L’intelligence artificielle est un piège énergétique. La consommation électrique mondiale explose. La filière est clairement engagée dans une trajectoire "insoutenable" et semble "hors de contrôle", et menace la viabilité énergétique des économies développées. Le Shift Project n'a jamais été aussi alarmiste. Voici le résumé de son rapport "Intelligence artificielle, données, calculs : quelles infrastructures dans un monde décarboné ?" Découvrir le Low-tech Journal En 10 ans, la consommation électrique mondiale des data centers est passée de 165 TWh (2014) à 420 TWh (2024), soit une hausse annuelle moyenne de 13 % ces 5 dernières années. Et la courbe continue de s’emballer : sans inflexion majeure, elle pourrait atteindre 1 500 TWh d’ici 2030, soit près de 3 fois le niveau actuel. Cercle vicieux Cette envolée est tirée par l’essor des usages (IA générative, cloud, vidéos, cryptomonnaies) et l’accroissement des capacités d’offre, chaque nouvelle infrastructure rendant possibles de nouveaux services. L’IA, qui représente déjà 15 % de la consommation électrique des centres de données en 2025, pourrait en absorber plus de 35 % d’ici 2030. Autrement dit, l’intelligence artificielle alimente une spirale de demande énergétique que ni les progrès d’efficacité ni la décarbonation du mix électrique ne suffisent à compenser. L’Europe face à un mur énergétique L’Europe est entrain d'abandonner tous ses efforts de sobriété énergétique. Le rapport souligne le cas emblématique de l’Irlande, où les data centers consomment déjà plus de 20 % de l’électricité nationale, dépassant le pourcentage de la consommation des foyers urbains ! Cette croissance pourrait, à terme, "hypothéquer la capacité de l’Union à atteindre ses objectifs climatiques". Selon les projections du Shift, la consommation électrique des data centers européens pourrait doubler entre 2023 et 2030, et quadrupler d’ici 2035. Si la filière n’est pas pilotée, elle pourrait générer jusqu’à 920 millions de tonnes de CO₂ équivalent par an, soit 2 fois les émissions annuelles de la France. La France a encore quelques leviers de pilotage, mais refuse de s'en servir Dans l’Hexagone, les enjeux sont similaires, mais les leviers de contrôle restent possibles. Les raccordements d’infrastructures validés aujourd’hui atteindront leur pleine capacité vers 2035. Sans planification, ces décisions pourraient provoquer des tensions sur le réseau électrique et créer des conflits d’usage avec d’autres secteurs en voie d’électrification (industrie, transport, logement). Le Shift Project estime que, si la tendance actuelle se poursuit, les data centers pourraient représenter jusqu’à 7,5 % de la consommation électrique nationale en 2035, contre moins de 2 % aujourd’hui. Leur part dans la consommation de l’industrie pourrait atteindre un tiers, menaçant directement la stratégie de décarbonation française. Le think tank appelle à un suivi précis et public des consommations du secteur, condition indispensable pour planifier la transition énergie-carbone. À défaut, le développement non maîtrisé de l’IA pourrait « grignoter » l’électricité nécessaire à la décarbonation du reste de l’économie. Le coût caché de l’intelligence artificielle Au-delà des infrastructures, le rapport s’attarde sur le poids énergétique et carbone propre à l’IA. Les modèles de grande taille (génératifs, multimodaux) entraînent une explosion de la demande en calculs. Les phases d’entraînement, déjà extrêmement coûteuses, voient leur empreinte carbone croître de manière exponentielle depuis dix ans. Mais c’est la phase d’inférence, c’est-à-dire "l’usage quotidien des modèles par les utilisateurs", qui devient prépondérante. Pour les applications populaires comme les chatbots, l’impact climatique d’un déploiement mondial peut dépasser celui de l’entraînement initial en quelques semaines seulement. Malgré les efforts d’optimisation des acteurs du secteur (modèles plus légers, serveurs plus efficaces, refroidissement innovant), les gains d’efficacité restent marginalement compensés par la croissance des volumes d’usage. En clair, l'effet rebond joue à plein ! Vers une ingénierie de la sobriété numérique Pour The Shift Project, il est urgent de réorienter les choix technologiques « jusqu’à la viabilité énergie-carbone ». Cela suppose de développer une méthode d’évaluation systémique, qui articule les besoins réels, les choix technologiques et les contraintes énergétiques. Le rapport propose une approche en cinq étapes : définir une trajectoire énergie-carbone de référence ; caractériser les besoins réels du service envisagé ; évaluer les impacts de chaque option technologique ; associer à chaque fonctionnalité une ou plusieurs solutions techniques possibles ; réduire l’impact global pour rendre le déploiement compatible avec la trajectoire cible, quitte à abandonner certaines fonctionnalités ou à privilégier des solutions non-IA. Cette démarche, proche d’un « budget carbone de conception », vise à conditionner le développement des technologies à leur soutenabilité plutôt qu’à leur faisabilité. Décarboner le numérique, une question politique Au-delà des aspects techniques, la décarbonation de la filière des centres de données exige, selon le rapport, des choix politiques clairs. Quatre axes prioritaires sont proposés : Mesure et transparence : instaurer un suivi public des infrastructures numériques et publier les données de consommation des services d’IA. Trajectoire-plafond : définir une limite de consommation électrique pour les data centers, en cohérence avec les budgets carbone nationaux. Optimisation technologique : encourager la conception de modèles frugaux et la réduction de l’empreinte de fabrication des composants (cartes, puces, serveurs). Information et formation : éviter que le débat public et les financements éducatifs ne se réorientent exclusivement vers l’IA au détriment de la transition énergétique. Ces recommandations traduisent une conviction centrale : la sobriété numérique ne peut pas être laissée à la seule initiative du marché. Elle doit s’imposer comme une politique publique à part entière. Le Shift Project sonne l’alarme En conclusion, le think tank avertit : maintenir la dynamique actuelle du numérique reviendrait à rendre inatteignables les objectifs climatiques de 2030. Sans pilotage collectif, la croissance de l’IA et des data centers risque d’absorber une part croissante de l’électricité décarbonée, au détriment des secteurs prioritaires pour la transition. Loin d’appeler à la décroissance technologique, The Shift Project plaide pour une rationalisation : mesurer, planifier, et choisir ce que l’on veut vraiment automatiser. Dans un monde aux ressources limitées, l’intelligence artificielle ne pourra être durable que si elle devient, elle aussi, sobre par conception. Bref, c'est pas gagné ! Lire l'intégralité du rapport
Low-Tech Journal
Contre la surconsommation et le gaspillage une nouvelle approche économique émerge : l'économie de la fonctionnalité. Un monde où l'usage prime sur la possession, où la durabilité et l'efficacité remplacent l'obsolescence programmée. L'économie de la fonctionnalité, c'est l'idée de passer d'une économie de la possession à une économie de l'usage. Au lieu d'acheter un produit, le consommateur paie pour son utilisation. Par exemple, au lieu d'acheter une voiture, on paie pour les kilomètres parcourus. Cette approche permet de réduire la consommation de ressources et de limiter les déchets, tout en répondant aux besoins des utilisateurs. Selon une étude de l'Institut Européen de l'Économie de la Fonctionnalité et de la Coopération (IEFC), cette économie vise à "optimiser l'utilisation des ressources en se concentrant sur les besoins fonctionnels des consommateurs plutôt que sur la vente de biens physiques". Schéma réalisé par l'équipe de Commown qui loue des téléphones et ordinateurs portables. Pourquoi l'économie de la fonctionnalité est plus écolo ? C'est simple : en fondant les modèles d'affaires sur l'usage (entretien, partage, réparation...) plutôt que sur la possession et la vente de produit neuf, les entreprises sont incitées à concevoir des produits plus durables et faciles à réparer. C'est une excellente porte d'entrée vers la lautéquisation de notre industrie ! De plus, cette approche favorise l'innovation frugale. Les entreprises doivent, en effet, repenser leur façon de concevoir leurs services. Un exemple concret : les machines à laver (la vaisselle ou le linge) Au lieu d'acheter une machine, le consommateur va payer chaque cycle de lavage. L'entreprise qui fournit le service est responsable de la maintenance et de la réparation de la machine, ce qui incite à concevoir des appareils plus durables et plus efficaces. Pour l'économie de la fonctionnalité peine à décoller ? Depuis quelques temps, ce modèle économique a le vent en poupe, surtout depuis qu’il est inscrit dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (loi n° 2020-105 du 10 février 2020). Mais, malgré ses nombreux avantages et les subventions, l'économie de la fonctionnalité est loin d'être entrée dans les moeurs. La résistance au changement est grande. Les consommateurs et les entreprises sont encore trop habitués à un modèle économique basé sur la possession. De plus, la mise en place de ce modèle exige que les entreprises travaillent ensemble pour créer des écosystèmes de services intégrés, ce qui est hautement complexe dans un modèle basé sur la compétition. Conséquence : bon nombre d’entreprises qui ont tenté d’évoluer vers ce modèle économique se sont cassé les dents. Les bases du modèle sont les SAV et, en France, 75 % des SAV ont des fondations fragiles : absence d'écoles, recrutement d'emloyés peut qualifiés. Dans ces conditions, il est risqué de faire dépendre 50 % du C.A de votre entreprise sur le SAV. Il y a donc une problématique de formation et de rectrument à résoudre en amont. Malgré tout, le modèle se développe en France. Un l'ADEME a consacr un rapport à son déploiement sur nos territoires.
Dans l'Aude, un collectif ambitionne de combler un vide dans le paysage énergétique français : créer un grand concentrateur solaire dédié à l'artisanat, capable d'atteindre 1300°C pour travailler le verre, la céramique et le métal. Soutenez leur initiative ! En 1949, à Mont-Louis, Félix Trombe construit le premier four solaire au monde. D'une puissance de 50 kW, il peut monter à 3500°C. Inscrit aux monuments historiques en 2008, il a servi de modèle mondial et l'institut de Mont-Louis mène aujourd'hui des programmes de transfert de technologies vers les pays du Sud, notamment au Maroc. Il y a quinze ans, un collectif s'est demandé pourquoi la France n'est pas devenu le "leader mondial des concentrateurs solaires" dans les années 1950 ? "La question, elle est vite répondue", comme dirait l'autre. Et tient en un seul mot : nucléaire. Nous étions pourtant à la pointe, entre les gigantesques centrales thermodynamiques type Thémis, destinées à produire de l'électricité, et les petits concentrateurs pour la cuisson alimentaire. Mais il manque encore un "maillon" à cette chaîne : un four dédié à artisanat, qui a besoin d'atteindre 1000 à 1800°C. Une technologie low-tech au service de l'autonomie locale Le principe du concentrateur solaire est simple : des miroirs rassemblent les rayons du soleil vers un foyer où la chaleur s'intensifie considérablement. Cette low-tech permet d'exploiter une ressource énergétique abondante sans recourir aux combustibles fossiles. « Le solaire concentré, c'est la seule énergie sur laquelle on ne peut pas mettre de compteur ». À Luc-sur-Aude, où le soleil brille plus de 200 jours par an, cette installation pourrait devenir un véritable laboratoire vivant (living lab). Trois artisans y installeront leurs ateliers permanents : un verrier, un céramiste et un forgeron. Le four interchangeable permettra de passer d'une activité à l'autre selon les besoins, rendant l'outil mutualisé et économiquement viable. Un projet collaboratif ancré dans le territoire L'initiative, portée par l'association Causes Communes 11, s'appuie sur une démarche profondément territoriale. Lauréate du budget participatif 2024 de la Région Occitanie parmi 44 projets retenus, elle incarne une volonté citoyenne de reprendre en main les outils de production énergétique. Le modèle de financement lui-même reflète cette philosophie : l'association privilégie les micro-dons réguliers d'habitants et d'entreprises locales, refusant délibérément les contributions de multinationales ou de la grande distribution. Soutenez leur initiative par ici ! L'ingénieur Luc Dando, concepteur du projet et théoricien de l'éco-industrie locale, a conçu ce concentrateur en collaboration avec plusieurs laboratoires de recherche : le CNRS d'Odeillo, l'école des Mines d'Albi, et des laboratoires toulousains. Un quart de l'activité du site sera d'ailleurs consacré à la recherche et à l'expérimentation, faisant de cette installation un objet scientifique unique en France. Un modèle économique vertueux Avec un budget global estimé entre 300 000 et 350 000 euros, le projet ambitionne de créer un cercle vertueux sur le territoire audois. En offrant aux artisans un accès à une énergie gratuite et renouvelable, il permet de réduire drastiquement leurs coûts énergétiques tout en diminuant les émissions de gaz à effet de serre. Une boutique partagée valorisera les créations réalisées sur place, et le site sera ouvert aux visites, notamment scolaires, pour sensibiliser le grand public aux potentialités du solaire thermique. Au-delà de sa dimension technique, ce projet pose une question fondamentale : comment réinventer une économie locale résiliente en s'appuyant sur des ressources gratuites et inépuisables ? En démontrant qu'il est possible de fondre du métal, de souffler du verre ou de cuire de la céramique uniquement grâce au soleil, le concentrateur de Luc-sur-Aude prouve que les alternatives low-tech ne sont pas qu'une nostalgie du passé, mais bel et bien une voie d'avenir pour une industrie artisanale décarbonée. Ce four solaire multifonctions pourrait bien être le premier d'une nouvelle génération d'outils de production énergétique citoyens, démontrant qu'entre le minuscule et le gigantesque, il existe un espace fécond pour des technologies appropriées, maîtrisables et partagées. Soutenez leur initiative par ici !
