineté populaire ; il électrise et mobilise les foules ; il utilise avec art tous les moyens de communication de son époque. En s’appliquant à définir ce que les populismes partagent en commun, l’auteur, qui en explore les avatars en France, distingue ingénieusement ce qu’il nomme les populismes « intégraux » des populismes « intermittents ». C’est là un des apports les plus intéressants de son livre. Dans la première catégorie, il classe, après le boulangisme, la plupart des ligues des années 1930, le dorgérisme, le poujadisme, les maoïstes des années 1960, le Front national, le Rassemblement national, Éric Zemmour et La France insoumise. A côté de ces mouvements, il détecte les postures et les discours nettement populistes qui peuvent se manifester à certains moments dans de nombreuses formations de droite comme de gauche, dans le discours de certaines personnalités politiques telles que Jacques Chirac, François Bayrou, Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron, lesquels, chacun à sa façon, recourent à l’opposition entre le peuple et les élites. « Qu’ils s’en aillent tous ! » Le cas du communisme est particulièrement pertinent. Fondé sur le principe de la lutte des classes, prolétariat contre bourgeoisie, le PCF, à certains moments dans son histoire, met en sourdine son « ouvriérisme » et, pour servir une stratégie unitaire, en appelle au peuple contre la minorité des exploiteurs, comme ces « 200 familles et leurs mercenaires » au temps du Front populaire. Un appel au peuple que l’on retrouve pendant la Résistance et au début de la IVe République avant la guerre froide – un court mais intense « national-thorézisme », comme le formule Annie Kriegel. Et, encore en 1958, les voix communistes exhortent « le peuple de France » à résister au pouvoir personnel et aux officiers putschistes. Le populisme, pour Marc Lazar, peut ainsi se rencontrer à gauche, et pas seulement de façon intermittente et opportuniste. C’est le cas de La France insoumise et de son porte-parole Jean-Luc Mélenchon, auxquels est consacré tout un chapitre. « Je n’ai pas du tout envie de me défendre de l’accusation de populisme, déclare Mélenchon à L’Express en septembre 2010. C’est le dégoût des élites. Qu’ils s’en aillent tous ! Populiste, moi ? J’assume. » Tribun talentueux et tonitruant, inspiré par les caciques d’Amérique latine, et spécialement le Vénézuélien Hugo Chávez, il préconise une « révolution citoyenne » qui détrônera « la petite oligarchie des riches, la caste dorée des politiciens qui servent leurs intérêts et les médiacrates qui envoûtent les esprits ». La souveraineté populaire contre « le système » sera rétablie par une assemblée constituante. Le peuple de Jean-Luc Mélenchon n’est pas celui de Marine Le Pen, il intègre les immigrés, il annonce la « créolisation » de la France, dont les habitants proviennent de la Terre entière, mais les populismes de gauche comme de droite ont les mêmes ennemis et la même exaltation des « petits » contre « les gros », ceux « d’en bas » contre ceux « d’en haut ». Un essai remarquable L’auteur, qui a pris soin de scruter les flambées populistes depuis le boulangisme jusqu’aux Gilets jaunes, s’efforce de montrer le contexte dans lequel elles explosent. Ce sont dans les épisodes de crise économique et politique, mais aussi au coeur des grandes transformations civilisationnelles : la révolution industrielle, la globalisation de l’économie, l’instabilité politique, la destruction des cadres traditionnels de la vie collective. Crises qui provoquent la défiance à l’égard des politiques, le sentiment d’exclusion, la dénonciation du caractère élitiste de la démocratie libérale, la désaffection envers les institutions. Pour Marc Lazar, le populisme à la française, qui se manifeste diversement, a aussi des causes spécifiques durables liées aux déficiences de la démocratie libérale. Dans une belle formule, il nous dit qu’il est « accroché à la démocratie comme la liane s’entoure autour de l’arbre ». La Ve République a encore accentué la distance entre les citoyens et les pouvoirs qui existait déjà sous les républiques précédentes. Les populismes dévoilent « les apories et les limites de la démocratie française et de la République ». On le suivra volontiers sur ce point. On pourrait développer le rapport entre le populisme à la française et l’échec de la démocratie parlementaire sous la Révolution et l’arrivée au pouvoir des deux Bonaparte. L’entreprise de synthèse aurait pu remonter à ce divorce initial entre la vox populi et le système représentatif. En tout cas, cet essai remarquable et passionnant ouvre le débat.

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Le monde disparu des « gens de mer »

Le monde disparu des « gens de mer » julia_bellot mer 15/10/2025 - 14:52 Romain Bertrand Une enquête sur l’univers des marins et des armateurs en Basse-Normandie au XVIIIe siècle. Romain Bertrand est directeur de recherche au Centre de recherches internationales (Ceri, Sciences Po-CNRS). La Mer en commun. Le monde de la pêche à Dieppe, XVIIIe-XIXe siècle, Romain Grancher, Éditions de la Sorbonne, 2025, 264 p., 25 €. 80 Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 Dans un livre dense, mais au style alerte, issu de sa thèse, Romain Grancher montre qu’à rebours de l’image d’Épinal d’un groupe anarchique, composé d’individualités indisciplinées, les « gens de mer » forment à Dieppe, au xviiie siècle, une communauté « solidariste », mue par des principes d’entraide et régulée par une éthique de la « bonne renommée ». Lors des campagnes de pêche au hareng ou au maquereau, la pratique de l’armement « à la part » soude matelots, maîtres de navire et « hôtesbourgeois (armateurs) » en un groupe d’intérêt qui négocie bec et ongles sa place au sein de la flottille. Surtout, les marins, loin d’échapper à la loi, recourent fréquemment à l’arbitrage de la cour d’amirauté pour défendre leurs droits et leur réputation. L’application de l’ordonnance de la Marine n’est pas un simple processus d’imposition de normes venues d’en haut. Pour rendre des sentences dont ils espèrent qu’elles seront suivies d’effet, le lieutenant-général et ses procureurs en appellent à l’expertise des « anciens » et entérinent souvent des jurisprudences informelles : la loi épouse la « coutume » plus qu’elle ne s’y substitue. Dans les années 1720, la peur récurrente d’une « disette de poisson » pousse par ailleurs l’ensemble des acteurs du monde de la pêche à faire de la mer « un véritable laboratoire du gouvernement de la nature ». Des mesures sont prises, de limitation et d’interdiction de l’usage de certains engins, comme les « dreiges » (filets par fond traînant). Ceux qui contournent l’interdit sont violemment pris à partie, comme lorsque les pêcheurs du quartier du Pollet caillassent leurs homologues de Trouville, en 1818. En contexte de conflit et de quiproquo entre pouvoir étatique et savoirs locaux, un souci de préservation de la ressource se fait jour, que circonscrit toutefois une commune vision mercantiliste de la nature.

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Générations (dés)enchantées ?

Générations (dés)enchantées ? julia_bellot mer 15/10/2025 - 14:56 Pascal Montlahuc Ou comment les aristocrates romains ont vécu, selon leur âge, le passage au principat. Pascal Montlahuc est maître de conférences à l’université Paris Cité. 80 Gratuit 4 Livres Ajouter au flux RSS 1 Qu’est-ce qui, au-delà du seul âge biologique, fonde une génération politique ? Spécialiste incontournable d’Auguste, Frédéric Hurlet revient sur la transition, à Rome, de la république au principat en combinant les apports de la prosopographie la plus éprouvée à une réflexion anthropologique sur la notion de génération. En compagnie de neuf aristocrates dont il retrace la trajectoire, on traverse ainsi trois générations de la « révolution romaine » : la génération de bronze, née durant les guerres civiles et âgée à l’époque où Auguste s’empare du pouvoir ; la génération dorée, jeune lorsque Auguste parvient au pouvoir et qui grandit dans la pax Augusta ; et la génération de la fin du principat, qui n’a « jamais connu la république » (Tacite) et qui expérimente la première succession impériale. Rendre compte des transformations augustéennes à hauteur d’hommes, de femmes et d’enfants conduit à imbriquer, de manière différenciée selon les sous-séquences chronologiques considérées, la question générationnelle au sein des critères habituellement retenus pour analyser le passage d’un régime à l’autre (volonté de sauvegarder sa richesse ou de rester membre du sénat, instinct de survie, etc.). En outre, ce livre encourage à éviter toute téléologie, en soulignant le rôle de catalyseur joué par certains événements qui vinrent cimenter ces générations successives, tels que la bataille d’Actium en 31 av. n. è. ou la mort d’Auguste en 14 de notre ère. On l’aura compris, cet essai stimulant est une vraie réussite !

