Cette transformation bouleverse l'équilibre politique traditionnel au sein de l'Union européenne, notamment la relation franco-allemande, et redéfinit la posture stratégique du continent. Ce changement, qualifié de "tellurique" par un fonctionnaire de l'UE, renverse un accord tacite de longue date où l'Allemagne gérait l'économie et la France le militaire. D'ici 2029, Berlin prévoit de consacrer 153 milliards d'euros par an à sa défense, soit environ 3,5 % de son PIB, éclipsant les 80 milliards prévus par la France pour 2030.
Cette montée en puissance suscite une profonde inquiétude à Paris.
Un responsable de la défense français a confié : "Il sera difficile de travailler avec eux car ils seront extrêmement dominants". La France craint que la puissance industrielle et économique allemande, couplée à sa force militaire, ne la marginalise, une crainte exacerbée par les tensions autour du projet d'avion de combat de nouvelle génération (SCAF).
En Pologne, la réaction est plus pragmatique.
Varsovie considère ce réarmement comme "nécessaire et attendu", une réponse naturelle à la menace russe et au désengagement américain. Cependant, le passé historique et la politique pro-russe de l'ancienne chancelière Angela Merkel incitent à la prudence. Le vice-ministre polonais de la Défense, Paweł Zalewski, a souligné que "l'augmentation de la puissance militaire de l'Allemagne est une réponse naturelle", tout en ajoutant : "Nous n'oublions rien". Berlin privilégie une approche nationale pour ses acquisitions, utilisant l'article 346 du traité de l'UE pour favoriser son industrie nationale, transformant ainsi le moteur économique de l'UE en son moteur militaro-industriel. Ce basculement du centre de gravité de l'Europe vers l'est pose un défi majeur à Bruxelles : canaliser cette nouvelle dynamique ou faire face à une fragmentation accrue de la défense européenne.