En 1941, Henry Ford présentait au monde un prototype qui défiait les lois de l’industrie automobile : une voiture allégée, ultra‑résistante et biosourcée, dont la carrosserie était composée en partie de chanvre, et dont le moteur carburait… à l’éthanol de chanvre. Derrière cette expérimentation audacieuse, une vision : libérer l’automobile de sa dépendance aux ressources fossiles et forestières. Le 20 septembre 1925, le New York Times publie une déclaration qui ferait presque rire aujourd’hui… si elle ne venait pas de l’homme qui a inventé la production de masse : « Le carburant du futur proviendra des fruits, des mauvaises herbes, de la sciure de bois… presque de n’importe quoi. » Ford parle alors en agronome amateur autant qu’en industriel : le fils de fermiers du Michigan a l’intime conviction qu’« il y a du carburant dans chaque matière végétale qui peut être fermentée ». Cette obsession, il l’alimente par des expérimentations improbables : essence de pomme, de maïs, d'os de poulet – tout passe dans ses chaudrons pour voir si la chimie agricole peut nourrir, habiller ou propulser l’Amérique. L'effet de la grande dépression Les années 1930 sont rudes : tempêtes de poussière, exode rural massif, chômage à 25 %. Dans ce contexte, Ford s’engage dans la chemurgy – une discipline pionnière qui consiste à transformer les surplus agricoles en biens industriels : cellulose, rayonne, bioplastiques. Le soja devient son terrain de jeu favori : jusqu’à 25 kg de cette plante sont intégrés à la Ford T, dans la peinture, les plastiques moulés, jusque dans les cantines des employés. Il cultive 300 variétés, inaugure une usine dédiée et recrute une trentaine de scientifiques pour son Soybean Research Lab. L’objectif : diversifier les matériaux, créer une industrie agricole connectée aux usines. Le pouvoir du chanvre Ford ne s’arrête pas au soja : il voit dans le chanvre une matière renouvelable, robuste, bon marché, capable de concurrencer bois et minerais. Pourquoi couper des arbres centenaires quand un champ de chanvre produit l’équivalent de leurs fibres en quelques mois ? Aux États‑Unis, la plante pousse sans pesticides ni engrais, absorbe du CO₂, et peut être transformée en textile, cordage, papier… ou carrosserie. 1941 : naissance de la Soybean Car Après plus d’une décennie de recherches, Ford dévoile sous les projecteurs le prototype de la Soybean car, parfois appelée Hemp Body Car. Construite sur un cadre acier tubulaire, elle arbore quatorze panneaux de bioplastique : un mélange de fibres de soja, de blé, de lin, de ramie et de chanvre, liés par une résine phénolique. Résultat : 25 % plus légère qu’un modèle standard, incroyablement résistante (selon Ford, il faudrait dix fois plus de force pour l’endommager que pour une carrosserie en acier), et propulsée par un moteur V8 fonctionnant… à l’éthanol de chanvre. Une démonstration à coup de hache Lors de la présentation, Ford frappe la carrosserie à coups de hache devant un parterre de journalistes. Pas une bosse (contrairement à la vitre pétée du Cybertruck de Tesla). L’expérience fait le tour des journaux, réveille des fantasmes (une voiture roulant “à la marijuana”) et excite les forces armées américaines, intéressées par ce nouveau plastique biosourcé. Un rêve stoppé net La Seconde Guerre mondiale coupe court à la production automobile ; l’effort industriel se concentre sur l’armement. Trois ans plus tôt, le Marijuana Tax Act de 1937 a déjà compliqué la culture de chanvre, sous la pression des lobbies pétrochimiques et textiles. En effet, à l'époque du Marijuana Tax Act, le chanvre représentait une menace potentielle pour l'industrie pétrochimique naissante et le secteur textile traditionnel. Le chanvre industriel, qui peut produire du papier, des textiles, du plastique et même du carburant, entrait en concurrence directe avec les nouvelles fibres synthétiques dérivées du pétrole (comme le nylon, breveté par DuPont en 1935) et avec l'industrie du coton. Des figures comme Harry Anslinger, directeur du Federal Bureau of Narcotics, ont mené une campagne agressive contre le cannabis, souvent teintée de rhétorique raciste, en l'associant aux populations mexicaines et afro-américaines. Cette campagne aurait été soutenue par des industriels influents comme William Randolph Hearst, magnat de la presse qui possédait des forêts destinées à la production de papier, et Andrew Mellon, financier de DuPont et beau-père d'Anslinger. L'adoption de cette loi permettait ainsi de taxer lourdement et de criminaliser de facto toute la filière du chanvre, éliminant un concurrent économique tout en répondant à des préoccupations morales et raciales de l'époque, dans un mélange d'intérêts privés et de politique publique qui a façonné la prohibition du cannabis pour les décennies à venir. Bref, Ford meurt en 1947 ; son prototype est démantelé. La filière industrielle disparaît, emportant avec elle une alternative crédible aux matériaux fossiles. Le retour du chanvre dans l’automobile Depuis les années 2000, le chanvre regagne du terrain grâce aux bioplastiques. BMW, Mercedes-Benz, Audi, Volkswagen intègrent ses fibres dans des composants intérieurs. Des prototypes comme l’Eco Elise de Lotus ou la Canadienne Kestrel reprennent le flambeau. En 2023, Stellantis annonce un partenariat avec One World Products pour utiliser du bioplastique à base de chanvre à grande échelle. Le terrain, pourtant miné par des réglementations variables et persistantes confusions entre chanvre industriel et cannabis, semble plus favorable qu’à l’époque de Ford. Le chanvre, matérialité et politique Matériellement, le chanvre est parfait : solide, léger, malléable, biodégradable, il capte du CO₂ en croissance et se cultive sur des sols arides. Politiquement, il reste prisonnier de perceptions associées aux stupéfiants, freins majeurs pour un déploiement mondial. La leçon de Ford Ford n’était pas du tout un écologiste, mais il avait compris que l’avenir industriel devait composer avec des ressources annuelles plutôt qu’avec des stocks épuisables. Sa voiture en chanvre, plus de 80 ans plus tard, nous rappelle que l’innovation durable est une question de volonté, de cadre réglementaire… et de timing historique. Aujourd’hui, alors que les matériaux biosourcés réapparaissent, la vision de Ford conserve sa pertinence : une voiture légère, solide, issue de cultures régénératrices et carburant à des biocarburants locaux est toujours possible.
Ce putain de réveil... Pendant des millénaires, l'humanité s'en est passée. Alors comment faisait-on avant d'inventer ce petit instrument de torture domestique ? Pendant l'Antiquité et jusqu'au Moyen Âge, les gens se levaient... avec le soleil. C'est ce qu'on appelle le rythme circadien, cette horloge biologique interne calée sur la lumière naturelle. Pas de temps universel, pas de synchronisation mondiale : chaque village vivait à son propre tempo. Le temps universel, ce truc qui nous pourrit la vie aujourd'hui, ne se généralise qu'à la fin du XIXe siècle avec l'essor du chemin de fer. En 1884, la conférence de Washington sur le méridien met tout le monde d'accord. Quand le soleil ne suffisait plus, on comptait sur les animaux. Le coq, évidemment, cette star du réveil rural. Mais pas que : les chiens qui aboyaient à l'aube, les oies, le bétail impatient d'aller paître. En Asie, c'était le paon ou le geai. L'ère des cloches À partir du XIIIe siècle, c'est le clocher du village qui prend le relais. En 1336 à Milan, une horloge publique sonne automatiquement les heures. Les cloches rythment tout : l'angélus, les matines, les vêpres. Un temps collectif. Mais parallèlement, des gens développent leurs propres systèmes. Les horloges à encens en Chine dès le Xe siècle : des bâtons gradués qui brûlaient lentement, déclenchant une clochette à chaque étape. Les chandelles graduées avec des clous plantés dedans : quand la cire fondait, le clou tombait sur une assiette métallique. Les bougies à réveil, plus sophistiquées, intégraient des mécanismes de clochettes. L'horloge à marteau de la fin du Moyen Âge, réservée aux monastères et grandes maisons. Le réveil comme privilège et outil politique Avant d'être un objet, le réveil était un service. Un privilège. Se faire réveiller par autrui, c'était exercer un pouvoir. Louis XIV au XVIIe siècle élève ça au rang d'art politique avec son "Grand Lever" à Versailles. Chaque matin, spectacle codifié : valets de chambre, courtisans privilégiés admis selon un ordre strict. Assister au lever du roi, c'était obtenir reconnaissance et faveurs. Le Roi-Soleil se levait comme le Soleil lui-même. Pharaonique. Chez les aristocrates et grands bourgeois, le domestique-réveil était un marqueur de statut. Valet de chambre, servante : ils ouvraient les rideaux, préparaient les vêtements, apportaient la boisson chaude. Des tâches déléguées à plus pauvre que soi. La révolution industrielle, ou la tyrannie de l'horloge Fin XVIIIe, première vraie rupture : en 1787, l'Américain Levi Hutchins fabrique le premier réveil mécanique. Mais attention, calibré uniquement pour sa vie à lui : 4h du matin, pas négociable. En 1847, Antoine Redier dépose le premier brevet de réveil-matin réglable en France. Démocratisation en vue. Puis arrive l'industrialisation, et là, tout bascule. Se réveiller à l'heure devient vital : rater le début de la journée, c'est perdre son salaire, voire son job. Les patrons veulent discipliner les corps ouvriers, les adapter au rythme des machines. Et là, l'invention infernale : la sirène d'usine. À l'aube, une corne stridente traverse les murs, les rêves, les oreillers. À Manchester au XIXe, les voyageurs pensaient à une alerte de guerre. Non, juste le début du boulot. L'horloge pénètre au cœur des foyers. Dans les maisons ouvrières, elle devient omniprésente, surveillée comme le lait sur le feu. La peur du retard s'installe, avec son cortège d'angoisses. Les knocker-ups et autres solutions improbables Avant que chaque famille ne possède son réveil, apparaît un métier aussi insolite qu'indispensable : le "knocker-up", réveilleur professionnel. Dans le nord de l'Angleterre, des hommes et femmes déambulaient à l'aube avec des cannes et sarbacanes, tapant sur fenêtres et volets. Certains lançaient des petits pois secs aux étages supérieurs. La plus célèbre ? Mary Smith, qui arpentait l'East End londonien sans jamais rater un réveil, même dans le brouillard. Ces knocker-ups, souvent des femmes ou retraités, ont perduré jusqu'aux années 1950, voire 1970. Pour les plus pauvres, le réveil était parfois... acrobatique. Dans les dortoirs populaires de Londres ou New York, le "sleeping by the rope" : une corde tendue, les dormeurs assis ou accroupis dessus, et à l'aube, le proprio relâchait la corde. Tout le monde basculait. Réveil brutal garanti. Attesté jusqu'aux années 1920. La démocratisation et ses délires Fin XIXe, avec l'électrification, le réveil-matin se démocratise vraiment. Années 1920-1930, il devient objet courant. Et là, les inventeurs rivalisent d'ingéniosité sadique : réveil à roulettes qui s'enfuit sous le lit, réveil-puzzle, réveil qui lance une balle, réveil à pistolet d'alarme des années 1910 tirant une cartouche à blanc. Transformer la chambre en terrain d'entraînement militaire. Aujourd'hui, nouvelle révolution : simulateurs d'aube, applis analysant les cycles de sommeil, bracelets connectés vibrant doucement. Retour à la méthode ancestrale, mais version high-tech. Après des siècles de réveils brutaux, on cherche la douceur et le respect du rythme naturel. Comme si on redécouvrait les vertus d'un réveil presque animal, toujours piloté par la technologie.