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Le chantier de la guerre

Le chantier de la guerre julia_bellot mer 15/10/2025 - 14:58 Casus belli. La guerre avant l’État, Christophe Darmangeat, La Découverte, 2025, 384 p., 23 €. 81 Gratuit 4 Livres Ajouter au flux RSS 1 Voici une parution fondamentale dans le débat ancien sur les origines de la guerre. Était-elle déjà présente au Paléolithique ou bien n’est-elle apparue que bien plus tard, avec, pour enjeu central, l’appropriation des biens et des territoires ? Cet objectif constitue-t-il vraiment le seul que l’on puisse trouver à des conflits collectifs visant à terrasser des ennemis pour exercer sur eux une suprématie ? Car telle est la définition de la guerre que propose l’auteur, de façon à la distinguer d’une autre forme fréquente de conflit communautaire : les chaînes de vengeance de type feud (« dispute », en anglais) ou vendettas, qui, elles, visent non pas la victoire, mais l’équilibrage des pertes. Pour autant, guerre et représailles collectives ont en commun à la fois de chercher à résoudre le différend – en cela, elles se distinguent, par exemple, des razzias – et de le tenter sans accord préalable entre les parties – ce qui les sépare notamment des duels collectifs. Voici résumés quelques éléments de la savante classification que propose Christophe Darmangeat à propos des conflits d’ampleur, au terme d’une enquête ethnographique aussi vaste que fouillée. Celle-ci confirme que les États, en s’assurant le monopole de la violence légitime, ont considérablement restreint la diversité des conflits collectifs. Ces derniers, généralement inspirés par la xénophobie, peuvent avoir bien d’autres motifs que l’acquisition ou la défense de ressources. Le livre montre ainsi l’importance que revêt la « chasse aux têtes », des trophées recherchés depuis l’Amazonie jusqu’à la Nouvelle-Guinée.

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Contre l’ignorance

Contre l’ignorance julia_bellot mer 15/10/2025 - 15:00 La France éternelle. Une enquête archéologique, Jean-Paul Demoule, La Fabrique Éditions, 2025, 296 p., 17 €. 81 Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 Ne le dites pas à Zemmour, à de Villiers et leurs dévots, mais le « grand remplacement » a déjà eu lieu ! Passons sur les Africains qui occupèrent l’espace français il y a plus d’un million d’années, ils ne remplacèrent personne puisqu’ils y furent les premiers humains. Mais qui se souvient des paysans du Proche-Orient qui submergèrent les chasseurs-cueilleurs vers 6000-4000 av. n. è., les obligeant à fuir vers le Nord ou à devenir comme eux, agriculteurs ? Pire : à partir des IIe-Ier siècles av. n. è., avant même la défaite d’Alésia et l’arrivée d’un contingent de colons romains pourtant modeste (autour de 5 % de la population), les Celtes/Gaulois empruntèrent à l’étranger l’écriture, une langue nouvelle, le droit, un urbanisme tiré au cordeau, des modes de vie inédits (dont le vin, avec enthousiasme), des dieux, réalisant par la culture une sorte d’auto-remplacement en cessant d’être eux-mêmes pour devenir (Gallo-)Romains ! Il faudrait encore parler des prétendus « Barbares » – Francs, Vandales, Wisigoths, Huns – et de bien d’autres au fil des siècles. Avec humour, et fort d’une érudition impressionnante, Jean-Paul Demoule parcourt les espaces et le temps à la recherche de cette « France éternelle » que de Gaulle (après tant d’autres) avait dépeinte dans ses Mémoires d’espoir. Et naturellement, il ne la trouve pas puisqu’elle relève du fantasme. Mais il y rencontre des hommes et des femmes ouverts au monde qui les entoure, empruntant au dehors tout qui leur semble utile, s’enrichissant d’apports démographiques, technologiques, intellectuels incessants. Lumineux et réjouissant.

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Le Nord au centre

Le Nord au centre julia_bellot mer 15/10/2025 - 15:02 Les Mondes du Nord. De la Préhistoire à l’âge viking, Vivien Barrière, Stéphane Coviaux, Alban Gautier et Anne Lehoërff, Tallandier, 2025, 656 p., 29,90 €. 81 Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 Le Nord a décidément le vent en poupe, mais il ne se résume pas aux seuls vikings, et encore moins au tardif jeu d’échecs de Lewis (pourtant sur toutes les couvertures). A rebours d’une longue tradition faisant de la Méditerranée la « matrice de toute civilisation », ce livre entend « placer les mers septentrionales au centre » de la réflexion. Les quatre acteurs de ce décentrement dressent ainsi, sur plus de 600 pages, une vaste fresque des sociétés implantées au-delà du 50e parallèle, autour des mers du Nord et Baltique, depuis la Préhistoire jusqu’à la fin de l’âge viking. Ils nous proposent une histoire connectée, du Groenland à la Baltique, en passant par les îles Britanniques et la Scandinavie, visant à faire ressortir les échanges (belliqueux comme pacifiques) ainsi que toute forme de circulation et d’influence dans ces contrées septentrionales. « Immensité » et « très longue durée » sont les maîtres-mots de cette somme, qui débute avec l’arrivée des premiers hommes dans ce Nord, vers 800 000 av. n. è., pour en arriver à l’implantation progressive mais durable du christianisme, qui contribue à rapprocher le Nord du reste de l’Europe au cours du XIe siècle. Constructions politiques, échanges économiques, réalisations artistiques, mutations religieuses chez les Scandinaves, les Angles, les Pictes, les Finnois, les Celtes, les Samis, les Baltes… Cet ouvrage dense et foisonnant, agrémenté d’indispensables cartes, d’illustrations en noir et blanc, et ponctué de deux cahiers iconographiques en couleurs, nous plonge au cœur de ces mondes du Nord si méconnus.

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Royaume de papier

Royaume de papier julia_bellot mer 15/10/2025 - 15:05 Distribuer l’argent du roi au XVIIIe siècle. La monarchie dévoilée, Benoît Carré, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2025, 454 p., 33 €. 82 Livres Gratuit 4 Ajouter au flux RSS 1 Issue d’une thèse soutenue à Lille en 2018, cette enquête érudite nous fait pénétrer au coeur de la monarchie administrative du siècle des Lumières. C’est un royaume de papier qui se dévoile, lié à la faveur du roi, distributeur des grâces et des pensions. Les révélations sont nombreuses, à commencer par le montant alloué au nom du souverain : 7 millions de livres en 1715, 20 millions en 1789, au terme d’une inflation presque continue, pour 22 000 pensionnaires, depuis la multitude de petites pensions, de 100 à 600 livres – elles font, le plus souvent, office de maigre retraite –, jusqu’aux gigantesques sommes touchées par les courtisans, les princes du sang (le duc d’Orléans reçoit 150 000 livres par an) et les membres de la famille du roi. Ce qui apparaît au fil des chapitres, c’est le souci constant de la monarchie de tenter de rationaliser un système aussi complexe qu’opaque, dans le cadre d’un processus d’autonomisation progressive d’une autorité bureaucratique par rapport au pouvoir du roi. Il faudra attendre la Révolution pour assister à une véritable dissociation : la dernière partie, consacrée au travail du Comité des pensions mis en place par l’Assemblée constituante, est tout à fait remarquable. On retiendra aussi les pages centrées sur les trois petits livres rouges contenant le détail des dépenses secrètes du département de la Maison du roi : les chiffres, qui échappent à tout contrôle, sont énormes – entre 1774 et 1790, 228 millions de livres de dépenses y sont inscrites, dont 28 millions pour les deux seuls frères du roi.

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Enquête sur les magiciens

Enquête sur les magiciens Il ne s’agit pas dans ce livre d’appliquer une théorie générale de la magie, comme celle développée en son temps par le sociologue Marcel Mauss, sur les réalités du monde antique. L’historien se propose ici de réunir les témoignages de pratiques rituelles d’une grande diversité pour éclairer un phénomène diffus et omniprésent dans les sociétés grecques et romaines. Cet essai savant introduit avec brio à un univers mystérieux et se lit comme une enquête policière. La collecte des indices permet de réunir une série impressionnante de documents soigneusement commentés : textes littéraires, morceaux de papyrus, livres de recettes, mais aussi inscriptions maléfiques sur tablettes de plomb, pierres gravées ou amulettes. La plus grande partie des pièces du dossier a toutefois disparu. Les formules de malédictions et les incantations guérisseuses se sont envolées. Les gestes de la main et les menaces de mauvais œil se sont effacés. Ceux qui exercent ces maléfices ou leur apportent des remèdes ne sont pas faciles à débusquer. Ils n’ont pas en effet le profil des spécialistes que dénonce la littérature antique : vieilles femmes portées sur la boisson ou Égyptiens au crâne chauve. En Méditerranée, ces praticiens, souvent occasionnels, appartiennent à tous les milieux, sans distinction de genre ou de position sociale. Aussi bien libres qu’esclaves, ils travaillent dans les champs ou vivent en ville, fréquentent les sanctuaires comme les nécropoles. Il faut se garder de réduire la liste des suspects aux médecins passionnés d’astrologie ou aux devins interprètes des rêves. Nul n’est d’ailleurs au fond coupable, tant la frontière entre malédictions et prières de justice est poreuse. Il n’empêche. La notion de magie a émergé dans le monde grec à partir de la fin du IVe siècle avant notre ère, ce qui contribua à identifier comme magiciens des hommes et des femmes qui n’en revendiquaient pas le statut. Elle a servi aux philosophes, aux médecins et aux littérateurs à mettre en garde contre les risques de subversion – politique et religieuse – que représentaient l’importation et l’adoption de conduites prétendument étrangères. Le mage venu de Perse n’est plus un sage chez les Barbares, c’est un danger pour la cité. julia_bellot mar 14/10/2025 - 16:22 Entre le plomb et les pierres. Rites et magiciens dans l’Antiquité grecque et romaine, Thomas Galoppin, Cerf, 2025, 272 p., 24 €. Livres C'est payant? Gratuit

