« C’est une mission à temps plein » : les Restos du cœur 95 manquent de bénévoles pour les postes à responsabilité
Il suffit d’un petit tour dans le plus grand centre de distribution des Restos du cœur 95, à Argenteuil, pour s’en convaincre : les bénévoles ne veulent plus avoir de poste à responsabilité. Pot de confiture entre les mains, Dominique s’occupe ce jeudi 27 novembre du stand complément (confiture, beurre, pain de mie, etc.) Voilà 9 ans qu’il est membre de l’association et il l’assume sans sourciller : « Je le vois notre responsable, il a toujours plein de choses à faire et à prévoir. J’étais agent de maîtrise dans un entrepôt donc je sais ce que c’est d’encadrer une équipe. À la retraite, ce n’est plus ce que j’ai envie de faire. »Comme Dominique, ils sont nombreux à bouder les fonctions d’encadrement. Depuis le 3 septembre, les Restos du cœur 95 ont posté, sur leur site Internet, 16 annonces de recherche de bénévoles. 15 d’entre elles concernent des postes de chef ou de chef adjoint. Ramasse, collecte et dons, présentation en milieu scolaire, logistique, événementiel, ressources humaines… Aucun domaine n’est épargné. Et les besoins sont d’autant plus importants dans l’entrepôt d’Argenteuil qui accueille le siège départementale et alimente également les Hauts-de-Seine.Veste en velours rouge sur le dos et badge Resto du cœur sur la poitrine, Marie-France Ligeret, secrétaire départementale, responsable communication et simple bénévole distribution les jeudis matin au centre d’Argenteuil précise : « Si on regarde le fonctionnement de l’association, vu de l’extérieur, ça n’a aucun impact. Mais ça veut dire que ce sont ceux qui sont là qui font à la place des autres. »« J’en ai assez »Une surcharge de travail qui ne peut pas fonctionner dans le temps long. D’autant que la moyenne d’âge des bénévoles est de 70 ans. « On est à un âge où on peut tomber malade à tout moment. On avait une responsable des ressources humaines qui est tombée malade et quelques mois après, elle nous a quittés », s’attriste Marie-France Ligeret.En réalité, les 15 offres de bénévolat concernent des postes déjà occupés. L’association tente, dans la plupart des cas, de créer des binômes pour soulager les encadrants. Mais, quelquefois, il s’agit de remplacer un bénévole qui souhaite prendre le large. « Aujourd’hui, on a quelqu’un qui s’occupe de la ramasse, collecte et dons mais, ça fait deux ans maintenant qu’il dit : Je voudrais faire autre chose, retourner vers le terrain, j’en ai assez, etc. » souffle la secrétaire départementale tout en déplorant ne trouver aucun remplaçant.La raison ? Ce sont des missions chronophages qui ne coïncident plus avec les évolutions du bénévolat, communes à toutes les associations. D’après le dernier baromètre de France bénévolat, « les formes traditionnelles d’engagement, souvent régulières et denses, cèdent progressivement la place à des pratiques plus ponctuelles et plus souples ».Aux Restos du cœur, les bénévoles vont davantage être présents un ou deux jours par semaine, contre trois ou quatre par le passé. Pour garder du temps libre ou pour multiplier les engagements par ailleurs. Penchée sur la fiche d’une personne accueillie, Christine, 61 ans, agit dans le centre de distribution d’Argenteuil deux matins par semaine. À la question : accepteriez-vous d’être cheffe ? Cette dernière se fend d’un « non » spontané.Pourquoi ? « Ca me demanderait plus d’engagement que ce que je peux donner aujourd’hui. J’ai d’autres activités en dehors des Restos du cœur. Je suis aidante de mes parents. Ça me demande du temps et c’est une charge mentale importante », détaille la néoretraitée.À ses côtés, Hervé Robert, responsable du centre de distribution d’Argenteuil depuis 5 ans, acquiesce. « Être bénévole responsable, c’est une mission à temps plein, sourit cet ancien chef à la RATP. Aux 6 heures de présence par jour, s’ajoutent les autres missions comme gérer les stocks, répondre aux mails, etc. Au total, je dois certainement faire 30 heures de travail par semaine. »Un job à plein temps donc. Mais, ne dit-on pas que tout travail mérite salaire ? « Si tous les postes de responsables étaient rémunérés, on ne pourrait distribuer que 30 % de ce qu’on distribue aujourd’hui », explique Marie-France Ligeret. Et d’ajouter : « Rémunérer nos plus de 700 bénévoles coûterait plus de 2,2 millions d’euros ».Le mécénat de compétences : une solution miracleFace à cette impasse, une « solution miracle » semble se dessiner : le mécénat de compétences. Des entreprises mettent à disposition des associations certains de leurs employés, souvent en fin de carrière. « Ça fonctionne bien parce qu’ils sont présents tous les jours et ça nous coûte rien, se satisfait la secrétaire départementale. Encore faut-il les trouver. Les offres d’emploi ne suffisent pas donc on s’est mis à trois pour recontacter toutes les entreprises avec lesquelles on a déjà travaillé. »Au-delà des postes à responsabilité, les Restos du cœur vont bientôt lancer un processus de réflexion à l’échelle nationale pour renouveler la façon d’approcher les bénévoles en cohérence avec leurs nouvelles aspirations.