Le 20 décembre 1990, un physicien anglais du nom de Tim Berners-Lee, alors employé au CERN (l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, en Suisse), créa le premier site web de l’histoire. Ce site était un manuel d’instructions destiné à expliquer le World Wild Web, un système de partage d’informations qu’il venait tout juste de concevoir. L'adresse de ce site ? http://info.cern.ch — une version restaurée toujours consultable aujourd’hui. Berners-Lee inventera ensuite les trois piliers du Web : HTML (HyperText Markup Language) pour structurer les pages, URL (Uniform Resource Locator) pour les adresser, HTTP (Hypertext Transfer Protocol) pour les récupérer. En 1993, le CERN décide de rendre la technologie du Web libre de droits — un geste qui propulsa son expansion mondiale et donna naissance à Internet tel que nous le connaissons. À cette époque, l’« internet » n'était plus l'ARPANET, et ressemblait à un dédale technique réservé aux chercheurs, militaires et informaticiens. Accéder à des données demandait des connaissances pointues, et chaque réseau parlait son propre langage. Le besoin d’un système universel Imaginez le CERN : des milliers de chercheurs du monde entier collaborent sur des expériences complexes. Chacun produit des montagnes de données, de rapports, de publications… mais impossible de les partager simplement. Les fichiers étaient prisonniers de systèmes incompatibles : ordinateurs IBM, Mac, mainframes… chacun avec son format et son protocole. Il fallait un langage commun. Certains outils tentaient déjà de combler le fossé : ARPANET, ancêtre d’internet, prouvait qu’un réseau décentralisé était possible, mais restait réservé à des usages militaires et universitaires. Usenet permettait des discussions par forums, mais sans gestion documentaire. Gopher, né à l’Université du Minnesota, proposait une navigation en menus hiérarchiques — une avancée, mais sans liens dynamiques entre documents. Ce qu’il manquait encore, c’était une façon universelle et fluide de relier les informations, indépendamment de leur origine. Avant le Web, Berners-Lee avait déjà créé un petit système de notes personnelles appelé Enquire, fondé sur des liens entre informations — le germe du futur hypertexte. En mars 1989, il rédige une proposition intitulée : « Information Management: A Proposal ». Son supérieur y griffonne la légendaire remarque : « Vague, but exciting… » Vague, mais prometteur. Le projet est lancé. Berners-Lee travaille sur un ordinateur NeXT, conçu par l’entreprise de Steve Jobs après son départ d’Apple. Il y développe : WorldWideWeb, le premier navigateur (et éditeur !), permettant non seulement de consulter, mais aussi de modifier les pages web. httpd, le premier serveur web de l’histoire. Sur l’ordinateur, une étiquette prévient : “This machine is a server. DO NOT POWER IT DOWN!!” Son site n’avait rien de spectaculaire, mais il incarnait une idée révolutionnaire : le lien hypertexte. Pour la première fois, on pouvait passer d’une idée à une autre, d’un ordinateur à un autre, d’un pays à un autre — d’un clic. En 1993, l’équipe du NCSA (Université de l’Illinois) lance Mosaic, le premier navigateur grand public, capable d’afficher des images. Bientôt, Netscape Navigator s’impose, suivi d’Internet Explorer. C’est le début des “guerres des navigateurs”, et du Web grand public : pages personnelles, GIFs clignotants, compteurs de visites et “pages en construction”. Tim Berners-Lee ne voulait pas seulement inventer une technologie pour libérer le savoir, connecter les esprits et souhaitait rendre sa création accessible à tous.
Voici la synthése de la conférence donnée lors du Showcase E4S. Un évènement organisé par l"École d’Économie de Paris for Sustainability. Le thème : les "limites planétaires". Le techno-industrialisme nie les limites Dans le modèle techno-industriel, les limites sont absentes : les publications de l'OCDE et d'autres revues d'économie postulent une croissance perpétuelle. "The sky is the limit". Pourtant, le monde physique impose des limites : le "gâteau planétaire" n'augmente pas. Les humains partagent avec le règne animal des traits structurant leur rapport aux limites. La paresse : une tendance biologique à minimiser l'effort pour survivre, expliquant notre préférence pour la voiture plutôt que la marche, l'ascenseur plutôt que les escaliers, ou la télévision plutôt que l'exercice. L'accumulation, valorisée dans les civilisations des latitudes moyennes (berceau des innovations techniques récentes) pour survivre à l'hiver. Cette tendance culturelle rend l'insatiabilité chronique : l'humain n'en aurait "jamais assez". Le statut social, essentiel chez les animaux sociaux pour l'accès à la nourriture et à la reproduction, pousse à accumuler au-delà de la satiété pour impressionner les pairs. Sans cela, Porsche ou Rolex n'existeraient pas. L'énergie comme vecteur d'expansion illimitée Ces traits nous ont conduit à créer des "esclaves énergétiques" : des machines permettant plus avec moins d'effort. Un agriculteur moderne produit 200 fois plus de nourriture qu'il y a des siècles, grâce à des tracteurs (un de 60 kW équivaut à 600 paires de jambes humaines, un cycliste développant 100 W en moyenne sur 10 heures). La consommation d'énergie par personne a été multipliée par plus de 30 en un siècle et demi ; avec une efficacité des machines accrue d'un facteur 10 à 20. Cela équivaut à des centaines d'esclaves par humain. Mondialement, c'est 200 ; en France, 600 ; aux États-Unis, 1 000 ; dans l'auditoire (catégories supérieures), 1 500 à 2 000. Les impacts de nos ponctions sur l'environnement sont invisibles dans la comptabilité Dans la théorie économique classique, les ressources naturelles sont gratuites (vent, soleil, mais aussi pétrole, océans). Seul le travail humain est payé, du réarrangement des atomes aux produits finaux. La diminution des stocks (cuivre, poisson, forêts, pétrole) coûte zéro, sans dotation aux amortissements. Les problèmes environnementaux se divisent en "placards vides" (épuisement) et "poubelles débordantes" (pollution). Pour le pétrole (placard vide), un rapport de l'Agence internationale de l'énergie (2018) indique un pic de production conventionnelle en 2008. Le pic global (pétrole brut + condensats) est novembre 2018. Des analyses prévoient un déclin significatif après 2030. Or, diviser par 3 notre consommation de pétrole conduirait à diviser notre production par 3 et abandonner la mondialisation. Pour le climat (poubelle débordante), un réchauffement de 2-5 °C d'ici 2100 menace. Le CO2 persiste des millénaires ; pour limiter à +2 °C, il faudrait diviser nos émissions par 3 d'ici 2050 (-5 %/an, comme en 2020 avec le Covid ou 1945 post-guerre). Une règle de 3 décompose : émissions = (CO2/énergie) × (énergie/PIB) × (PIB/personne) × population. Diviser par 3 implique des choix : population stable/instable, PIB croissant (×1,7 à 2 %/an). Solution : la contraction matérielle consentie. Une autre façon de dire : la décroissance. Regarder la vidéo dans son intégralité par ici. N'hésitez pas à commenter si Janvocivi commet des erreurs factuelles dans sa vidéo.
Dans l’imaginaire collectif, le monde des cryptomonnaies est souvent associé aux "crypto bros", ces investisseurs avides de rendements rapides et d’opérations spéculatives sur des tokens aux noms obscurs. Pourtant, un courant alternatif émerge discrètement mais sûrement : celui des "Regens", contraction de regenerative finance (ReFi). Ces nouveaux acteurs du Web3 cherchent à réconcilier innovation technologique et responsabilité écologique, en mettant la blockchain au service d’initiatives durables. Le terme "Regen" est en réalité un jeu de mots avec "Degen", diminutif de "dégénéré", désignant les traders crypto les plus téméraires. Mais à l’opposé des Degens, motivés par le profit immédiat, les Regens se veulent constructeurs d’un écosystème vertueux. Ils participent à des projets reposant sur la finance régénératrice, un pan du Web3 qui utilise les contrats intelligents pour stimuler des comportements bénéfiques à l’environnement et aux communautés. Blockchain et transition écologique : une alliance inattendue Les projets soutenus par les Regens illustrent la puissance de la blockchain appliquée à des causes concrètes : reforestation automatisée via des smart contracts, compensation carbone traçable, chaînes d’approvisionnement plus transparentes, ou encore création de marchés pour les crédits carbone tokenisés. L’objectif ? Prouver que la technologie décentralisée n’est pas qu’un outil de spéculation, mais aussi un levier pour transformer positivement le monde réel. Cette approche est cependant loin de faire l’unanimité. De nombreux observateurs soulignent l’empreinte énergétique des blockchains, notamment celles utilisant le mécanisme de Proof of Work (preuve de travail), comme le Bitcoin. En réponse, les Regens soutiennent des protocoles plus sobres, comme ceux basés sur la preuve d’enjeu (Proof of Stake), beaucoup moins gourmands en énergie. Certains vont plus loin en finançant des projets de compensation carbone ou en participant à des campagnes de sensibilisation à l’impact environnemental du Web3. Une adoption en croissance, y compris en France En France, l’intérêt pour les crypto-actifs ne cesse de croître. D’après une étude de l’Adan (Association pour le développement des actifs numériques), 12 % des Français détenaient des cryptomonnaies en 2024. Parmi eux, un nombre croissant s'intéresse aux usages éthiques de ces technologies, un terreau fertile pour l’émergence des Regens à l’échelle locale. Certains membres de ce mouvement s’investissent également dans la gouvernance des biens publics numériques. Dans l’écosystème Ethereum par exemple, les Regens cherchent à préserver la qualité de l’infrastructure partagée en évitant la “tragédie des communs” – situation où les intérêts individuels nuisent à l’intérêt collectif. Ils contribuent activement au code, aux recherches et aux outils communautaires, consolidant ainsi la durabilité du réseau. Une vision durable du Web3 En somme, les Regens proposent une lecture alternative et résolument optimiste de la révolution blockchain. Loin des caricatures, ils montrent que crypto ne rime pas forcément avec cynisme ou pollution. Au contraire, en s’appuyant sur les outils de la décentralisation, les Regens veulent créer un Web3 au service du vivant, où les gains financiers ne sont pas une fin en soi, mais un moyen d’investir dans un futur régénératif.
C'est indéniable : l'intelligence artificielle est le nouveau monopole radical. Un dispositif "visant à contraindre des populations à modifier radicalement leurs habitudes quotidiennes, notamment en restreignant leurs choix et leurs libertés." (Ivan Illich) Même le Low-Tech Journal est touché... voire infiltré ! On vous raconte. Vous ne l'avez peut-être pas remarqué mais, une des photos publiées dans le n°21 du magazine a été retouchée par I.A. Si, si !Et pas qu'un peu ! En ouvrant le magazine fraîchement sorti des rotatives, Mathilde, notre graphiste, a eu un choc : la photo du Soleil Journal (dans le dépliant en triptyque)... était pleine de ces zigouigouis caractéristiques des images générées par I.A ! Enfer et e-damnation Pourtant, cette photo a été prise par nos amis de l'Atelier 21 qui n'ont rien à se reprocher de ce côté... Alors, comment ce fait-ce ??? Après enquête, il s'avère que Indesign (logiciel Adobe sur le quel nous créons le mag) nous a I.Acké à l'insu de notre plein gré, s'autorisant à retravailler cette photo - un peu petite pour le format - sans qu'on lui ai demandé quoique ce soit ! Ils veulent que tout soit liiiiisssse ! Alors, ils mettent de l'IA pour tout rendre bien parfaiiiit. Et, comme la machine ne sait pas reproduire les lettres, on se retrouve avec ce gloubiboulga en spirales. Deux jours plus tard, alerte ! Les commandes de magazines via le site sont en chute libre de 60%. Tout le monde sait que Septembre est un mois financièrement compliqué. Mais... -60 % ! On consulte les statistiques du site et là, catastrophe : notre trafic lié aux moteurs de recherche a chuté de 40 %. Notre théorie : les recherches ne se font plus sur Google, Ecosia etc... mais en discutant avec son I.A préférée. "Dis Machine, c'est quoi la low-tech ?". Plus besoin d'aller à la source pour avoir la réponse. L'I.A va la chercher pour toi. Wafwaf. Oui, "l'IA est en train de tuer le Web. Elle ruine le trafic et le modèle économique des sites Web, tout en transformant la toile en une immense base de contenus recyclés par des machines sans originalité". C'est le titre d'un excellent article publié en Juillet 2025 sur le forum Developpez.com (lien ici). Nous répliquerons bientôt en investissant dans un podcast ! Low-Tech Radio is coming ! Ce matin-même, stupéfaction ! Une contributrice nous apprend que sa thèse de 726 pages vient d'être refusée par sa fac au motif qu'elle était "rédigée à 72 % par l'IA". Ce qui est absolument faux... Impossible pour elle de prouver le contraire. Une enquête s'impose ! Nous appelons nos lecteurs thésards à la plus grande vigilance ! "Certains détecteurs surprennent par leur inconstance. ZeroGPT, pourtant très populaire, ne dépasse pas 30 % d’efficacité. Scribbr montre des performances variables selon les types de contenus – un piège pour les utilisateurs non avertis..." (source). L'IA est tellement partout que les profs à revenir à des examens sans ordinateur (un exemple au Québec). Face à l'accélération insensée de l'IA, faut-il s'attendre à un retour de balancier low-tech ? On l'espère !