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Berlinguer ou le fol espoir des communistes italiens

Berlinguer ou le fol espoir des communistes italiens Enrico Berlinguer, au milieu des années 1970, a représenté un fol espoir : et si le Parti communiste pouvait se réformer en profondeur ? Et s’il pouvait arriver au pouvoir en Italie puis en France ? Le film d’Andrea Segre parvient à incarner cette figure et cette idée grâce à une mise en scène nerveuse comme un thriller, subtile et originale comme une œuvre d’auteur. Mais aussi grâce à un acteur au charisme impressionnant : Elio Germano. Au point de susciter un véritable engouement en Italie, réunissant plus d’un million de spectateurs de toutes les générations. Les plus anciens communiaient dans le souvenir de Berlinguer et les plus jeunes découvraient que la gauche pouvait éviter le pire à un pays qui n’est pas forcément condamné au berlusconisme ou à l’extrême droite. Le film débute à Sofia, en octobre 1973, avec une impressionnante scène de tension et d’éclats de verre. Quelques semaines après le coup d’État de Pinochet au Chili, Berlinguer, secrétaire général du Parti communiste italien, soutient, face au numéro un bulgare, qu’il faut tirer une leçon de l’expérience Allende. Pour les Soviétiques et le bloc de l’Est, qui restent dans une logique d’affrontement de guerre froide, Allende n’a subi que ce qu’il méritait. Pour Berlinguer, au contraire, l’expérience, si fragile soit-elle, indique une voie, celle du compromesso storico (« compromis historique »), appel au dialogue avec la Démocratie chrétienne (DC), parti de droite catholique modérée, pour permettre au Parti communiste italien (PCI) d’accéder au gouvernement du pays. Quelques minutes après ce dialogue de sourds, la voiture qui ramène Berlinguer à l’aéroport est victime d’un « accident » étrange, que l’homme politique interprète sans mal comme un attentat. En Italie, même s’il est parfois contesté en interne par les derniers apparatchiks pro-Moscou, Berlinguer accumule les succès. Victoire lors du référendum sur le divorce en mai 1974, lors des élections en juin 1976, où le PCI représente 34 % des voix. Lors de la fête de l’Unita, à Florence, devant plus d’un demi-million de personnes, Berlinguer lance la « grande ambition » de conduire le PCI au pouvoir. Eurocommunisme Le film d’Andrea Segre multiplie les allers-retours entre vie publique et vie privée, entre la communauté communiste et la politique nationale. Dans ces différents univers, tous les personnages prennent une épaisseur étonnante par la vitalité et la complexité dont ils sont l’expression. Tous ont un corps. Berlinguer, bien sûr, et ses mouvements d’étirement tous les matins, mais également les camarades de lutte : Antonio Tato, son attaché de presse ; Nilde Iotti, la première femme présidente de la Chambre des députés ; Pietro Ingrao, son prédécesseur, Ugo Pecchioli, secrétaire du PCI. Ou encore le personnel politique, Giulio Andreotti et ses manies, Aldo Moro et sa probité. La scène la plus forte se situe à Moscou en février 1976, devant les délégués soviétiques du 25e Congrès. Berlinguer, juste devant Leonid Brejnev, affirme que la défense des libertés civiques et politiques est indispensable au développement du socialisme. Les moues sur les visages, les applaudissements mitigés du bout des doigts, les chuchotements interloqués, tout dit ici un décalage entre le Kremlin et l’« eurocommunisme », que le film rend formidablement bien. Alors qu’Enrico Berlinguer négocie directement avec Aldo Moro, le second est assassiné par les Brigades rouges, ce qui met fin à l’ambition gouvernementale des communistes. Six ans plus tard, le 11 juin 1984, plus d’un million et demi d’Italiens assistent aux funérailles de Berlinguer, disparu à 62 ans. Le film s’achève avec ces archives émouvantes, proposant une dernière leçon d’histoire, celle d’une utilisation intelligente des images : celles de la fiction parviennent, tout au long de l’œuvre, à prolonger, à commenter, à réfléchir les archives d’autrefois. A voir Berlinguer. La Grande Ambition Andrea Segre, en salle le 15 octobre 2026. Thomas lun 13/10/2025 - 16:17 Andrea Segre dresse le portrait d’Enrico Berlinguer, qui cherchait le « compromis historique » afin que son parti puisse gouverner. Cinéma Antoine de Baecque Mercredi 15 octobre 2025 - 06:00 C'est payant? Gratuit

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Farahnaz Sharifi, Grand Prix du documentaire

Farahnaz Sharifi, Grand Prix du documentaire My Stolen Planet de Farahnaz Sharifi a remporté le Grand prix du documentaire des Rendez-vous de l’histoire de Blois 2025. Comme une évidence, il s’est imposé tout naturellement alors même que la sélection offrait de nombreux films de qualité. Réalisatrice et monteuse iranienne vivant désormais en Allemagne, Farahnaz Sharifi est née en mars 1979, soit quelques semaines après l’exil du Shah et l’arrivée de l’ayatollah Khomeini au pouvoir. Son film entremêle deux histoires : la sienne, celle d’une jeune fille passionnée par l’image et la vidéo et celle de son pays devenu République islamique. D’un côté, la vie privée qui se déroule à l’intérieur à l’abri des regards. Une existence faite de joie, de rires et d’une certaine forme de liberté. De l’autre, la vie publique, dehors, sous la menace toujours possible des gardiens de la Révolution. Pour construire son documentaire, Farahnaz Sharifi utilise toutes sortes d’archives, de tous les formats. Elle cherche dans les boutiques d’occasion de Téhéran les pellicules abandonnées par celles et ceux qui ont préféré fuir le régime. Elle récolte les images filmées lors du mouvement « Femme, Vie, Liberté » mené par la jeunesse iranienne en 2022. Une révolte réprimée dans le sang. De ce patchwork de documents émerge le récit quotidien des Iraniens mais aussi une réflexion sur la mémoire, les traces que nous créons et que nous laissons pour ceux qui le regarderont plus tard, peut-être… Des souvenirs que certains oublient comme la propre mère de Farahnaz Sharifi, atteinte de la maladie d’Alzheimer. Mais malgré tout, My Stolen Planet reste une ode à la vie, traversé par un fil rouge, celui de la danse, du plaisir des corps qui se meuvent, des sens, des instants de voluptés, de rires, de connivences, de libertés et d’espoir. Pour le Prix Georges-Duby, le lauréat est Le Procès de Paul Touvier d’Antoine de Meaux. Du 17 mars au 20 avril 1994, ce n’est pas seulement Paul Touvier qui est jugé mais aussi toute une organisation : celle de la milice française qui traque les Juifs, les résistants, les réfractaires au Service du travail obligatoire… La mention spéciale a été décernée à Nelly et Nadine, dernier opus de la « Trilogie du 28 avril » de Magnus Gertten. A partir de photographies, de lettres ou de films familiaux conservés par la petite-fille de Nelly, cette œuvre évoque le destin de deux femmes qui se sont rencontrées lors de la Seconde Guerre mondiale dans le camp de concentration de Ravensbrück. Séparées, libérées, Nelly et Nadine se sont ensuite retrouvées pour vivre leur amour loin de leurs passés, à Caracas, au Venezuela. Olivier Thomas Membre du jury du Prix du documentaire historique des Rendez-vous de l’histoire de Blois. A lire La chronique d'Antoine de Baecque consacrée à My Stolen Planet (L’Histoire n°532, juin 2025). Thomas jeu 09/10/2025 - 18:30 Avec My Stolen Planet, la réalisatrice iranienne signe un documentaire qui fait la part belle aux archives audiovisuelles de toutes sortes. Blois 2025 Prix Médias Olivier Thomas Jeudi 9 octobre 2025 - 20:00 C'est payant? Gratuit

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« Distinctions alimentaires » prix Anthony-Rowley