Dans cette époque où nos données s'évaporent dans des serveurs lointains, un mouvement underground redonne ses lettres de noblesse au partage physique. Les Dead Drops, ces mystérieuses clés USB scellées dans le béton de nos villes, transforment chaque mur en terminal d'échange. Découvrez le Low-Tech Journal Le projet « Dead Drops » a été initié en à New York par Aram Bartholl, un « artiste multimedia ». Il a eu l'intuition géniale de matérialiser le partage numérique. Dead Drops est un réseau de partage de fichiers anonyme, hors ligne et pair à pair dans l’espace public. Il suffit d'avoir une clé USB, un peu de ciment à prise rapide ou de mastic, puis de repérer un endroit approprié. Ces petits dispositifs de stockage émergent des façades comme des champignons numériques, cachées dans la ville, à mi-chemin entre street art et monde digital. La poésie du partage anonyme Dead drop signifie "boîte aux lettres morte". C'était l'appellation de la technique utilisée par les services secrets pour s'échanger discrètement des documents et des données. Aram Bartholl détourne ce code d'espionnage pour en faire un geste artistique et social. Imaginez : vous déambulez dans votre quartier, quand soudain vous apercevez cette protubérance étrange sur un mur. On les trouve sous un banc, derrière une statue, incrustées dans un mur... Une fois dénichées, on peut connecter son ordinateur et découvrir les trésors laissés par d'autres explorateurs urbains. Un trésor numérique à ciel ouvert Le contenu de ces capsules temporelles modernes ? Des centaines de mega-octets, incrustées dans les murs, planquées dans les marches d'escaliers ou sur les boîtiers téléphoniques séries, musique, films, magazines. Un bric-à-brac numérique qui reflète l'humanité dans toute sa diversité, sans filtre ni censure. Cette spontanéité fait toute la beauté du projet. Contrairement aux plateformes centralisées qui nous espionnent et monétisent nos échanges, les Dead Drops offrent une liberté totale. Pas d'algorithme, pas de modération, pas de traçabilité. Juste la surprise de la découverte. Sur le site deaddrops.com, on trouve toutes les informations pratiques pour installer une clé USB dans son quartier. Il suffit de s'armer d'un pistolet à enduit ! Cette accessibilité transforme chaque citoyen en architecte de ce réseau alternatif. La prochaine fois que vous croiserez une étrange excroissance sur un mur, n'hésitez pas : branchez-vous. L'aventure commence au coin de la rue.
Il y a plus de 40 ans, la ville de Tokyo (actuellement près de 14 millions d'habitants) a déployé un système de récupération d'eau de pluie destiné à alimenter les sanitaires, les jardins publics, les lave-linge et les services de lutte contre les incendies. C'est en 1976 que son créateur, Mukoto Murase, fonctionnaire à la direction sanitaire de Sumida, une banlieue de Tokyo. Tokyo reçoit chaque année près de 2,5 milliards de tonnes d'eau de pluie, notamment lors des Tsuya et Akisana, les saisons des pluies. Pour éviter que les égouts ne s'engorgent, Dr Skywater (son surnom) a relié des réservoirs souterrains à des gouttières équipées de pré-filtres. Une eau non-traitée, disponible pour des besoins qui n'impliquent pas de contact direct avec le corps. À l'époque jugée pas assez rentable pour l'équipe municipale en place, elle a été défendue par un maire d'arrondissement qui parviendra à mettre tout le monde autour de la table (génie civil, urbanisme, protection de l'environnement, prévention des risques), pour concevoir un système viable. Un accès à une ressource essentielle gratuite et neutre pour l'environnement Tout l'intérêt du système japonais est que l'acheminement de l'eau de pluie consomme peu d'énergie. Le premier réservoir testé sera celui du stade de sumo Ryogoky Kokugikam, construit en 1980. L'installation de ce tank de 1000 tonnes a été rentabilisé en 5 ans et génère depuis plusieurs millions de Yen de revenu chaque année à la municipalité. Le projet a donc été élargi à plus de 30 % des constructions. Seul au-delà duquel, selon les études, la ville pourrait fournir 11 litres d'eau par jour et par personne à tous des habitants. Ainsi, depuis 1995, dans l'arrondissement de Sumida-ku, chaque nouvel immeuble doit être équipé d'un réservoir. Et la ville a subventionné les particuliers souhaitant installer un réservoir chez eux. Plus de 1000 bâtiments sont ainsi équipés à Tokyo. Aujourd'hui, Makoto Murase fait le tour du monde avec son concept, qui intéresse au plus haut point les municipalités de Séoul (Corée du Sud) ou du Bengladesh. "Les rivières, les bassins, les lacs sont polluées et impropres à la consommation. Les nappes phréatiques sont polluées. L'eau la plus potable est désormais l'eau de pluie. (En ville), quand l'eau de pluie s'écoule dans les égouts, elle se transforme en inondation. Si vous la collectez, elle devient une ressource. Ne pas le collecter, c'est la gaspiller." Mais, attention, toute la pollution de l'air passe dans l'eau de pluie qui peut être extrêmement polluée. Mais, si l'eau de pluie peut être une source d'eau, elle ne peut être LA seule source disponible. Comme une réponse très efficace face aux flash flood qui pourraient toucher l'Europe. Dans la ville, la minéralisation des surfaces (béton, macadam) entraîne une diminution de l'absorption d'eau par les sols. De plus, cela transforme les villes en îlots de chaleurs (+ 6°C) emprisonnés dans un micro-climat qui entraîne des pluies intenses. Donc, récupérer l'eau de pluie en ville a le double intérêt de réduire les inondations et augmenter les réserves d'eau. Difficulté : l'investissement de départ est élevé : il faut une installation par immeuble. Pour aller plus loin : en France, Issy les Moulineaux a déjà son système de tank contre les crues de la Seine (lire ici)
J'avoue avoir été sceptique quand un de nos lecteurs m'a parlé d'OPS Clean. Une lessive à base de billes de magnésium dans un sachet ? Ça m'a rappelé un système de "balle" de lavage assez... controversée ! J'ai donc demandé à tester le produit. Après plusieurs semaines d'utilisation et des dizaines de machines, cette innovation frugale lyonnaise tient-elle ses promesses ? Aux origines d'OPS Clean, ce sont deux français, Jean-Baptiste Duranton et Marc Biessy. C'est surtout un système de lavage basé sur une réaction chimique Au contact de l'eau, le magnésium augmente le pH à un niveau situé entre 8,5 et 9,5 (comparable au savon de Marseille), suffisamment élevé pour neutraliser les bactéries, éliminer les odeurs corporelles et dissoudre les graisses du quotidien. Ils ont donc placé des billes de magnésium purifié dans un petit sachet bleu (cousu à Lyon) que l'on place directement dans le tambour de la machine à laver. C'est une ionisation de l'eau : le magnésium casse les grappes de molécules d'eau pour les rendre jusqu'à cinq fois plus petites, permettant une meilleure pénétration dans les fibres textiles. Résultat ? L'eau "nettoie", naturellement, sans détergent chimique. Du magnésium pour lessive ? Hum ! Fake science, danger ? J'ai vérifié La lessive au magnésium est une innovation récente. Un produit similaire a été commercialisé sous le nom de Terrawash par une entreprise Japonaise (MK Entreprise Inc). Il ne semble plus commercialisé aujourd'hui (cf leur Facebook). Mais il a été testé de nombreuses fois, notamment pour le salon Natexpo et dans l'émission Belge "On est pas des pigeons" (RTBF). À chaque fois, les tests évoquent un produit respectueux de la peau et biodégradable. Un élément est parfois évoqué : des dépôts de magnésium sur le linge si on a une eau "dure" (on en l'absence d'adoucisseur d'eau). Pour ma part je n'en ai pas constaté. Il est probable que OPS Clean, en ajoutant une savonnette et un adoucissant, a répondu aux limites de l'offre de Terrawash. Mon protocole de test Pour tester OPS Clean, j'ai mis en place un protocole rigoureux. J'ai divisé mes lessives en deux lots identiques : même type de vêtements, même degré de salissure, même programme de lavage. La seule différence ? Un lot avec le sachet OPS Clean, l'autre avec ma lessive habituelle (La lessive de Paris) que je considère efficace. Mission : comparer les résultats à l'odorat et à l'œil. Verdict sur les couleurs et le noir : un sans-faute C'est sur le linge de couleur et particulièrement sur le noir que j'ai été le plus impressionné. Les vêtements ressortent propres, les couleurs sont préservées (pas de décoloration). Un vrai point fort pour OPS Clean ! Les chaussettes de mes enfants, pourtant réputées pour leurs odeurs tenaces, ressortent neutres. Dans le kit, OPS Clean livre un adoucissant (en fait un flacon d'huile essentielle à placer dans le bac d'adoucissant qui ajoute une discrète odeur de lavande). Le linge blanc : une petite préparation nécessaire Le linge blanc demande un peu plus d'huile de coude. Pour éliminer les taches sur le blanc, il faut impérativement traiter les zones concernées, avant le lavage, avec un pain de savon détachant livré dans le kit. Ça prend un peu de temps : il faut humidifier légèrement la tache, frotter avec le pain de savon, laisser agir quelques minutes, puis lancer la machine avec le sachet OPS Clean. Avec cette petite étape préalable, même mes draps blancs et mes chemises ressortent sans tâches. Comme on le disait dans le n°21 du Low-Tech Journal : moins de tech, c'est plus de temps et d'effort. L'équation est confirmée : moins de lessive, c'est un prélavage à faire. Il faut donc perdre l'habitude de tout balancer directement dans la machine. C'est la seule contrainte. Les avantages au quotidien Au-delà de l'efficacité, OPS Clean présente de nombreux atouts pratiques. D'abord, l'économie réalisée est considérable : un sachet à environ 40 € permet 350 lavages, soit plus d'un an d'utilisation pour un foyer de quatre personnes. L'aspect écologique n'est pas négligeable non plus. Chaque machine évite le rejet d'environ 50 litres d'eau polluée par des détergents chimiques. Plus de plastique à jeter, zéro allergène, une eau préservée : c'est bon pour la planète et pour la santé de toute la famille. Le sachet est d'ailleurs compatible avec le linge de bébé, sans risque d'irritation cutanée. J'apprécie également la dimension sociale du projet : chaque sachet est assemblé dans un ESAT lyonnais, favorisant l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Les limites à connaître Soyons honnêtes, OPS Clean ne convient pas à toutes les situations. Pour les taches vraiment incrustées ou très grasses (cambouis, peinture), le système montre ses limites. Il s'agit avant tout d'une solution pour les lessives du quotidien, pas pour les vêtements de travail extrêmement souillés. L'absence de parfum peut dérouter certains habitués aux lessives traditionnelles qui associent "propre" à "qui sent bon". Personnellement, j'ai vite pris l'habitude de ce linge neutre, mais si vous êtes accro aux fragrances, il faudra mettre un peu plus d'huile essentielle (le parfum est naturel et à impact minimal sur l'eau). Mon avis : ça mérite largement d'être essayé ! Le pack complet est disponible chez Nature & Découvertes, dans certains Biocoop, et sur le site de la marque à un prix de 70,70 € pour un an d'utilisation environ. Sachant qu'1,5L de lessive "qualité écolo" coûte 6€ environ et que j'en consommais 1 bidon par mois, j'en suis pour mes frais à 2 euros près. Bref, la lessive sans lessive fonctionne bel et bien, elle est française, et elle transforme notre façon de faire la lessive. Une belle innovation frugale !