« Distinctions alimentaires » prix Anthony-Rowley L’Histoire : A partir de quand, et par qui, les normes alimentaires que vous étudiez sont-elles édictées ? Faustine Régnier : Au tournant des années 2000, de nouvelles prescriptions alimentaires émergent, portées par la montée de pathologies comme l’obésité ou le diabète. L’alimentation s’impose comme un enjeu central de santé publique dans les pays européens. Jusque-là, la nutrition n’était pas un domaine fortement investi par les politiques publiques. En France, le programme national nutrition santé (PNNS) créé en 2001 est à l’origine d’un discours officiel et devient le grand prescripteur en matière d’alimentation. Pour étudier le rapport des Français à ces prescriptions j’ai réalisé une série de recherches entre 2007 à 2022. L’Histoire : Quelles sont ces prescriptions ? Faustine Régnier : Au début, l’objectif est d’améliorer la santé de la population française grâce à l’activité physique et à l’alimentation. Le PNNS recommandait de manger moins gras, moins sucré, moins salé et davantage de fruits et légumes. C’est le fameux slogan de « cinq fruits et légumes par jour ». A partir de 2017, s’inscrivant dans un mouvement plus large, le PNNS introduit une dimension environnementale. S’impose alors l’idée qu’il serait bon de manger davantage de produits locaux, de saison, si possible issus de l’agriculture biologique, mais aussi de diminuer la consommation de viande – notamment rouge – au profit des légumes secs. L’Histoire : « Bien manger » n’a pas la même signification pour tout le monde. Comment ces normes sont-elles reçues ? Faustine Régnier : Les clivages sociaux restent très nets sur toute la période que j’ai étudiée. Dans les catégories les plus aisées, diplômées, « bien manger » signifie avant tout manger pour sa santé – et, de plus en plus, pour ne pas nuire à l’environnement. Chez les femmes, cette préoccupation se double souvent d’un enjeu de minceur : les différences de genre restent fortes sur ce point. Elles ont donc le goût de ce qui est bon pour la santé et pour l’environnement : manger des fruits et légumes, ne pas manger trop gras, trop sucré, trop salé et réduire la consommation de viande. Dans les milieux intermédiaires, on observe une forte volonté de bien faire, parfois jusqu’à l’hyperadhésion : ces groupes distinguent très nettement les « bons » aliments – fruits et légumes – des « mauvais », comme les sodas ou les chips. Néanmoins, la distance entre ce discours et leur pratique peut être source de culpabilité. Pour les classes populaires, la santé n’est pas absente, mais elle passe après d’autres priorités. Depuis le XIXe siècle, la sociologie montre que l’essentiel, pour ces milieux, est d’avoir suffisamment à manger. L’accent reste mis sur l’abondance, avec aujourd’hui une préoccupation nouvelle : pouvoir offrir du choix à ses enfants ou à ses invités. La minceur en revanche est beaucoup moins une priorité. On pourrait penser que la saveur des aliments est une valeur partagée. Elle est pourtant très peu présente dans le discours des classes aisées contrairement aux classes populaires, qui mettent cette dimension au centre de leurs propos. L’Histoire : Sur quels aliments se cristallisent le plus les différences ? Faustine Régnier : Au départ, le slogan « 5 fruits et légumes par jour » suscitait des résistances dans les catégories modestes, notamment parce qu’ils sont souvent perçus comme peu nourrissants, et parce que les légumes frais restent coûteux. Le slogan est désormais mieux accepté, mais la consommation reste très inégalitaire : seuls 20 % des Français atteignent la recommandation du PNNS, et les ménages les plus modestes restent les moins consommateurs de fruits et légumes. Aujourd’hui c’est autour de la viande que les clivages sont les plus forts. Dans les classes populaires le fait de pouvoir en consommer reste un symbole de conquête sociale : le niveau social et les capacités financières sont évalués par rapport à la capacité à se procurer de la viande. De plus, elle est considérée comme un aliment essentiel, notamment pour les hommes et les enfants. Les enquêtes montrent que, dans les foyers modestes, les mères se privent parfois de viande pour que leurs enfants puissent en manger. Dans ces milieux, les injonctions écologiques trouvent peu d’écho, non par indifférence mais parce que les contraintes économiques l’emportent sur les considérations environnementales. L’Histoire : Comment ces questions environnementales divisent-t-elles la population ? Faustine Régnier : La sobriété écologique est surtout portée, dans le discours, par des catégories diplômées et urbaines. Pourtant, consommer local, éviter le gaspillage ou économiser l’eau font partie du quotidien de nombreux ménages populaires – mais ces gestes sont d’abord motivés par le souci d’économie, non par une revendication écologique. Ils ne sont pas mis en avant, parce qu’ils ne constituent pas un motif de distinction ou de fierté. L’Histoire : Vous avez notamment travaillé sur une recommandation qu’on a vu émerger pour des raisons environnementales : consommer des produits de saison. Est-elle partagée ? Faustine Régnier : Les saisons ont longtemps structuré l’alimentation : elles imposaient un rythme naturel, contraignant, mais aussi familier. Avec le développement des grandes surfaces pendant les Trente Glorieuses, capables d’importer des produits du monde entier, nos pratiques se sont progressivement désaisonnalisées. Les générations plus âgées, notamment dans les milieux populaires, continuent à manger « de saison », par habitude autant que par goût : elles ont gardé le souvenir d’une alimentation rythmée par la production agricole. En milieu rural, ce rapport au temps se prolonge dans la proximité avec le monde agricole et la consommation locale, souvent directe chez le producteur. A l’inverse, les jeunes générations, plus urbanisées, ont un rapport plus distant à cette temporalité : l’offre continue des supermarchés et la perte de repères agricoles les ont détachées de ce cycle. L’Histoire : Cela peut aussi être perçu comme une contrainte supplémentaire ? Faustine Régnier : Autrefois, s’affranchir des saisons ou manger beaucoup de viande était un signe de richesse : cela montrait qu’on pouvait dépasser les contraintes naturelles. Aujourd’hui, le mouvement s’est inversé. Le signe distinctif, dans les milieux aisés, n’est plus la profusion, mais la capacité à se restreindre. Ne manger que de saison, limiter la viande, c’est désormais un marqueur moral et culturel : une manière de montrer qu’on sait s’autocontraindre. Pour les classes populaires, déjà soumises à de fortes contraintes économiques, cette logique n’a pas de sens. Réduire encore la palette de ce qu’on peut manger revient à perdre un espace de plaisir et de liberté. Dans un contexte où les marges de reconnaissance sont limitées, l’alimentation reste justement un domaine où l’on peut encore choisir – et se faire plaisir. S’imposer des restrictions supplémentaires y apparaît comme une forme d’injustice. L’Histoire : Est-ce une nouveauté ? Faustine Régnier : Oui. Bourdieu décrivait la société des Trente Glorieuses, où les classes aisées commençaient à s’affranchir de la rigidité morale héritée du passé. Leur « goût de liberté » reflétait leur aisance matérielle, qui leur permettait de choisir sans contrainte. A l’inverse, les classes populaires vivaient encore sous le signe du « goût de nécessité » : leurs pratiques étaient encadrées par le travail, la collectivité ouvrière, les syndicats. Cette identité s’est peu à peu effacée avec la désindustrialisation et la perte des structures collectives. Pour continuer à se définir et à trouver une place dans la société, il leur reste notamment la consommation – devenue un espace où s’expriment à la fois le choix, la dignité et la recherche de reconnaissance. C’est une évolution importante par rapport à la société décrite par Bourdieu. L’Histoire : Qu’en est-il des classes moyennes ? Faustine Régnier : Dès les années 1980, Claude Grignon parlait déjà d’un « malaise alimentaire » dans les classes moyennes. Il me semble qu’il s’est accentué. D’une part parce que toute une série de scandales ont nourri leur méfiance envers l’industrie agroalimentaire dont elles sont plus dépendantes que les catégories aisées. Et d’autre part parce que cette catégorie est plus menacée socialement aujourd’hui qu’elle ne l’était autrefois. Une partie des classes moyennes est tirée vers le bas, et dans ce contexte l’alimentation devient un enjeu décisif. L’Histoire : Existe-t-il également des permanences ? Faustine Régnier Avec le recul, on voit à quel point nos manières de manger ont changé : la santé publique, l’environnement, le numérique ou la transformation de l’offre alimentaire ont redessiné les repères. Mais au-delà de ces évolutions, une permanence demeure : les goûts restent un marqueur social fort, un langage à travers lequel chacun dit quelque chose de sa place dans la société. Elle engage la façon dont un individu définit son identité. (Propos recueillis par Julia Bellot) *Sociologue de l’alimentation, Faustine Régnier est chercheuse à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE).   A lire Distinctions alimentaires, Faustine Régnier, PUF, 2025, 304 p. 19 €. Thomas ven 10/10/2025 - 10:42 « L’alimentation reste un marqueur social » explique la sociologue Faustine Régnier* qui reçoit le prix Anthony-Rowley du livre d’histoire de l’alimentation aux Rendez-vous de l’histoire de Blois pour son ouvrage Distinctions alimentaires (Puf). Entretien. Blois 2025 Prix Entretien Vendredi 10 octobre 2025 - 12:00 C'est payant? Gratuit

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Guy Delisle, Prix Château-de-Cheverny de la BD historique

Guy Delisle, Prix Château-de-Cheverny de la BD historique La chronique de l'album par Sylvain Venayre : « Western californien » L’Histoire n°530, avril 2025. Thomas sam 11/10/2025 - 10:42 La BD lauréate du prix Château-de-Cheverny de la bande-dessinée historique 2025 est Pour une fraction de seconde. La vie mouvementée d’Eadweard Muybridge de Guy Delisle (Delcourt). Blois 2025 Prix Bande dessinée Samedi 11 octobre 2025 - 11:00 C'est payant? Gratuit

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Le Grand Prix pour Alain Blum et Emilia Koustova

Le Grand Prix pour Alain Blum et Emilia Koustova L’Histoire : Pourquoi un nouveau livre sur la déportation sous Staline ? Y a-t-il encore des choses à découvrir ? Alain Blum et Emilia Koustova : A l’origine de ce livre, il y a un projet collectif de recueil de témoignages des anciens déportés, initié en 2007 par une équipe de chercheurs (Marta Craveri, Alain Blum) et Valérie Nivelon (« La Marche du Monde », RFI). En France, en Europe occidentale plus largement, et même en Russie, cette histoire était, sinon ignorée, bien moins connue que celle des camps du Goulag. Dans les pays baltes, membres de l’Union européenne depuis 2004, mais aussi en Pologne, elle était, au contraire, centrale. Il s’agissait alors de rappeler que les déplacements forcés staliniens faisaient partie de l’histoire européenne et pas seulement de l’histoire soviétique. En 2010, à l’occasion d’une université d’été près d’Irkoutsk, en Russie, nous avons cherché à rencontrer des personnes concernées. Il se trouve qu’il y avait, dans la région, de nombreux Lituaniens et Ukrainiens qui avaient été la cible de ces déportations collectives vers des « villages spéciaux » en Sibérie. Ils n’étaient jamais rentrés. Leur histoire, si riche et complexe, nous a poussés à creuser dans les archives, à Irkoutsk et à Moscou, puis à Vilnius et à Kyiv… La récolte, par une équipe de treize chercheurs, de quelque 200 témoignages a donné lieu à la publication d’un premier ouvrage, en 2012 [1]. Nous avons tous deux décidé de poursuivre nos recherches sur les déportés de Lituanie et d’Ukraine occidentale, et quelques années plus tard, il est apparu que nous avions envie d’en faire un nouveau livre. Nous étions orientés par les entretiens, certainement la première originalité du livre. Nous demandions à nos interlocuteurs de nous raconter leurs souvenirs les plus anciens, jusqu’à aujourd’hui. Les récits s’affranchissaient ainsi des témoignages plus courants, qui se focalisent sur le moment de la déportation : l’arrivée de soldats, les violences, l’arrachement, le voyage en train. Nous savions, en plongeant dans les archives, que nous allions adopter l’angle des biographies, prises dans leur ensemble, et donc couvrir une période très longue. En optant pour les bornes 1939-1991, nous traversions les coupures traditionnelles, comme la mort de Staline en 1953. Cette date annonçait une fin proche de la déportation, mais pas la fin d’un récit de vie qu’on souhaitait retracer, ni la fin des traces de ces parcours dans les archives. Cette histoire par le bas nous a permis d’aborder différentes questions qui étaient jusqu’alors peu travaillées. D’abord, une histoire des relations sociales en déportation, au sein de communautés de déportés, mais aussi au contact des populations locales. Le regard historien est souvent centré, dans le cas de telles migrations forcées, sur un peuple, son déplacement, sa difficile survie en exil et son attente du retour. Il a alors tendance à ignorer la diversité des parcours individuels et des relations qui s’établissent entre ceux qui subissent les déportations et ceux qui vivent ou travaillent à proximité. Ensuite, si les conditions de travail sont bien connues pour le Goulag, elles le sont moins pour cette main-d’œuvre. Nous avons trouvé des documents très riches sur cet aspect-là dans les archives d’Irkoutsk, intéressants notamment parce qu’ils ne distinguent pas tant que ça les déportés de la main-d’œuvre locale.   Si l’attente du retour a été très forte, le moment précis de la libération se noie, dans beaucoup de témoignages, parmi d’autres événements plus intimes. Ceux que nous avons rencontrés étaient, logiquement, très jeunes lors de la déportation. Si leur famille était déplacée lorsqu’ils avaient 10 ou 12 ans et qu’ils étaient libérés sur décision collective 8 ans plus tard, ils étaient en âge de partir en ville faire des études ou de fonder leur propre foyer. A l’inverse de l’histoire du Goulag, cette expérience répressive traumatisante se transformait parfois dans un récit de vie soviétique qui, de loin, paraissait ordinaire. C’est ce qui nous a interpellés et conduit à travailler largement sur la question d’intégration, de retour et de réadaptation. La question du retour en tant que telle avait été très peu traitée. Les flux ont été étudiés, à l’échelle collective, mais pas le vécu du retour au village. Nous avons trouvé de nombreuses traces de conflits. Des paysans reviennent et leur maison est occupée, ou leurs meubles placés dans les maisons voisines. Certains ont eu droit à la restitution, d’autres non. Cette histoire des tensions de voisinage s’est faite à bas bruit. Les relations se sont peu à peu reconstituées, on le voit dans des lettres qu’on trouve nombreuses dans les archives lituaniennes et ukrainiennes. Se posent au même moment les questions d’accommodation au régime autoritaire, face aux interdits, aux contraintes, aux répressions, qui perdurent.  Cette histoire par le bas, nous l’avons croisée à une histoire par le haut, une histoire politique (celle d’un régime, toujours autoritaire et répressif, mais qui évolue avec le temps), policière et administrative. Nous avons découvert, aux archives de Vilnius, que tous les dossiers des familles déportées étaient conservés et accessibles. Ces documents nous racontaient pourquoi la famille était visée, à quel titre, sur quelle liste. Il y avait les pièces à charge, la décision de la déporter, parfois les matériaux de surveillance de cette famille et de très nombreuses requêtes envoyées par ses membres pour réclamer leur libération, leur retour, la restitution de leurs biens. Ce double regard sur les expériences de déportation, par le bas et par le haut, nous a permis, enfin, d’explorer les failles d’un régime soviétique totalitaire : les pas de côté, les décisions non officielles. En 1941, plusieurs milliers de Lituaniens sont déportés dans la région d’Altaï, dans le sud de la Sibérie. L’invasion nazie a commencé, le chaos règne et les pénuries sont particulièrement fortes. A l’été 1942, 3500 environ d’entre eux sont déplacés une deuxième fois, envoyés au bord de l’océan Arctique, près de la mer des Laptev, où, sans alimentation, sans bois de chauffage, la moitié meurt dès le premier hiver. Mais sur le trajet, en barge vers l’estuaire de la Léna, certains vont voir les administrations locales, soviétiques bien sûr, proposant leurs services de médecins ou de comptables. Plusieurs familles arrivent ainsi à obtenir un engagement, ce qui, évidemment, les sauve. Cela dit quelque chose à la fois du système soviétique, mais aussi de la survie des populations réprimées. L’Histoire : Vous étudiez deux zones géographiques, la Lituanie et l’Ukraine occidentale. En quoi sont-elles intéressantes ? Alain Blum et Emilia Koustova : Les trois pays baltes (Lettonie, Lituanie, Estonie), la Pologne orientale (qui comprend l’Ukraine occidentale et la Biélorussie occidentale d’aujourd’hui), la Bucovine du Nord et la Bessarabie (l’actuelle Moldavie), concernés par le pacte Ribbentrop-Molotov, ont été annexés par l’URSS en 1939-1940 et de nouveau en 1944, après trois années d’occupation nazie. Parmi ces territoires, la Lituanie et l’Ukraine occidentale sont les plus importants en termes de population, avec respectivement, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, 3 millions et entre 7 et 8 millions d’habitants. C’est aussi dans ces deux espaces que la résistance armée à l’occupation soviétique est la plus forte, et la plus longue, ce qui explique les répressions massives, les opérations de déportation plus nombreuses, et pourquoi nous sommes tombés sur une telle concentration de ces deux groupes ethniques dans la région d’Irkoutsk. Enfin, ces deux territoires sont intéressants du fait de leurs différences notables, par exemple en termes de mémoire. En Lituanie, la question des déportations est centrale lors de la lutte pour l’indépendance, dès la fin des années 1980, et se retrouve au cœur de la nouvelle mémoire nationale.  