Dans l’ombre des forêts méridionales, une essence discrète, précieuse et porteuse d’avenir tente sa (re)conquête : le liège français. Ce matériau, à la fois tradition et modernité, longtemps laissé de côté, refait surface, porté par des acteurs réinventant la filière, forgés d’une vision écologique, résiliente, enracinée dans le pays réel. Panorama sur une matière humble, stratégique, et sur cet écosystème en gestation, où l’on retrouve à la manœuvre forestiers, artisans, ingénieurs et collectifs citoyens. DÉCOUVRIR LE LOW-TECH JOURNAL Retour sur la récolte 2023 L’année 2023, marquée par une sécheresse inédite et une tension croissante sur la ressource en eau, a néanmoins vu la filière liège française afficher un bilan résolument optimiste. Les campagnes de « levée de liège », expression presque poétique pour un geste à la fois rude, précis et ancestral, ont débuté en juin pour s’achever début septembre. Résultat : plus de 300 tonnes récoltées, soit une hausse de 10% par rapport à l’an passé. Pourtant, ce regain n’a pas été homogène : dans les Pyrénées-Orientales, le manque d’eau a cloué au sol la récolte (report de 200 tonnes), tandis qu’en Corse (+200%) et dans le Var (+50%), la production a bondi. L’enjeu clé ? Réactiver la gestion des forêts privées, qui abritent 82% des chênaies-lièges françaises. Plus la suberaie revit, plus le liège de qualité abonde. « La filière du liège français, c’est un peu l’archétype de cette modernité à rebours : bâtie sur la tradition, la main, le geste, mais prête à accueillir demain, à force d’intelligence collective et de patience sylvicole. » (Institut Du Liège). Une essence endémique à réhabiliter Le chêne-liège (Quercus suber) fait partie de notre patrimoine méditerranéen. Héliophile, thermophile, il aime le soleil mais craint d’avoir soif : il prospère là où l’humidité ne descend pas sous 60%. Jadis omniprésente (148 500 hectares en 1893, soit 11% du parc mondial), la suberaie française s’est rétractée de 33% en 130 ans. Aujourd’hui, 100 000 hectares subsistent, soit 4,4% du total mondial, loin derrière le Portugal (736 000 ha) ou l’Espagne. Pourtant, le liège est dans l’air du temps : matériau naturel, recyclable, sobre en énergie pour la construction, le bouchonnage, et les usages industriels pluriels. Tradition(s) renouvelée(s) et mécanisation maîtrisée Longtemps, la « levée de liège » demeurait un art, réservé à une poignée de leveurs armés d’une hache spécifique, tranchant affûté et manche biseauté. Le « démasclage » extrait le liège mâle, dur, irrégulier et peu valorisé, tandis que, 12 à 15 ans plus tard, s’extrait le liège femelle, fin, régulier, idéal pour les bouchons de vin. L’innovation s’invite aujourd’hui : tronçonneuses électriques, sondes de contrôle, pinces spécialisées réduisent la pénibilité et ouvrent le métier à de nouveaux opérateurs. Objectif triple : alléger la peine, relocaliser la main d’œuvre (souvent venue d’Espagne ou du Maghreb), réduire les coûts. Industrialiser sans dénaturer : la filière s’organise Point d’avenir pour la suberaie sans débouchés industriels solides pour toutes les qualités de liège. Si le bouchon, produit phare, absorbe l’essentiel du liège femelle (près de 80% des usages), le liège mâle – broyé – revient en force dans la fabrication d’isolants, mobilier, objets déco, voire dans des secteurs stratégiques (armement, aéronautique). À Céret, la société Diam Bouchage, valorise le liège tricolore et s’engage dans la structuration de la filière, via des contrats durables et un procédé dit "Diamant" qui nettoie le liège). D’autres acteurs s’impliquent à l’échelon local, comme la coopérative Silvacoop corse, qui multiplient les initiatives de remise en production et de gestion certifiée. Multiples usages, le liège au quotidien Le liège, c’est d’abord un bouchon, mais c’est aussi un isolant thermique et acoustique retrouvé, un matériau pour la construction écologique, et même un substitut au cuir en maroquinerie low-tech. On le retrouve dans l’automobile, l’aéronautique, l’industrie navale, les chaussures, le sport, la musique. Une matière première « invisible » à portée d’imagination pour une société sobre et inventive. Les bouchons usagés, via la Fédération Française du Liège, sont recyclés à grande échelle (550 millions collectés depuis 2010), leur seconde vie finançant plantations et actions solidaires. Dossier sur le recyclage des bouchons de liège Défense des forêts, climat et biodiversité Au-delà de l’objet, le liège est une arme douce contre les incendies. Le chêne-liège, à l’écorce épaisse, résiste au feu, protège le tronc, accélère la régénération forestière. Une suberaie entretenue, qui retrouve pâturages et débroussaillements réguliers, joue le rôle de pare-feu naturel et multiplie la biodiversité. Sa gestion durable, labellisée PEFC ou « Bas Carbonne », séquestre plus de CO2, limite l’érosion, refonde des écosystèmes après sinistre. Relancer la filière, c’est peser dans la lutte contre les mégafeux méditerranéens, renforcer la résilience rurale, retrouver l’économie de la forêt habitée. Vers un modèle de transition écologique locale La filière du liège français refait surface, non pas à coups de greenwashing, mais dans la lenteurs des circuits courts, la patience de la forêt, le souci de la résilience. Elle fédère propriétaires privés, isolés ou regroupés, ingénieurs, collectivités, associations, et des industriels plus attentifs à la qualité qu’à l’effet d’échelle. Le développement du liège, à la convergence du low-tech, du bon sens paysan et de l’innovation douce, préfigure une économie renouvelée : régénérative, multifonctionnelle, attachée à la transition écologique sans déserter l’ancrage local. En somme, le liège façon nouvelle vague : c’est une invitation à collectivement replanter, récolter, transformer, dans le respect du vivant, de la forêt, et de nos paysages ruraux qui, à force d’être redécouverts, redeviennent porteurs d’espoir. Lire le dossier complet de l'Institut du Liège, ici.
L'équation est d'une simplicité brutale : Taïwan produit les puces les plus avancées au monde, la Chine considère l'île comme partie intégrante de son territoire, et les États-Unis ne peuvent se permettre de voir cette capacité stratégique tomber entre les mains de Pékin. Résultat ? Les machines EUV d'ASML installées chez TSMC disposent désormais d'un "kill switch" activable à distance. Séquence d'autodestruction activée dans 5, 4, 3... L'art de la destruction préventive Cette révélation nous ramène aux déclarations fracassantes du député américain Seth Moulton l'année dernière, suggérant que Washington pourrait bombarder les installations de TSMC en cas d'invasion chinoise. Une proposition qui avait fait bondir Taipei, le gouvernement taïwanais promettant de défendre l'entreprise contre toute agression, y compris américaine. Chen Ming-tong, directeur général du Bureau de sécurité nationale taïwanais, avait alors rappelé une évidence souvent oubliée dans les fantasmes militaires : "TSMC doit intégrer des éléments mondiaux avant de produire des puces haut de gamme. Sans composants ou équipements comme les outils de lithographie d'ASML, sans aucun élément clé, TSMC ne peut pas continuer sa production." Le paradoxe de la dépendance technologique Voilà bien le paradoxe de notre époque hyperconnectée : la puissance militaire moderne dépend d'écosystèmes technologiques si complexes qu'ils défient toute logique d'autarcie. Capturer une fonderie sans son réseau d'approvisionnement global revient à s'emparer d'une Ferrari sans carburant ni mécanicien. Pourtant, la géopolitique transcende souvent la logique économique. Pékin pourrait être tenté par une opération "spéciale" de "libération" de TSMC, ne serait-ce que pour priver son rival américain de l'accès aux puces les plus avancées. Washington a d'ailleurs clairement exprimé qu'une saisie chinoise de ces installations serait "dévastatrice pour l'économie américaine". ASML : le gardien involontaire de l'hégémonie occidentale C'est dans ce contexte que naît cette alliance objective entre TSMC et ASML - seul fournisseur au monde capable de produire les outils nécessaires aux puces 2nm de nouvelle génération. Le "kill switch" intégré aux machines EUV répond à une demande américaine explicite : garantir qu'en cas de conflit, ces capacités stratégiques ne puissent être retournées contre l'Occident. La course à la résilience géographique Parallèlement à cette militarisation technologique, les États-Unis déploient une stratégie de diversification géographique. Investissements massifs via le CHIPS Act pour rapatrier la production, nouvelles usines TSMC en Arizona, extension vers le Japon... L'objectif est clair : réduire la dépendance critique vis-à-vis de Taïwan. Cette guerre commerciale sino-américaine produit un effet paradoxal : en tentant de brider les ambitions technologiques chinoises, Washington pousse Pékin vers l'innovation forcée. Si les puces chinoises accusent encore plusieurs générations de retard sur Intel et AMD, les progrès sont spectaculaires. Nous assistons peut-être aux derniers soubresauts d'un ordre technologique occidental avant l'émergence d'un écosystème chinois autonome, potentiellement supérieur. L'âge de la diplo-tech Cette histoire de "kill switch" illustre parfaitement notre entrée dans l'ère de la tech-diplomatie, où les lignes de code remplacent les traités, où l'interdépendance technologique redéfinit les rapports de force géopolitiques. TSMC n'est plus seulement un fabricant de puces : c'est devenu un acteur géopolitique malgré lui, otage consentant d'un jeu qui le dépasse. Et nous, observateurs de cette partie d'échecs planétaire, découvrons que nos smartphones cachent les clés de l'équilibre des puissances.