Les anciens déportés sont d’ailleurs très actifs dans la fondation de Sąjudis, le mouvement réformateur de Lituanie, qui a mené la lutte pour l’indépendance. En Ukraine, la mémoire nationale est plutôt fondée sur l’Holodomor [2]. La grande déportation de 1947 est une question qui, aujourd’hui, monte dans le débat public, mais qui restait peu ou prou absente il y a quinze ans encore. L’Histoire : Qui sont les victimes de ces déportations ? Alain Blum et Emilia Koustova : En 1952, à la veille de la mort de Staline, 2,6 millions de personnes se trouvent en état de relégation [3] . Sous toute la durée du stalinisme, 6 millions d’individus ont été déplacées de force. Dans les territoires occidentaux (pays baltes, Ukraine occidentale, Biélorussie occidentale et Moldavie), cela concerne près de 360 000 personnes avant la guerre, 400 000 après. Avant l’invasion nazie de l’URSS, on peut parler de déportations « préventives ». Elles touchent ceux que l’imaginaire policier et politique stalinien conçoit comme ennemi (potentiel ou réel), c’est-à-dire ceux qui s’opposent à la soviétisation. En Lituanie, ce sont les élites, politiques, économiques, sociales et culturelles (artisans, commerçants, fonctionnaires, enseignants) – en quelque sorte ceux qui forment le pilier de la nation, d’où, aussi, la déportation des instituteurs dès 1941 dans les pays baltes. Dans les régions annexées de la Pologne orientale, c’est quelque peu différent. Les autorités soviétiques voient les territoires ukrainiens et biélorusses comme « polonisés » de force. Les déportations touchent alors davantage les Polonais ethniques et les représentants de l’État polonais : les familles d’officiers, de policiers, les élites sociales ou, encore, les colons polonais installés dans ces kresy, régions de confins, dans les années 1920. Les Juifs qui fuient l’Allemagne sont également touchés. Dans cette période d’avant l’invasion nazie, les hommes sont envoyés dans les camps et les déportations collectives concernent davantage les femmes et les enfants. Précisons que ce ne sont pas des relégations ethniques, qui ne toucheraient que des Lituaniens ou des Ukrainiens. En Lituanie, les Juifs et les Polonais se trouvent nombreux parmi les exilés – des groupes que la mémoire lituanienne a aujourd’hui tendance à oublier). Après la Seconde Guerre mondiale, les déportations sont d’un côté « punitives », et de l’autre destinées à imposer la collectivisation des campagnes. L’objectif des autorités étant de lutter contre l’insurrection, elles ciblent les familles supposées des insurgés, actifs pour la plupart dans les campagnes. Les déportations paysannes sont par ailleurs beaucoup plus nombreuses qu’en 1940-1941 : on retrouve ici les mêmes logiques que celles qui avaient fondé les déportations du début des années 1930, menées dans le but de collectiviser les campagnes. Là encore, le principe de responsabilité familiale s’applique. Pour les soi-disant « koulaks » (paysans propriétaires qu’il faut déposséder de leurs terres pour les collectiviser), les pères sont relégués avec femmes et enfants. Lorsque l’ennemi est considéré comme dangereux (actif dans le mouvement de résistance), s’il n’est pas tué, il est généralement envoyé dans un camp du Goulag après un passage devant le tribunal militaire, tandis qu’une décision administrative ordonne l’exil de sa famille, avec souvent celui d’autres familles du même village. Si l’application de ces catégories est assez floue, il faut souligner la précision sidérante avec laquelle elles sont définies : les autorités soviétiques dressent des listes nominatives de « familles de complices de bandits », « familles de koulaks », « familles de collaborateurs des Allemands », etc. L’Histoire : Votre travail s’est notamment appuyé sur des « requêtes » envoyées par les relégués. Pouvez-vous nous parler de ces lettres et de ce qu’elles ont de précieux ? Alain Blum et Emilia Koustova : Étudiées depuis les années 1990, les requêtes constituent une source classique pour l’histoire soviétique, à l’image de ces millions de lettres que les citoyens soviétiques envoyaient au Kremlin, au KGB local, au siège du Parti communiste de leur républiques d’origine, à la cour suprême, au ministère de l’Intérieur… Simplement, elles n’ont été, jusqu’ici, explorées qu’à travers les fonds qui les rassemblaient, de manière décontextualisée. Prenons les archives d’un grand journal comme la Pravda, où ont afflué ces lettres pendant des années. Elles sont seules, on ne sait pas si la personne qui l’a écrite a obtenu le gain de cause. Il n’y a aucune histoire autour. Or, nous en avons trouvé, très nombreuses, dans les dossiers de famille que nous avons mentionnés. Elles comportent des annotations dans les marges, qui permettent de voir comment les arguments étaient lus par les autorités soviétiques qui les recevaient et les traitaient. Ces lettres permettent tout de suite d’engager cette écriture d’une histoire par le bas qu’on revendique dans notre ouvrage et qui met en avant l’agentivité des victimes de la déportation. Leur intérêt réside d’abord dans le fait que ce sont pour beaucoup des témoignages paysans. L’histoire du Goulag, par exemple, a beaucoup été faite à partir des écrits de l’intelligentsia. Là, c’est une tout autre dimension de l’histoire qui se révèle. Cela ouvre aussi tout un monde d’interactions sociales autour de l’écriture de la lettre. Une famille de paysans lituaniens qui ne parlent pas russe ne peut pas écrire cette lettre seule, parfois peu de temps après son installation. Elle se fait aider par un Russe vivant dans le même village, par un Lituanien maîtrisant la langue, etc. Il faut aussi souligner que ces lettres étaient lues. En Lituanie en particulier, elles avaient un effet. Des commissions ont même été, à l’époque, mises en place pour travailler exclusivement dessus. La Lituanie disposait, à partir du milieu des années 1950, d’une certaine autonomie dans le processus de décision par rapport à Moscou. Ce qui pose la question de la marge d’action des autorités républicaines, ou plus largement des rapports de force à l’intérieur même de l’État soviétique ; de l’improvisation de libérations individuelles, là où, a priori, l’URSS ne prévoyait que des libérations catégorielles. Le parti communiste lituanien a cherché à garder la main sur le choix de ceux qu’il acceptait de voir rentrer : il favorisa le retour d’une partie de la paysannerie, tout en faisant obstacle au retour des anciennes élites politiques et économiques. Il faut savoir que le retour s’est étalé sur des décennies. Certaines personnes que nous avons rencontrées sont rentrées il y a quelques années seulement. D’autres ne sont jamais rentrés. Mariages mixtes, non restitution des biens, conditions de travail avantageuses en Sibérie, plafond de verre dans le pays d’origine… S’il est impossible de les quantifier, les déportés « pour l’éternité » constituent tout de même une minorité des populations reléguées. (propos recueillis par Nina Tapie)   * Alain Blum est un historien et démographe. Il est directeur de recherche de l’Ined, directeur d’études à l’EHESS au sein du Centre d’études russes, caucasiennes, est-européennes et centrasiatiques (Cerec). ** Emilia Koustova est historienne, professeure à l'université de Strasbourg, membre Groupe d’études orientales, slaves et néo-helléniques (GEO). Notes 1. A. Blum, M. Craveri, V. Nivelon (dir.), Déportés en URSS. Récits d'Européens au Goulag, Éditions Autrement, 2012. 2. Entre 1931 et 1933, de nombreuses régions d’URSS sont touchées par une grande famine qui fait environ 6 millions de victimes, dont 4 millions pour la seule Ukraine (l’Holodomor). Elle a pour origine la collectivisation forcée des campagnes mise en œuvre à partir de 1930 par le régime stalinien afin de prélever des ressources agricoles destinées aux villes et à l’exportation (cf. La Grande Famine en URSS, 1931-1933). 3. Déporté, exilé, relégué… Ces termes sont ici synonymes. Les termes de l’administration soviétique sont difficiles à traduire puisqu’ils ont évolué, mais les autorités utilisent notamment « travailleurs spéciaux » ou « colons spéciaux ».  A lire « Au Goulag » L’Histoire n° 523, septembre 2024. Thomas sam 11/10/2025 - 10:45 Le Grand Prix des Rendez-vous de l’histoire de Blois est décerné à Alain Blum* et Emilia Koustova** pour Déportés pour l'éternité. Survivre à l'exil stalinien, 1939-1991 (Éditions de l'EHESS-INED, 2024). Entretien. Blois 2025 Prix Entretien Samedi 11 octobre 2025 - 16:00 C'est payant? Gratuit

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Sarah Gruszka, lauréate du prix lycéen

Sarah Gruszka, lauréate du prix lycéen L’Histoire : Pourquoi avoir choisi de travailler sur le siège de Leningrad, et pourquoi avoir choisi une approche micro-historique ? Sur quelles sources vous êtes-vous appuyée ?  Sarah Gruszka : Je m’intéresse depuis toujours aux individus face à la tourmente. Le siège de Leningrad est l’une des plus grandes catastrophes du XXe siècle, avec près de deux millions d’habitants enfermés dans ce qui était alors l’une des plus grandes villes du monde, pendant une durée exceptionnelle de deux ans et demi (septembre 1941 – janvier 1944). Avec 800 000 civils tués, cet événement témoigne de la superposition de deux violences : celle de la Seconde Guerre mondiale, qui a été particulièrement terrible en URSS ; et celle du stalinisme, puisque les répressions du régime ont continué pendant le siège. C’est donc un terrain privilégié pour étudier les façons dont l’être humain vit une expérience extrême de violence collective, et les transformations que celle-ci opère en eux.  Pourtant, malgré son caractère crucial, le siège de Leningrad reste très méconnu en Europe, ce qui paraît invraisemblable au vu de l’ampleur du drame qu’il constitue. En Russie, il a été déformé et sublimé. J’avais envie de proposer une nouvelle lecture de cet événement, en situant le récit au plus près du vécu des habitants, loin d’une vision patriotique héroïque qui dissone avec l’expérience traumatique des assiégés.  De fait, pour comprendre les réalités quotidiennes et émotionnelles des Leningradois, quoi de mieux que des journaux intimes ? Ces écrits ont été produits au moment même de la tragédie, par des gens qui ne connaissaient pas l’issue de la guerre et ne savaient pas s’ils allaient survivre. C’est un socle idéal pour une histoire par le bas et incarnée. Je me suis donc mise en quête de ce type d’écrits en allant dans les archives russes, sans être toutefois certaine d’en trouver. En effet, à cette époque, écrire un journal était considéré comme un acte suspect et répréhensible par le régime stalinien. Par ailleurs, mon problème était qu’aucun centre d’archives ne regroupe là-bas les témoignages du siège de Leningrad, et que ceux-ci n’ont été ni inventoriés, ni numérisés. Finalement, j’ai pu identifier environ 450 diaristes. Je me suis basée sur plusieurs dizaines de journaux pour construire mon analyse.  L’Histoire : Quel rôle a joué l’écriture de journaux intimes dans l’expérience des assiégés ?  Sarah Gruszka : Au vu de la complexité et de la dangerosité de l’écriture dans un tel contexte, ces journaux intimes montrent que l’écriture de soi est primordiale dans l’expérience des êtres humains exposés à des traumatismes. Elle s’inscrit dans une pulsion de vie, parce qu’elle témoigne d’une volonté de résister, de continuer à faire des projets, de nier sa propre disparition. Écrire en dans un cadre de déshumanisation profonde, c’était s’affirmer comme un être de culture et conserver ses capacités intellectuelles.  Par ailleurs, ces journaux reflètent l’ambition testimoniale des assiégés. Certains diaristes avaient déjà conscience du décalage entre leur expérience et le récit qui en était fait dans les médias, craignant que les livres d’histoire ne retiennent que le discours de la propagande stalinienne. Face au dévoiement de leur vécu, écrire était une tentative de laisser une trace de leur vérité.  L’Histoire : Le siège de Leningrad constitue un objet mémoriel très particulier. Comment la mémoire de cet événement a-t-elle évolué au gré des époques et pays ?  Sarah Gruszka : On peut identifier trois grandes étapes dans l’histoire de cette mémoire.  Au moment même du siège, une version tronquée de la réalité était déjà diffusée. On ne parlait pas de la famine, moins encore des cas extrêmes de cannibalisme. Le siège de Leningrad fut militarisé par le discours officiel), préférant le mot « défense » à celui de « siège », et occultant ainsi la dimension civile du drame. Cette version, nommée « l’épopée héroïque de Leningrad », a perduré jusqu’au début des années 1980. Elle a permis de ne pas remettre en question les responsabilités du pouvoir, qui n’a pas su éviter puis lever le siège, tout comme il a échoué à évacuer et même à nourrir les Leningradois.  On observe cependant une rupture mémorielle sous Mikhaïl Gorbatchev. La Perestroïka a offert une parenthèse de liberté de parole et engendré l’ouverture des archives. Les journaux intimes des assiégés ont alors été découverts par des historiens. Progressivement, l’ampleur de la tragédie que constitue le siège de Leningrad a été conscientisée. Malheureusement, les travaux des quelques chercheurs qui étudièrent ce sujet n’ont pas réussi à dépasser un auditoire très restreint, principalement universitaire.  Néanmoins, après cette phase de liberté, Vladimir Poutine s’est attelé à réactiver le culte de la « Grande guerre patriotique » (c’est-à-dire de la Seconde Guerre mondiale entre 1941 et 1945) façonné sous Léonid Brejnev, pour servir de ciment à une nation en perte de repères. Comme en témoigne l’unique manuel scolaire diffusé par le gouvernement, l’histoire est très politique en Russie, autant à l’intérieur du pays que sur la scène internationale. Elle n’est conceptualisée que comme une arme au service de la patrie, non comme une discipline scientifique. L’objectif n’est pas la vérité historique : seule compte l’histoire positive, celle qui sert un nationalisme exalté par la vision d’une Russie invincible. Dans ce cadre, la mémoire du siège est instrumentalisée à des fins idéologiques. Aucune place n’est faite pour la reconnaissance du traumatisme des assiégés. Loin de se prêter au recueillement, le récit officiel dépeint ce moment de la guerre comme un symbole de résistance, héroïsant les assiégés et niant les horreurs qu’ils ont subies. Depuis quelques années, on assiste à une véritable régression où toute approche dépolitisée de cette histoire rendue sacrée et intouchable est impossible. De surcroît, cette militarisation mémorielle a empêché les pétersbourgeois, dont la majorité a perdu des proches pendant le siège, de faire leur deuil. En plus d’être instrumentalisée, cette histoire est donc particulièrement sensible et à vif.  Lorsque je travaillais pour ma thèse, j’ai pu faire mes recherches sans trop d’embûches, mais je sentais que la vis se resserrait. Une de mes collègues s’est même vue qualifiée de fasciste par la Douma en raison de ses travaux, c’est pourquoi je restais prudente lors de mes conférences à Saint-Pétersbourg (anciennement Leningrad), où je ne disais pas la même chose qu’à Paris.  L’Histoire : Que représente pour vous ce Prix lycéen du livre d’histoire que vous venez de remporter ? Qu’aimeriez-vous que les élèves retirent de votre ouvrage ?  Sarah Gruszka : C’est vraiment la meilleure récompense qui soit pour une historienne, parce que la recherche est un travail solitaire, et le risque est grand de tomber dans un entre-soi où nos travaux sont cantonnés à un lectorat très niche. De fait, voir que l’on peut toucher de jeunes publics, ça n’a pas de prix.  L’histoire du siège de Leningrad est difficile à écrire, parce qu’elle mobilise des sources vraiment dures à lire. C’est émotionnellement très prenant d’étudier les journaux intimes de dizaines de victimes en connaissant leur sort, il faut savoir tenir. C’est donc particulièrement émouvant de constater que les lycéens ont été sensibles à ce qui m’a touchée. Je suppose que cela a pu faire échos à d’autres événements plus actuels. Je considère que ma mission est accomplie, car mon but était de leur permettre de s’approcher au plus près des ressentis d’un individu dans la tourmente, et de prendre conscience que tout peut toujours basculer très vite et de façon inattendue. Cette histoire nous concerne tous. C’est le plus beau prix que l’on puisse recevoir, surtout dans un contexte où les jeunes sont si critiqués ! (propos recueillis par Lucile Juteau) A lire « Leningrad assiégée » L’Histoire n° 523, septembre 2024. Thomas sam 11/10/2025 - 12:53 Le Siège de Leningrad. Septembre 1941-septembre 1944 de Sarah Gruszka (Tallandier, 2024) a été primé par les lycéens. Entretien. Blois 2025 Prix Entretien Samedi 11 octobre 2025 - 15:30 C'est payant? Gratuit

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Prix lycéen du livre d'histoire 2026 : la sélection