Le survivalisme, c’est souvent présenté comme une version discount de Mad Max : gros bras, conserves à la cave, bunker au fond du jardin et check-list parano. En France, contrairement aux Etats-Unis, ces images relèvent plus du fantasme que de la réalité. La plupart des survivalistes ne se préparent pas à "la fin du monde", mais à une coupure de courant qui dure, un méga-feu, une super-tempête... Des choses qui n'ont plus rien d'hypothétiques. Découvrir le Low-Tech Journal À l’opposé de ces clichés hollywoodiens, Sven, fondateur du site NoPanic défend une approche "outdoor, autonomie, low-tech" d'un survivalisme encré dans le réel. Dans ses articles, la low-tech non pas une lubie rétro, mais une évidence pragmatique. Un ensemble d'outils, de compétences, qui permettront de faire la différence quand le confort techno-industriel se sera fait la malle. Oubliez les super-bunkers climatisés : ici, on parle filtres à eau bricolés, poêles à bois, potagers et réparation de vélo… autrement dit, des choses dont on parle déjà dans le Low-Tech Journal. Tout est une question de philosophie, d'état d'esprit me direz-vous. Ok. On a donc voulu comprendre comment NoPanic tisse le lien entre survivalisme et low-tech, son rapport à l'intelligence collective, au virilisme ou à la collapsologie. Entretien. Low-Tech Journal : Bonjour Sven. Votre démarche semble se fonder sur un survivalisme pragmatique et réaliste, loin des fantasmes extrêmes. Comment intégrez-vous la low-tech — sobriété énergétique, outils réparables, savoir-faire simples — dans cette approche ? Sven : Chez NoPanic, on défend un survivalisme pragmatique, qu’on pourrait qualifier de “français” ou “européen” ; loin des clichés hollywoodiens avec bunkers, armes et matos dernier cri. Notre approche, c’est le survivalisme du quotidien : se préparer d’abord aux risques les plus probables, pas aux scénarios de science-fiction. Concrètement, il est aujourd’hui bien plus probable de subir une coupure de courant après une tempête, un incendie domestique, un accident dans la rue ou un problème de santé que de faire face à une guerre nucléaire ou à l’impact d’un astéroïde. Ça ne veut pas dire qu’on ignore les risques à faible probabilité, mais on les traite en second, après avoir couvert les bases. Dans cette logique, la low-tech est indissociable de notre vision : être autonome, c’est avant tout développer ses compétences et utiliser des solutions simples, robustes et réparables. Par exemple, dans l’habitat, une phytoépuration fonctionne sans pièces complexes ni dépendance à un fournisseur, là où une micro-station high-tech demande plus d’entretien, de pièces spécifiques et d’énergie. C’est une évidence : la plupart des gens qui pratiquent vraiment la low-tech sont déjà, au fond, un peu survivalistes… et l’inverse est vrai aussi. Le survivalisme apporte la priorisation et l’anticipation ; la low-tech apporte la durabilité et la simplicité. LTJ : La low-tech met l’accent sur des systèmes résilients (filtres, bioponie), le bricolage et la réparation, alors que le survivalisme est parfois perçu comme une course au stockage de ressources (eau, conserves), et d’équipement “du passé”. Est-ce un préjugé, ou la low-tech n’est-elle pas vraiment à la mode chez une partie des survivalistes ? Sven : Sur le principe, je comprends cette perception : pour le grand public, le survivalisme ressemble souvent à une course au stockage et au matos high-tech. Mais c’est une image largement entretenue par certains médias, car ce sont les extrêmes qui font vendre. Montrer un bunker blindé ou un garage rempli de rations attire plus l’œil qu’un atelier de réparation ou un potager. Dans les faits, au sein de la communauté NoPanic, c’est un préjugé. Oui, le stockage a sa place (c’est du bon sens d’avoir de quoi manger et boire en cas de coup dur : une évidence que nos anciens pratiquaient durant des siècles) mais s’arrêter là, c’est repousser le problème. Quand les stocks sont vides (ou non disponibles), il faut savoir produire, réparer, improviser. C’est là que la low-tech prend toute sa valeur : un filtre à eau bricolé maison, une rocket stove en briques, un séchoir solaire… ce sont des solutions simples, peu coûteuses, réparables, et qui fonctionnent longtemps après la fin des stocks. Beaucoup de survivalistes appliquent déjà ces principes sans se revendiquer “low-tech” : récupération d’eau de pluie, chauffage au bois, potager, réparation de vélo, cuisson au feu… Ce n’est pas une mode, c’est du bon sens. LTJ : Face à un effondrement énergétique, quelles compétences low-tech devraient, selon vous, figurer en priorité dans la “trousse à outils” d’un survivaliste ? Sven : L’effondrement énergétique n’est pas un fantasme : pour l’Europe occidentale, il est amorcé, si je ne m’abuse, depuis 2007 selon certains chiffres relayés par Jean-Marc Jancovici. Mais ce scénario n’est qu’un parmi d’autres. Il faut aussi envisager les tensions sur les matières premières, les crises économiques, l’instabilité civile, les catastrophes climatiques ou sanitaires… Chaque personne a son prisme de vision en fonction de sa zone géographique, de son métier, de son âge, de sa situation familiale, de sa santé, ou encore, pour seul exemple, de sa dépendance à certains traitements médicaux. Avant de dresser une liste de compétences, il faut donc évaluer ses propres vulnérabilités. Cela dit, il y a un socle de compétences low-tech valable partout : Boire : savoir trouver, collecter, filtrer et purifier de l’eau avec des moyens simples et durables. Manger : savoir produire, conserver et cuisiner simplement (potager, séchage, lactofermentation…). Avoir un toit au-dessus de la tête : savoir réparer, isoler, entretenir un logement ou improviser un abri temporaire. Se chauffer : savoir allumer et entretenir un feu, utiliser un poêle à bois, fabriquer un rocket stove. Puis viennent : premiers secours bricolage et réparation (bois, métal, couture) mobilité sans carburant (vélo, rame, voile) communication low-tech (signaux, radio, cartes) gestion des déchets (compostage, réutilisation). LTJ : Le survivalisme est souvent associé à l’individualisme, la low-tech à la coopération et au partage du savoir. Quelle est votre réflexion autour de cette problématique sociétale ? Sven : Non, le survivaliste n’est pas fondamentalement individualiste. En revanche, il y a une première étape qui l’est : avant de pouvoir aider les autres, il faut déjà s’aider soi-même. Acquérir des compétences, se former, mettre en place ses propres solutions : c’est la base. Une fois cette autonomie posée, on sort vite de l’individualisme. La résilience sur le long terme repose sur l’entraide et le partage. Dans le monde du survivalisme, il existe une grosse communauté : forums, groupes, événements, médias comme NoPanic… où l’on échange techniques, retours d’expérience, bonnes pratiques. La low-tech pousse encore plus loin cette logique collective : ateliers de réparation, chantiers participatifs, formations partagées… Les savoir-faire circulent, profitent à tout un réseau. Survivalisme et low-tech ont le même but : augmenter la résilience. Il est possible, en effet, que le premier parte souvent de l’individu vers le groupe, quand la seconde parte du collectif vers l’individu. Mais au final, les valeurs partagées sont, selon moi, les mêmes. Je ne sais plus qui disait, à raison : “Seul, on survit ; ensemble, on vit.” LTJ : Dans les récits post-apocalyptiques, on voit rarement la low-tech comme une solution d’avenir : pourquoi à votre avis ? Et comment inverser ce cliché et rendre le vélo badass ? Sven : Ça dépend des récits. Beaucoup d’histoires post-apocalyptiques racontent surtout la chute, le moment où tout bascule. À ce stade, on utilise encore tout ce qui est disponible, et la high-tech joue le rôle d’amortisseur. Car il faut aussi être honnête, la high-tech apporte du confort : une pompe à chaleur, c’est plus simple qu’un poêle à bois. Mais ce confort se paie : dépendance, coût, faible durabilité, besoin d’entretien extérieur. Pour revenir à la question, le problème est sans doute que la low-tech manque de spectacle à l’écran. Une réparation de vélo ou un séchoir solaire, c’est moins “vendeur” qu’un tableau de bord futuriste ou une détonation de fusil à pompe. Dans les fictions, la low-tech fait parfois surface (jardinage, ateliers, culture, réparation, ...) mais elle reste secondaire dans la narration. Elle n’est pas valorisée comme centrale, bien qu’elle soit essentielle dans la vraie vie. Pour ma part, je ne crois pas qu’il faille chercher à rendre la low-tech “badass”. Cette quête du spectaculaire est précisément ce qui a déformé l’image du survivalisme, en le réduisant à des clichés polarisants. Dans la réalité, la résilience n’a rien d’un film d’action : elle se construit dans la durée, avec de la préparation, de l’organisation et une bonne dose de savoir-faire. Le cœur du sujet, c’est fondamentalement de prendre soin de soi et des siens, et de pouvoir répondre aux besoins essentiels sans dépendre systématiquement d’une aide extérieure. Cela passe par des gestes simples : réparer une pompe à eau, entretenir un poêle, cultiver un potager, stocker des semences… Des gestes discrets, peu spectaculaires, mais vitaux. Si plus de gens comprenaient que la low-tech et le survivalisme visent avant tout l’autonomie, la sécurité et la transmission de savoirs, ils les percevraient moins comme des disciplines marginales, et davantage comme des compétences citoyennes. Ce n’est pas à coups d’effets spéciaux qu’on rendra la low-tech pertinente : c’est en montrant, très concrètement, comment elle améliore la vie au quotidien… et comment elle peut continuer à le faire dans les périodes difficiles. Or, je le crains, les périodes difficiles sont devant nous.
Le Low-Tech Journal est un magazine écolo, qui propose un journalisme de solution axé sur l’innovation frugale et les modes de vie résilients. Voici son business model : 1-Revenus par abonnements La principale source de revenus provient des abonnements, proposés en formules de 1 an (6 numéros, 25 €), 2 ans (12 numéros, 44 €) ou 3 ans (18 numéros, 62,70 € avec une réduction de 5 %). Les abonnements privilégient les précommandes par rapport à la distribution classique en kiosque, ce qui réduit le gaspillage, sachant que 60 % des magazines distribués en kiosque finissent jetés (pour en savoir plus c'est par ici). Cette approche s’inscrit dans une philosophie de sobriété tout en assurant un flux de revenus stable. Le Low-Tech Journal propose un “contenu premium rare”. Il réalise un travail de curation d’informations disparates, internationales, autour des initiatives low-tech, de l’innovation frugale, des formations d’ingénieur et de design, des sorties de livres, des modes de vie alternatifs, des solutions basse-technologie, des réflexions sociologiques, philosophiques… Il met aussi l’accent sur un soutien direct à une presse indépendante et frugale, avec des fonds utilisés pour rémunérer équitablement les contributeurs (rédacteurs, illustrateurs, etc.). 2-Vente de numéros individuels et de packs Les numéros individuels sont vendus entre 3 € et 4 € (en version numérique ou papier). Des packs, comme « L’Intégrale 2023-25 » (18 numéros pour 75 €) ou la collection complète de 25 numéros (100 €, incluant un abonnement d’un an et un cadeau), constituent des sources de revenus complémentaires. Les compilations (mag-book de 200 pages) sont conçues pour être distribuées en librairie, via Dod&Cie. Ils sont aussi diffusés par le Kiosque itinérant “Les nouveaux crieurs” au sein de salons, festivals et évènements écolos. Les versions numériques (par exemple, 3 € pour certains numéros) permettent de toucher un public préférant un accès en ligne, élargissant ainsi leur marché. 3-Publicité informative Le Low-Tech Journal génère des revenus publicitaires à travers son magazine imprimé. Les annonceurs ciblent une audience engagée dans l’écologie et la démarche low-tech, attirée par le contenu inspirationnel du magazine. Les publicités promeuvent des objets low-tech du quotidien (marmite norvégienne, peinture blanches pour toitures, toilettes sèches, vélo cargo) ainsi que des formations-évènements. Ces publicités sont informatives. Seule la quatrième de couverture y est réservée. Les revenus de ces publicités sont directement réinjectés dans la réalisation du magazine (illustration, reportage…). Pour en savoir plus sur notre vision de la publicité, c'est par ici. 4- Newsletter thématique “Pro Low” Pour 22 €, les lecteurs peuvent s’abonner à une newsletter orientée “entrepreneuriat” et recevoir un dossier “entreprendre avec la low-tech” sous format numérique qui reprend des articles publiés dans le magazine. 5-Dons Le journal encourage les dons défiscalisés (déductibles à 66 % en France), l’intégralité des fonds étant dédiée au financement de reportages et d’enquêtes. Cela renforce notre positionnement en tant que média indépendant et éthique. 6. Engagement écologique et optimisation des coûts : Le magazine est conçu et imprimé en Normandie avec des choix éco-responsables : utilisation de polices économes (Ryman Eco), poids léger (120 grammes par numéro), et une présence numérique minimale (LinkedIn et Telegram uniquement) pour réduire leur empreinte écologique. Ils mettent en avant une production durable avec 80 % de précommandes, ce qui limite la surproduction et le gaspillage. Voici comment le Low-Tech Journal affronte l'explosion des prix du papier et des frais postaux. 7. Services aux collectivités et entreprises : Le journal propose des abonnements pour les personnes morales et collectivités, avec des factures adaptées (compatibles avec Chorus, une plateforme de facturation publique en France), ce qui leur permet de cibler un public institutionnel. 8. Engagement communautaire : Avec 1 500 abonnés dès la première année, 3 200 abonnés au bout de 3 ans, le Low-Tech Journal s’appuie sur une communauté fidèle, renforcée par des retours positifs (4,94/5 sur les avis clients). Cette communauté est un levier pour fidéliser les lecteurs et encourager le bouche-à-oreille. Les faiblesses du modèle d'affaires : Très forte dépendance à l’abonnement (cœur de modèle, mais public limité et potentiellement saturé après un plafond de niche, caractère cyclique de l'abonnement qui ne dure qu'1 à 3 ans). Sous-exploitation du numérique : faible présence digitale (LinkedIn, Telegram seulement), difficulté à toucher les 18-35 ans, pas de version web du magazine avec Paywall, pas de jeux ou de gamification de l'information. Tarifs très (trop ?) accessibles : marge réduite. Exemple : 25 € / an = environ 4 €/numéro. Faibles revenus publicitaires. Soyons clairs : ces faiblesses sont, pour nous, une force. Ils inscrivent le Low-Tech Journal dans une démarche non-consumériste et volontairement alternative. Nous refusons de céder aux sirènes du tout numérique, des réseaux sociaux, de la rentabilité à tout crin. Que faire pour renforcer notre modèle d'affaires sans y perdre notre âme ? Cibler les CSE d’entreprises et de collectivités pour vendre des abonnements groupés. Créer une édition PDF en Anglais de tous les articles qui ont une dimension internationale, via une page dédiée (reprise sur la page découverte), afin d'élargir notre lectorat hors de la francophonie. Créer un podcast (ex. : interviews avec des experts comme Barnabé Chaillot), pour attirer une audience francophone plus large et plus jeune. Lancer une boutique en ligne de produits dérivés afin de générer quelques revenus complémentaires et renforcer la marque. Notamment en vendant des posters des couvertures au prix de 12 € par article environ (façon The New Yorker). En revanche, nous ne vendrons pas de ToteBag publicitaires. Organiser des événements et des conférences pour créer des revenus événementiels et élargir l'audience. Nous envirsageons notamment de lancer un "Low-Tech Festival" annuel (à Tours) avec ateliers, conférences et expos (ex. : vélobus scolaire). Billets : 20-50 €, sponsorisés par des institutions éco. Nous proposons aussi des formations-conférences sur la low-tech à des universités et des entreprises. Développer des partenariats avec des médias (actuellement seulement avec Biocontact)
J’ai roulé 3 mois avec un vélo électrique sans batterie au lithium ! Le seul vélo électrique sans batterie du marché. Lancé en 2022 par l’ingénieur Adrien Lelièvre, il n’utilise pas de batterie au lithium, mais des supercondensateurs qui stockent et restituent l'énergie générée lors du pédalage, du freinage et des descentes... Une technologie qui a ses avantages et ses inconvénients Voici mon bilan au guidon de ce VAE lower-tech ! À première vue, le Pi-Pop ressemble à n’importe quel VAE. La seule différence se trouve à l’arrière : sous le porte-bagages, on trouve deux éléments, là où se loge, d’habitude, la batterie lithium-ion. Comme avec tout ce qui est low-tech, ce vélo est un engagement, une volonté d’alléger son empreinte écologique, une tentative de faire évoluer les mentalités en choisissant une alternative un peu plus radicale. Le Pi-Pop n’est pas aussi confortable qu’un VAE classique Il ne se substitue pas à vos jambes. Il se contente de vous donner une petite poussée dans le dos, quand vous commencez à faiblir. L’assistance électrique n’intervient, en effet, que lors du démarrage et dans les dénivelés. Son assistance est donc « ponctuelle ». En pointillés. Ça reste physique. Ça reste humain. Et vous terminerez souvent votre trajet « dans le rouge » et en sueur. L’effort de se passer du lithium Ce qui distingue le Pi-Pop d’un autre VAE, c’est l’absence de batterie lithium, remplacée par des supercondensateurs à double couche électrochimique (EDLC). Les condensateurs se rechargent et se déchargent au gré des freinages et accélérations, à l'image d'une dynamo. Ces deux blocs sont uniquement composés de carbone, d’aluminium (pour collecter le courant), de polymère (plastique) et de cellulose. C’est tout. Pas de lithium, ni de nickel, de manganèse ou de cobalt. Pas de terre rare. Autre avantage des condensateurs EDLC : il n’y a pas de réaction chimique. Ainsi, alors qu’une batterie lithium lâche au bout de 5 ans, un supercondensateur EDLC a une durée de vie de 10 à 15 ans. Cette innovation frugale, brevetée, est le fruit de 6 années de R&D récompensées par une médaille d'Or au concours Lépine 2024. une gestion intelligente de l'énergie L'expérience de conduite avec le Pi-Pop est comparable à celle des premières Toyota Prius, il y a vingt ans. Vous vous souvenez ? Leur mode de conduite, c’était "tout un art" et il fallait un "temps d’adaptation". Pour bien utiliser ce vélo, il faut avoir l’œil rivé sur le petit écran, minimaliste, qui indique la puissance (et non la vitesse) exilée en bas en plus petit. Il vous informe d’une recharge (vert) ou d’un appel de l’assistance électrique (rouge). En fait, il faut dire à l'ordinateur de bord qu’on a besoin d’aide en jouant sur les pignons et en ralentissant la cadence. Si vous accélérez, l’ordinateur considère que vous n’avez pas besoin d’assistance. Si vous passez le petit plateau en début de montée et moulinez : l’assistance ne fonctionne pas. Au bout d'une semaine, j'ai compris qu'il fallait enclencher la deuxième vitesse et pédaler à 1 tour/seconde pour activer l'assistance qui dure environ 7 minutes pour une batterie chargée à 50 %. Pour recharger les condensateurs, c’est une autre gymnastique. Le système récupère de l'énergie dès que vous freinez, descendez ou accélérez sur du plat. Les freins électromagnétiques ont une grande capacité de régénération d’énergie. On l’actionne en pressant légèrement les poignées de frein. Mais, si votre coup de pince est trop fort, vous activez les étriers de freins sans prendre d’énergie. La recharge s’amorce aussi en décélération et lors d’une descente. Freiner sur ce vélo devient un jeu d’anticipation à l’approche de chaque feu rouge ou d’une descente. Il m’a fallu 3 jours pour maîtriser la technique. Alors, j’achète ou pas ? Franchement, si j'habitais à Paris, Lyon ou Bordeaux, j'achèterais le Pi-Pop illico. Mais, dans ma campagne, il ne répond pas à mes besoins : même s’il est taillé pour les dénivelés de 50 m – soit 80 % des villes européennes – mon environnement de vie n’est pas assez vallonné pour me permettre de recharger entre deux côtes ou faux plats. Le matin, mes condensateurs sont vides. Les courtes décentes de mon trajet ne permettent pas de les recharger. Je me retrouve donc avec un vélo musculaire, qui pèse 5 kg de plus qu’un bon vieux Gravel. C’est du sport ! En revanche, dans Paris, c’est du velours. J’ai lu aussi beaucoup d’autres tests très concluants en zone urbaine. Quant aux prix : à 2450 €, le Pi-Pop se positionne dans le segment haut de gamme du marché des VAE. J’allais écrire qu’il lui manque un bouton HELP permettant d’activer l'assistance, à la demande. Mais j'apprends qu'une nouvelle version serait dispo, avec des condensateurs plus puissants (400 au lieu de 300 W). Donc, si vous vivez dans un presque-plat-pays et que vous voulez soutenir l’émergence d’une innovation frugale révolutionnaire, n’hésitez pas à l’essayer !
Imaginez une voiture qui se réduit à l’essentiel, livrée en kit, personnalisable au gré de vos besoins, et fabriquée en France. Non, ce n’est pas un Vhélio, mais bien une Craft Pixel – une petite révolution automobile silencieuse qui a, déjà, 10 ans. Découvrez le Low-Tech Journal Le low-tech selon France Craft France Craft, c'est une jeune pousse de Grigny (Essonne), fondée par Marc Chevreaux a imaginé la Pixel Y : deux places, pas de coffre, 50 km d’autonomie et 100 km/h en pointe. La Pixel Y revendique : 55 Wh de batteries lithium-fer-phosphate-manganèse fournies par Saft, un prix catalogue de 15.000 € avec batterie. un véhicule évolutif et personnalisable, livré en kit, à assembler chez le garagiste du coin. Un ovni dans l’histoire industrielle automobile, qui veut redonner du sens au terme "réparable". Pixel XYT : le kit qui a bousculé le CES 2016 Las Vegas, 2016. Parmi les géants high-tech et les startups bardées de gadgets connectés, la Pixel XYT. C’est rare qu’un constructeur français nous propose un tel retour à l’essentiel – une voiture qui ne vous enferme pas dans ses déterminismes électroniques, mais vous donne les clés (vraiment) pour la faire vôtre. Un coup de pied dans la fourmilière. Une élégante insurrection. Alors oui, la voiture low-tech a existé. Elle s’appelait Pixel, et a désormais disparu du paysage. Le site de l'entreprises (voir ici) ne répond plus... Pourquoi ? C'est à cette question que nous allons tenter de répondre dans le n°22 du Low-Tech Journal.
Le ronflement, souvent considéré comme un désagrément dont on se moque dans les films de Louis de Funès, perturbe la qualité du sommeil et peut cacher une apnée, dangereuse pour le coeur. Avant de se tourner vers des solutions coûteuses ou des gadgets sophistiqués, de nombreuses astuces low-tech ET efficaces permettent de réduire les ronflements. Tour d'horizon des meilleures astuces ! Découvrir le Low-Tech Journal Mais d'abord, parlons de la méthode high-tech Les médecins considèrent que la CPAP (un masque relié à une machine envoyant de l'oxygène en pression positive continue) est le traitement le plus efficace contre l’apnée du sommeil, créant un « oreiller d’air » qui maintient les voies respiratoires ouvertes, réduisant ou éliminant le ronflement. Mais cette technique a plusieurs défauts. D'abord, selon certaines études, elle n'est parfois pas plus efficace qu'une bonne vieille technique low-tech (source). Ensuite, l’appareil est très encombrant, et nuit à la qualité du sommeil : les patients mettent 3 à 6 mois, à se sentir plus reposés et énergiques. C'est long. Enfin, cette méthode est réservé aux cas d’apnée avérée. Cela veut dire que vous devrez passer des tests longs et coûteux dans un "centre du sommeil" . il ne convient pas à tout ronfleur. En cas d’apnée sévère, des solutions chirurgicales comme la stimulation du nerf hypoglosse (pour avancer la langue) ou des exercices de renforcement lingual (thérapie myofonctionnelle) peuvent être envisagées. Avant d'en arriver à de telles extrémités, testez ces solutions low-tech : Arrêter la clope, l'alcool et perdre du poids Commençons par enfoncer les portes ouvertes. Évidemment, le tabac irrite les muqueuses, accentue l’inflammation et aggrave les ronflements. L’alcool, aussi, relâche les muscles de la gorge, et amplifie les vibrations. Ne pas en boire au moins 4 heures avant le coucher. Enfin, l’excès de graisse, notamment au niveau du cou, rétrécit les voies respiratoires. Dormir sur le côté La position de sommeil joue un rôle clé. Allongé sur le dos, la langue et les tissus mous s’affaissent vers la gorge, bloquant partiellement la respiration. Dormir sur le côté dégage les voies respiratoires. Notre astuce low-tech : coudre une balle de tennis dans le dos du pyjama, qui vous empêchera de vous retourner sur le dos la nuit. Surélever la tête Un oreiller ergonomique ou le fait de surélever légèrement la tête du lit (environ 10 cm) limite la pression sur les voies respiratoires et facilite l’inspiration. Résultat : moins de vibrations sonores et une respiration plus fluide. Renforcer les muscles pharyngés L'idée est ici de réduit l’affaissement des tissus mous. Quelques minutes par jour à répéter des voyelles à voix haute ou à étirer la mâchoire peuvent être étonnamment efficaces. Nettoyer et hydrater ses voies respiratoires avant le coucher La congestion nasale accentue les ronflements. Plusieurs gestes simples peuvent être pratiqués comme un rituel avant le coucher : un rinçage à l’eau saline (avec un dispositf type stérimar) pour décongestionner les narines, ou des inhalations de vapeur à base d’eucalyptus ou de menthe pour dégager les voies. Boire un verre d'eau tiède avant le coucher aident à fluidifier les muqueuses et à améliorer la respiration nocturne. On peut y ajouter une cuillère de miel saupoudré de curcuma, ou encore boire une simple tisane à la camomille. Combiner toutes ces solutions dans une routine de sommeil anti-ronflement. L'avantage de ces solutions ? Elles sont accessibles immédiatement, sans prescription ni équipement coûteux. Mieux encore, leurs bénéfices dépassent largement le simple fait de moins ronfler : une meilleure qualité de sommeil, une respiration plus libre, et souvent un regain d'énergie au réveil.