Prix lycéen du livre d'histoire 2026 : la sélection Pour la 7e édition du Prix lycéen du livre d’histoire en octobre 2026, les élèves de lycée et de classes préparatoires participants devront départager les cinq livres suivants : 1619. L’autre naissance des États-Unis Virginie Adane, PUF, 2025 Le compte-rendu dans L'Histoire n°532 : « Guerre mémorielle »   Les Chauves. Histoire d’un préjugé dans la Rome antique Robinson Baudry et Caroline Husquin, Armand Colin, 2025 Le compte-rendu dans L'Histoire n°532 : « Calvitie romaine »   Les Irresponsables. Qui a porté Hitler au pouvoir ? Johann Chapoutot, Gallimard, 2025 Le compte-rendu dans L'Histoire n°529 : « Faire gagner Hitler »   Vénitiens ! Vénitiennes ! La traversée d’une ville, Venise, 1520 Claire Judde de Larivière, Seuil, 2025 Le compte-rendu dans L'Histoire n°526 : « Vénitiens de tous les pays »   Noces de cendres. Un voyage dans les ruines de la Grande Guerre Clémentine Vidal-Naquet, La Découverte, 2025 Le compte-rendu dans L'Histoire n°525 : « Qu'en pensait Berthe ? » Renseignements et informations : rdv-histoire.com Pour en savoir plus : Entretien avec trois des membres fondateurs du prix : « Les lycéens élisent leur livre d’histoire ! », lhistoire.fr, mai 2020. Entretien avec Sarah Gruszka, lauréate 2025, pour Le Siège de Leningrad. Septembre 1941-septembre 1944 (Tallandier, 2024). Entretien avec Arthur Asseraf, lauréat en 2024, pour Le Désinformateur. Sur les traces de Messaoud Djebari, Algérien dans le monde colonial (Fayard). Entretien avec Lucie Malbos, lauréate en 2023 pour Le Monde viking (Tallandier). Entretien avec Jérémy Foa, lauréat en 2022 pour Tous ceux qui tombent. Visages du massacre de la Saint-Barthélemy (La Découverte). Entretien avec Hélène Dumas, lauréate en 2021 pour Sans ciel ni terre (La Découverte). Entretien avec Charlotte de Castelnau-l’Estoile, lauréate en 2020 pour Pascoa et ses deux maris (PUF). Thomas sam 11/10/2025 - 18:20 Découvrez les cinq ouvrages sélectionnés pour le Prix lycéen du livre d'histoire 2026. Rendez-vous à Blois en octobre prochain pour connaître le résultat des délibérations. Blois 2025 Prix Dimanche 12 octobre 2025 - 15:00 C'est payant? Gratuit

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Johann Chapoutot, prix Augustin-Thierry

Johann Chapoutot, prix Augustin-Thierry L’Histoire : On dit souvent qu'Hitler est arrivé légalement au pouvoir le 30 janvier 1933. Qu'en est-il exactement ? Johann Chapoutot : Depuis mars 1930, les chanceliers sont nommés sur le bon vouloir du président, indépendamment du résultat des élections, jamais respecté. C'est formellement légal, mais cela repose sur un détournement de l'article 48-2 de la Constitution de 1919 (pleins pouvoirs présidentiels), prévu pour faire face à l'extraordinaire, et non pour faire passer l'ordinaire de l'exécutif, notamment le budgétaire. Plusieurs chefs de gouvernement sont nommés ainsi : Brüning, von Papen, Schleicher, puis Hitler – avec cette circonstance particulière que les nazis, lorsque leur chef est nommé, sont en échec électoral croissant depuis octobre-novembre 1932. L’Histoire : Qui sont les irresponsables du titre de votre livre ?  Johann Chapoutot : Ceux qui ont cru intelligent de ne plus respecter le résultat des urnes et de gouverner par un état d'urgence permanent, à partir de mars 1930 – il s'agit ici du Président du Reich (Hindenburg) et de son entourage proche (dont son fils, Oskar, le général von Schleicher, le secrétaire général de la présidence du Reich, Meissner). Ceux qui, ensuite, ont estimé rationnel et raisonnable de faire alliance avec l'extrême droite pour éviter toute menace d'arrivée au pouvoir de la gauche et pour défendre leurs intérêts sociaux, fiscaux, patrimoniaux : des libéraux autoritaires, modérément démocrates (la démocratie est tolérée si et seulement si la gauche ne gagne jamais) et convaincus de la pertinence de leur politique de l'offre. C'est cet extrême centre qui a donné le pouvoir à l'extrême droite, au moment même où les nazis n'y croyaient plus.  L’Histoire : Comment les nazis ont-ils « observés » les manœuvres et les choix de ces irresponsables ? Johann Chapoutot : Avec gourmandise et stupéfaction. Joseph Goebbels, dans son journal, en août 1932, exprime son incrédulité face à la bêtise sidérante de ces libéraux autoritaires qui n'ont manifestement pas compris à qui ils avaient affaire. Franz von Papen, le plus saillant des irresponsables, était connu pour être un mondain très à l'aise dans les salons, où sa belle allure, sa rhétorique et son élégance étaient remarquées, et pour être un fat autosatisfait, d'une vanité crasse – à la fois bête et ignorant de l'être. Il se croyait – hybris de classe – éminemment supérieur à ces nazis qu'il avait, disait-il en bon sociolecte aristocratique, « engagiert » : ils seraient de braves intendants des intérêts de sa classe. En juin 1934, Papen, échappe de peu à un assassinat en règle lors de la nuit des longs couteaux... On ne souhaite pas de telles frayeurs aux irresponsables contemporains, mais peut-être un peu de maturité politique et historienne aux amateurs de « grenades dégoupillées » qui, parfois, font boomerang. (propos recueillis par Olivier Thomas) A lire « Faire gagner Hitler » L’Histoire n°529, mars 2025. Thomas dim 12/10/2025 - 07:01 Avec Les Irresponsables. Qui a porté Hitler au pouvoir ? (Gallimard, 2025), Johann Chapoutot revient sur la manière dont Hitler est arrivé au pouvoir sans avoir été élu. Blois 2025 Prix Entretien Dimanche 12 octobre 2025 - 14:00 C'est payant? Gratuit

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Blois, une ville en France

Blois, une ville en France EXCLUSIF etreyz jeu 18/09/2025 - 00:00 « La France ? » A la fois rassembleur par son accroche et polémique par son point d'interrogation, le titre des Rendez-vous de l'histoire de Blois, 28e édition, du 8 au 12 octobre 2025, se prête à bien des déclinaisons. 6 Vendredi 10 octobre 2025 - 08:00 Gratuit 281 1 Ajouter au flux RSS 1 Plus de 1 200 intervenants, 500 conférences, des films, des expositions, des cafés littéraires et le plus grand salon du livre d'histoire qui attendent des participants toujours plus nombreux. La conférence inaugurale revient cette année à Gilles Pécout, président de la BNF, qui évoquera « Ce que dit la Bibliothèque nationale du rapport de la France au monde ». Un pays se définit par sa langue, et la présidence du festival a été confiée à Louise Mushikiwabo, secrétaire générale de la francophonie, qui interviendra notamment le 10 octobre à 19 heures à la Halle aux grains. Conférences et tables rondes scruteront les rapports de la France avec l'Église, la mode, l'empire, l'école, l'immigration, les Lumières ou l'économie... Le samedi 11 octobre à 18 h 30, la table ronde de L'Histoire : « Vichy, était-ce la France ? », avec Julian Jackson, Laurent Joly et Bénédicte Vergez-Chaignon. Pour le jeune public, Laurence De Cock, en partenariat avec L'Histoire Juniors, reviendra sur les Gaulois au salon du livre, espace jeunesse, le samedi à 14 heures. Le dimanche, Yasmine Belkaid, directrice de l'Institut Pasteur, prononcera la conférence de clôture intitulée « La France au défi de la science dans le monde ». A quelques mois de la panthéonisation de Marc Bloch (cf. L'Histoire n° 535), plusieurs manifestations sont consacrées à l'historien combattant notamment le samedi matin des lectures de Marc Bloch par Anne Alvaro, présentées par Annette Becker. Et un hommage mené par Pascal Ory sera rendu à Pierre Nora (cf. L'Histoire n°535).   RETROUVEZ L’HISTOIRE ► du vendredi 10 au dimanche 12 octobre Au salon du livre sur le stand n° 237, avec les nouveautés, les anciens numéros introuvables, les offres d’abonnement spéciales... Et en dédicace : Annette Becker le vendredi à 10h, Vincent Lemire le vendredi à 17h et Olivier Christin samedi à 15h. ► le samedi 11 octobre à 18h30 Pour le grand débat de L’Histoire « Vichy, était-ce la France ? » avec Julian JACKSON, professeur à Queen Mary University of London, Laurent JOLY, directeur de recherche au CNRS - Mémorial de la Shoah, Bénédicte VERGEZ-CHAIGNON, historienne, dans l’hémicycle de la halle aux Grains. ► le samedi 11 octobre à 16h30 A la remise du Prix lycéen du Livre d’histoire, 6e édition, au château royal de Blois (salle des conférences). ► le samedi 11 octobre à 14h A la rencontre de l’espace jeunesse du salon du livre sur le thème « Nos ancêtres les Gaulois ? » avec Laurence de Cock, professeure d’histoire-géographie et auteure pour L’Histoire Juniors.   A signaler, pour accompagner cette édition, la publication de l’article « Les historiens étrangers et l’histoire de France » dans notre numéro d'octobre. A lire sur lhistoire.fr tout au long du festival : des entretiens avec les lauréats des prix.   Programme complet sur le site des Rendez-vous de l’histoire Parution product La naissance du Saint Empire

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