Vous allez manifester (entre amis, en famille) ? Vous êtes novice ? Vous avez un peu peur ? Voici quelques low-tech et techniques non-violentes pour vous protéger face à la surveillance numérique de masse et aux méthodes de maintien de l'ordre contemporaines. On a publié un dossier dans le n°7 du Low-Tech Journal que l'on vous diffuse ici librement. Télécharger le dossier Bonne lecture Découvrir le Low-Tech Journal
Suite à la publication du test de la SuperWheel dans le n°21 du magazine, nous avons reçu plusieurs messages de lecteurs excédés considérant que nous faisions la promotion d'une "technologie magique" proche de la théorie de "l'énergie perpétuelle" et autres arnaques que nous avons débunké par ailleurs. Voici donc plusieurs éléments de réponse à ces interrogations. 1-Avant de publier ce test dans nos colonnes, nous avons procédé à plusieurs vérifications de base, afin de nous assurer que cette technologie n'était pas le produit d'une secte d'illuminés. > Ce n’est pas une machine à mouvement perpétuel, son créateur ne le prétend pas, vous devez quand même pédaler. Il parle de "conversion de l'énergie de compression en énergie de rotation". > Cette technologie a été développée avec le soutien de l'Université irlandaise de Duntak IT (mini-MIT irlandais), dont le président Michael Mulvey n'a rien d'un platiste. > Cette technologie aurait été brevetée dans plusieurs pays. Or, selon plusieurs sources (ici et ici), il n'est pas posible de breveter une invention qui contreviendrait ouvertement aux principes élémentaires de la physique. Car, pour être brevetable, une invention doit répondre à des critères précis, notamment être une solution technique à un problème technique et être susceptible d'application industrielle. > La SuperWheel a ensuite reçu un prix et un financement du European Institute of Innovation and Technology EIT / Urban Mobility. Une agence fiancée par des fonds de l'Union Européenne. Vous imaginez le scandale si on apprenait de ces gens finances des adeptes de l'énergie libre et des pierres de lumière ! > Simon Chan, l'homme derrière la SuperWheel a présenté son invention lors du Amsterdam Micromobility exhibition, qui est un des plus grands salons sur la mobilité douce en Europe. > Les rédacteurs en chef des magazines We Demain, L’usine Nouvelle et, plus anecdotiquement, le Journal du Geek, ont tous validé un article très positif (trop ?) sur cette technologie. > La SuperWheel a été vendue à plusieurs centaines d’exemplaires en France et dans le monde. Et des vélos de location équipés sont utilisés régulièrement pour tester le concept. Si c'était une arnaque, il est probable que, depuis le temps, des plaintes auraient dû être déposées par des acheteurs mécontents. Si, comme l'affirment certains messages que nous avons reçus, cette technologie est "un piège à cons"... Cela fait quand même un sacré paquet de cons ! Et pas des moindres. À mon sens, il n'y a pas encore de financement européen pour les pierres d'énergie... 2-Dans le corps même de l'article, nous exprimons des doutes, posons des jalons et prenons nos distances. Je cite : "Une roue qui « électrise » votre vélo sans électricité, grâce à un système de ressorts ? Une innovation brevetée et primée, produite artisanalement et commercialisée; mais qui reste inconnue du grand public ? Un système qu’on ne teste qu’à Andernos-les-Bains, vers Arcachon ? Notre curiosité est piquée. Ça exige une enquête ! "Un moteur électrique sans batterie ? Je l’avoue, ça sonne un peu comme un titre d’article attrape-nigaud qui promet d'avoir créé une voiture à énergie perpétuelle." 3-Notre article n'a rien de dithyrambique sur les résultats de cette technologie. Il est même assez sceptique... Je vous laisse le lire en entier pour vous faire votre idée. Disons simplement que notre reporter, Nathalie EST MONTÉE SUR LE VÉLO et a constaté les effets de la roue. Elle se serait donc fait abuser par les "belles paroles" du tenancier du Ciclocafé... C'est d'ailleurs ce que conclue, après une longue démonstration, l'ingénieur hollandais Joap Brinkert, pour qui : "Les tests ne donnent pas de résultats exploitables, mais traduisent surtout l’enthousiasme du testeur. Était-ce seulement dû à la pression plus élevée des pneus ?" (source). Pour certains, elle aurait été soudoyée par lui (c'est clairement ce que suggèrent certains messages). Sachant de Nathalie est aussi notre comptable, c'est une terrible révélation ! Récapitulons : nous serions donc des cons, incompétents et corrompus. J'ai lu "l'élégance du hérisson". Je pourrais écrire "la condésendance de l'ingénieur". 4-Que dire de la technologie SuperWheel ? D'abord, il est compréhensible d'être sceptique. Nous le sommes aussi. Ils parlent de « Weight to energy conversion technology (WTECT) », c’est-à-dire convertir le poids (et les forces réactives du sol / « ground reactive forces ») en énergie de rotation. (source : Super Wheel System) Ils affirment que cela diminue la consommation d’énergie, améliore l’efficacité (plus de 33 %) sur un vélo standard. Mais leurs résultats ne semblent pas probants (cf l'ami Joap pour qui le gonflage des pneus fausse la statistique). Ils disent aussi qu’il y a eu des tests à France, Irlande, Hong Kong, etc. avec des résultats concrets. Ce qui cloche Le site lui-même évoque la première loi de la thermodynamique, disant que l’énergie ne peut pas être créée ni détruite. Mais les affirmations de gains de 30 % laissent penser qu’ils prétendent récupérer une part importante d’énergie autrement perdue (p.ex. lors de la compression, déformation, vibrations, etc.). Mais dans la pratique, toute récupération d’énergie a des pertes (frottements, inefficacité des ressorts, poids ajouté, etc.). Le système promet donc plus que ce que permettrait la réalité physique. Or, c'est bien ce que constate notre test, rondugnu ! Si cela fonctionne, les résultats dépendent beaucoup du type de route (rugosité, bosses, pavés, etc.). Dans la vraie vie, le rendement semble moindre que ce qui est annoncé. Nous avons voulu tester sa technologie, en nous basant sur le éléments cités plus haut pour considérer qu'il ne s'agissait pas d'une arnaque. Il est donc vrai que les affirmations de Simon Chan paraissent très optimistes et peu prouvées de manière indépendante. Et je reconnais que nous aurions pu l'écrire tel quel dans l'article. Peut-on pêcher par bienveillance ? Vous avez 4 heures. Voilà pourquoi nous allons proposer à une école d'ingénieur de réaliser des tests sur le gain d’efficacité. Ce sera toujours intéressant ! Et nous publierons leurs résultats, même (et surtout) s'ils prouvent que cette technologie est une supercherie ! Alors, qui s'y colle ?
Un bruit discret court dans les vallées du Vercors. Ce n’est pas celui des tronçonneuses ou des chasseurs : c’est le froissement d’un chevreuil à l’orée d’un bois laissé tranquille. C’est aussi une caméra discrète qui capte ces scènes de vie sauvage, preuve que là où l’humain recule, la nature reprend souffle. Ce principe a un nom — le réensauvagement, ou rewilding. Et depuis 2020, couple de cinéastes Arnaud Hiltzer et Aurélie Miquel lui consacre une série documentaire hors normes : Into The Rewild. Découvrir le Low-Tech Journal Leur dernier film, tourné en Argentine, s'intitule "Rewilding Patagonia". Il retrace un vaste projet de réensauvagement initié par Kristine et Douglas Tompkins (cofondeur de The North Face) et de leur fondation. En moins de 30 ans, 7 millions d’hectares ont été réensauvagés et 18 parcs nationaux créés. C’est l’histoire d’une nature qui reprend doucement sa place, quand on choisit de lui en laisser la possibilité. Ni traité académique ni appel alarmiste, ce film donne à voir une réalité simple : si on laisse un peu d’espace au vivant, il fait le reste. On respire. Réensauvagement : rendre la terre à la vie Le terme a encore un parfum d’utopie en France. Pourtant, il s’agit d’un concept bien réel et de plus en plus incontournable. Concrètement, réensauvager, c’est accorder aux milieux naturels la liberté de se régénérer. Cela peut passer par laisser des parcelles « en libre évolution », restaurer des écosystèmes abîmés, ou même réintroduire des espèces disparues. Pour George Monbiot, journaliste au Guardian et figure du mouvement, « c’est ramener la richesse, la diversité et l’émerveillement que nous a volés la destruction des habitats ». Arnaud Hiltzer, caméra à l’épaule, part donc sur ses traces à Oxford avant de filer voir ce qui se passe au cœur du Vercors, sur la première réserve créée par l’ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages). Là-bas, aucun compromis : ni chasse, ni pêche, ni coupe de bois, ni agriculture sur les 130 hectares du Grand Barry. Résultat : renards, belettes, chevreuils et sangliers reviennent sans fanfare. La simple preuve par image que « laisser faire » peut parfois être plus efficace que « restaurer de force ». Le confinement a servi de leçon L’idée ne serait peut-être pas aussi palpable sans l’épisode étrange du confinement de 2020. Avec l’arrêt brutal de nos activités, on a vu surgir des chèvres des montagnes dans les rues galloises, des canards sur les trottoirs parisiens, et des sangliers jusque dans les villages de Provence. Une démonstration grandeur nature de ce que la planète sait encore faire : cicatriser à une vitesse qui défie notre imagination. Arnaud Hiltzer en profite pour poser sa caméra dans les forêts du Vercors avec les naturalistes Béatrice et Gilbert Cochet, accompagnés de Clément Roche, gestionnaire de la zone. Tous expliquent que le réensauvagement n’est pas une fuite en arrière mais un choix de société : « Soit on ne fait rien et on laisse la nature suivre son cours. Soit on lui donne un coup de pouce quand il manque des pièces du puzzle — une espèce disparue, un équilibre rompu ». Bref, il s’agit de soigner des territoires comme on réapprendrait à soigner une relation abîmée. L’Amérique du Sud voit grand Mais le réensauvagement ne se joue pas seulement à l’échelle de quelques hectares en France. À la dernière Semaine du climat à New York, la Tompkins Conservation a dévoilé un projet titanesque : la Jaguar Rivers Initiative. Objectif : relier forêts, zones humides et savanes sur 2,5 millions de km², soit une surface équivalente à la Méditerranée entière. Le jaguar en est l’emblème — et l’espèce parapluie. Réintroduit dans le parc argentin d’Iberá, où il avait disparu depuis 70 ans, il a déjà repris pied, passant de 7 à près de 40 individus. En restaurant son territoire, ce sont aussi des centaines d’autres espèces qui retrouvent un havre. Et ce n’est pas qu’une victoire écologique. L’initiative s’accompagne de développement de l’écotourisme, de revenus locaux, de fierté culturelle. Comme le résumait Douglas Tompkins, pionnier de cette cause avec son épouse Kristine : « Si quelque chose peut sauver le monde, je parierais sur la beauté. » Rewilding Patagonia : la preuve par l’utopie réalisée Le couple Tompkins incarne depuis 30 ans un modèle à contre-courant : utiliser la fortune accumulée dans la mode outdoor pour... racheter des millions d’hectares menacés en Patagonie, les restaurer et les donner aux États sous forme de parcs nationaux. Dix-huit parcs ont ainsi vu le jour au Chili et en Argentine, couvrant l’équivalent d’un pays comme l’Irlande. Le documentaire Rewilding Patagonia, sorti ce 30 septembre sur Youtube, raconte cette aventure démesurée avec une énergie contagieuse. Il ne s’agit pas seulement de sauver des huemuls, des nandous ou des pumas, mais de transformer une région : relancer un tourisme durable, créer de l’emploi, rendre aux habitants un lien direct avec leur territoire. Bref : prouver que le réensauvagement est bien plus qu’une question de biodiversité. C’est une question de société. Patagonie - Vercors : même combat ! Alors, qu’y a-t-il de commun entre le silence d’un sous-bois du Vercors et ces paysages démesurés de la Patagonie ? Une conviction : nous avons besoin de réapprendre à cohabiter avec le vivant. Pas comme un luxe d’écologiste urbain, mais comme une urgence vitale. Car derrière les images de sangliers qui reviennent ou de jaguars qui rôdent se cache un constat glaçant : en cinquante ans, l’Amérique du Sud a perdu 94 % de ses populations animales sauvages. Et même en Europe, nos campagnes sont souvent devenues des déserts biologiques. Le réensauvagement propose de changer de récit : accepter de perdre un peu de contrôle, pour regagner infiniment plus en diversité, en résilience et même en beauté. « Into The Rewild » : une utopie contagieuse Avec Into The Rewild, Arnaud Hiltzer propose une autre façon de transmettre. Ses films ne culpabilisent pas mais inspirent. Ils ne dressent pas des bilans mais ouvrent des portes. Voir une réserve redevenue vivante, entendre les cris des oiseaux dans des vallées sylvestres ou suivre le tracé d’un jaguar le long d’un fleuve : tout cela raconte un futur possible, presque tangible, où l’humain retrouve une place parmi les autres êtres vivants. Réensauvager nos imaginaires Finalement, le plus précieux enseignement n’est peut-être pas biologique. En racontant ces histoires, Into The Rewild nous invite à « réensauvager » aussi nos imaginaires. À cesser de voir la nature comme un décor ou une ressource, mais comme une partenaire de vie. Car oui, laisser des forêts s’épanouir ou des jaguars retrouver leur chemin est essentiel. Mais encore plus essentiel est ce qu’il advient en nous : l’émerveillement, la joie, et ce sentiment profond de ne plus marcher seuls sur une planète abîmée. Et si la vraie révolution commençait par là ? Le documentaire est également à retrouver sur grand écran le 12 octobre 2025 à Dijon dans le cadre du festival Les Écrans de l'aventure et les 15 et 19 octobre 2025 à Albertville à l’occasion du festival Le Grand Bivouac. Dernière minute : le film est sélectionné au Wildlife Conservation Film Festival (WCFF) à Monterrey, Mexico !
